Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 août 2023 1 07 /08 /août /2023 08:51

église paroissiale et prieurale de Vernais (18)

Il vous sera peut-être arrivé, au cours de vos voyages, de visiter d'anciens prieurés médiévaux, très souvent présentés comme de micro-monastères, hébergeant une petite population de moines ou de moniales éloignés de leur abbaye d'origine.

Ce modèle, quoique séduisant en terme spirituel, s'applique, en fait à très peu d'endroits. Quelques exemples relevés en Berry du Sud permettent de mesurer de toute la complexité du phénomène.

Le point de départ de la méprise sur la nature réelle d'un prieuré est à rechercher dans le terme lui-même, qui évoque le mot prière. Il n'en fallait pas plus pour que certains concluent de manière hâtive que des religieux avaient séjourné dans presque tous les villages, éclairant les populations de leur savoir et de leur piété. Cette vision un peu naïve héritée de la période romantique mérite d'être corrigée à l'examen du contenu des chartes médiévales conservant le souvenir des multiples donations accordées au clergé par la société civile.

A l'origine de chaque prieuré se trouve un don de terres, de bâtiments, de rentes, à une abbaye. Certains dons, très modestes, ne rapportaient presque rien à leurs bénéficiaires. D'autres, plus conséquents, étaient situés si près des monastères qu'ils se fondaient naturellement dans l'ensemble de leur domaine foncier. Plus compliquée était la situation de donations éloignées du lieu de vie de leurs nouveaux propriétaires, dont la gestion nécessitait la présence de religieux envoyés sur place par leur abbé. La question est alors de savoir si cette présence était pérenne, ou simplement temporaire. La seule manière objective d'y répondre est d'évaluer l'importance du don (était-il suffisant pour assurer le quotidien d'une communauté religieuse?), la distance entre le lieu de ce don et l'abbaye (parfois des centaines de kilomètres) et bien entendu la règle observée dans le monastère d'origine: il n'est pas réaliste d'imaginer des moines ayant fait vœu de vie communautaire s'éloigner de leur cloître pour mener une existence quasi-solitaire dans de minuscules prieurés ruraux.

Quelques exemples berrichons illustrent la complexité de ce dossier et invitent à la plus grande prudence en matière de lecture du passé d'un lieu précis.

Souvigny

Les grands prieurés urbains

 

Un exemple bien connu en Berry: Souvigny. Grâce à la générosité de la féodalité locale, Cluny peut implanter une communauté autonome à Souvigny, dotée d'une prieurale indépendante et de bâtiments conventuels. Un prieur fait office d'abbé, le couvent bat sa propre monnaie, la prieurale s'élève proche de l'église paroissiale.

église paroissiale et prieurale d'Allichamps, proche de Bruère-Allichamps (18)

Les prieurés urbains et villageois

 

De loin les plus nombreux et surtout, les plus mal connus. Leur importance est proportionnelle à la richesse de la donation initiale, souvent difficile à évaluer sans une étude fine des chartriers abbatiaux sur plusieurs siècles. A de très rares exceptions près, les bâtiments agricoles ont disparu ou ont changé d'affectation. Ainsi, la grange de l'ancien prieuré bénédictin de Drevant, dans le Cher, est devenue, à une époque qu'il conviendrait de déterminer, une église, remplaçant la minuscule église romane partagée par les moines du Moutier-d'Ahun, lors de leurs séjours sur place et par le curé de la paroisse. Parfois, le prieuré accueille une communauté permanente aussi influente que les abbayes locales: l'exemple de La Chapelaude, dans l'Allier, dépendant de l'abbaye de Saint-Denis, près de Paris, a marqué l'histoire locale.

Les moines, résidents permanents ou temporaires, usent l'église du village conjointement avec les officiants de la paroisse.

prieuré de Manzay (18)

Les prieurés ruraux

 

Quand la donation initiale est conséquente et éloignée d'une église, l'abbaye récipiendaire peut faire construire un petit monastère doté d'une chapelle, de bâtiments conventuels et agricoles. Les frères et sœurs qui viennent y accomplir leurs vœux sont originaires de la région et sont reconnus comme membres de la communauté d'origine. Certains prieurés acceptent en leurs murs des sépultures étrangères à leur ordre, laïques ou religieuses.

Il convient de rappeler l'existence de plusieurs fondations établies sous ce modèle dans les campagnes du Berry. Sur la commune de Limeux, dans l'Indre, sont visibles les traces d'un important monastère, affilié à l’abbaye bénédictine de Notre-Dame d’Issoudun, pourtant géographiquement assez proche. De même peut-on citer, dans la commune de Saint-Georges-de-Poisieux, au lieu-dit Soye-l’Église, un petit édifice roman dépendant de l’abbaye de chanoines de Puyferrand, proche du Châtelet-en-Berry. Pour ce dernier exemple, nous ignorons si des religieux résidaient en permanence dans ce lieu, la règle de vie des chanoines différant de celle des ordres cloîtrés.

 

prieuré de Soye (18)

 

© Olivier Trotignon 2023

Partager cet article
Repost0
15 juillet 2023 6 15 /07 /juillet /2023 09:32

Plusieurs d’entre vous savent les liens particuliers que j’entretiens avec la forteresse médiévale puis post-médiévale de Montrond, à Saint-Amand-Montrond, dans le Cher. Bien avant de commencer mes études en Histoire, j’y avais été bénévole puis y avais animé la partie archéologique avant de m’en faire exclure, cible de jalousies et de médiocrités qui ne méritaient pas de réponse. J’ai mis des années à accepter de retourner sur ce site chargé de souvenirs, aujourd’hui bien différent de l’image que j’en avais gardé.

Bâtie au XIIIe siècle, agrandie aux XVe et XVIIe, la forteresse de Montrond, ruinée, démantelée et transformée en carrière de matériaux, avait presque disparue du paysage. Seul émergeait un tronçon de tour éventrée. Puis, peu à peu, le déblaiement, la fouille et la restauration des murs anciens ont fait apparaître les bases d’un des plus grands châteaux des Berry et Bourbonnais (géographie politique qui a évolué au cours du temps).

Les travaux achevés, les vestiges de la forteresse ont été aménagés pour la visite et accueillent diverses animations estivales.

 

Je croyais presque tout connaître jusqu’à ce que l’équipe qui anime le lieu (que je remercie sincèrement pour son accueil) me fasse découvrir un espace d’exposition qui complète parfaitement la visite des ruines. C’est  cet espace, moins connu que les musées locaux, qui a retenu toute mon attention.

Dans un ancien local à vocation industrielle, que nous considérions (à juste titre), comme une verrue dans le paysage urbain ont été aménagées des salles d’exposition sobres et lumineuses dans lesquelles, outre une collection lapidaire d’éléments sculptés découverts sur place, sont disposés des supports pédagogiques indispensables à la compréhension de cet ensemble défensif complexe: maquettes, gravures, panneaux explicatifs… La visite permet en outre de se faire une idée des pièces d’artillerie engagées lors du siège de la place, lors de la Fronde.

Vous pourrez aussi y voir un objet auquel je suis particulièrement attaché: une statue d’aigle que j’ai eu la surprise de découvrir en 1979 tout près de l’ancien donjon. Peu majestueuse (les proportions du volatile sont plutôt celle d’un gros poulet) mais peu importe, cette pierre est, et sans doute pour longtemps, le plus bel élément sculpté trouvé au cours des fouilles de naguère.

Je serais très étonné que vous ressortiez déçu de votre visite.

 

Olivier Trotignon 2023

Partager cet article
Repost0
17 juin 2023 6 17 /06 /juin /2023 09:22

Certains d’entre vous se souviennent peut-être encore de mon article présentant, sur ce blog, la cloche médiévale de l’église de Sidiailles, dans le sud du Cher.

Aujourd’hui, c’est une autre cloche, tout aussi intéressante, contemporaine de celle de Sidiailles et peut-être moins connue, que j’aimerais vous présenter.

Deux circonstances favorables m’ont permis d’y avoir accès: l’exposition présentée l’hiver dernier aux Archives départementales de l’Indre, où j’ai appris l’existence de cet objet, et la  grande gentillesse et disponibilité de mme la secrétaire de mairie de la commune de Diou, qui m’a confié la clé de l’église du village où est déposée la cloche en question. Je l’en remercie sincèrement.

La cloche de Diou est rare à plus d’un titre. Datée, sans millésime précis, du XIIIe siècle, elle est, si on consulte la base Palissy, unique en son genre dans l’Indre et compte parmi les rares instruments campanaires du diocèse hérités du Moyen-Âge. Elle est en bon état de conservation, sans fente ni fêlure et possède encore son mouton de bois fixé à ses anses par des ferrures d’aspect très ancien, peut-être d’origine?

Elle est en outre locale, sa légende portant la mention de saint Clément, patron de l’église paroissiale, et n’a pas été échangée contre une autre comme ce fut parfois le cas à la Révolution. Sa dernière qualité, et non des moindres pour le médiéviste, est d’être déposée dans la nef de l’église, visible sans avoir à jouer les acrobates dans des clochers poussiéreux.

La légende inscrite sur son cerveau est une simple prière:

 

« † SANCTE * CLEMENS * ORA * PRO * NOBIS † »

(saint Clément prie/priez pour nous)

 

adressée au saint patron du sanctuaire. Le début de la phrase et sa fin sont séparées par une croix, chaque mot est isolé par trois points superposés. Les lettres « S » sont curieusement à l’envers. L’harmonie de la légende et la finesse des caractères démontrent le soin avec lequel le fondeur a exécuté la commande.

 

Devant la cloche de Diou m’est venu une interrogation: une parenté avec sa consœur de Sidiailles serait-elle envisageable? Tous les points de comparaison écartent cette hypothèse. Les deux polices de caractères divergent sensiblement, à Sidiailles, c’est un signe à deux points, trois points à Diou, qui sépare chaque mot.  Par contre, dans l'église de Saint-Laurent, à l'est de Vierzon, est conservé un instrument que je n'ai pas vu mais qui, selon les photographies disponibles sur la base Palissy, présente de grandes similitudes avec celui de Diou, trois points de séparation superposés et des "S" inversés. Il est raisonnable de penser que les deux paroisses ont choisi le même atelier pour faire exécuter leurs commandes.

 

© Olivier Trotignon 2023

Partager cet article
Repost0
13 mai 2023 6 13 /05 /mai /2023 09:56

Même si ce billet dépasse les limites chronologiques habituelles de mon travail, j’aimerais attirer votre attention sur l’existence d’une pierre tombale méconnue scellée dans un mur intérieur de l’église de Couleuvre, proche du massif de Tronçais, dans l’Allier, et datée du début du XVIe siècle.

J’ai dû attendre des années avant d’accéder à l’intérieur de cette église, très souvent close pour des questions, j’imagine, et comme souvent, de sécurité. Toutefois, lors des dernières Journées du Patrimoine, le village de Couleuvre s’est distingué en ouvrant plusieurs sites remarquables de la commune, dont l’église.

On y découvre une dalle funéraire complète, quoique brisée à hauteur de la face du défunt, très soigneusement sculptée dans un calcaire au grain fin, récupérée dans la chapelle en ruine d’un petit manoir de la paroisse. J’ignore ce qu’est devenu le reste de la tombe. Cette pierre est à l’effigie d’un jeune homme de 25 ans, Jean de Villars, revêtu de son armure. Près de la silhouette sont représentés ses gantelets, son casque, son épée et son blason.

Une longue épitaphe en Français de la Renaissance court tout au long de la pierre sur deux à trois rangs. Cette inscription, d’un graphisme soignée, est difficile à lire sans un éclairage dédié. La lecture est aussi gênée par quelques parties plus usées que la moyenne de l’ensemble.

Dans un article des Cahiers bourbonnais daté de 1965, Laurent Bourdier, dans un article portant sur les châteaux du canton de Lurcy-Lévis, propose la transcription suivante:

 

« Ci-gît noble homme Jean de Villar, écuyer, seigneur de Beguin et phis aîné de noble homme Gilbert de Villar et de damoiselle Claude de Gurande, ses pères et mères, qui est décédé le lundy cinquième jour d’averil l’an {1594}* fut blécé le mercredi 30 de mars au bouas de Soucerin des garnisons de Saint Liénard, seigneur de Blanfoussé, d’un coup d’escopaite au travers du cord et fut mené frotefons et mort à Grossouvre en l’âge de vin cinc ans »

 

* L. Bourdier lit "1504". 

 

Ce texte peut-être proposé dans une forme contemporaine:

 

« Ci-gît Jean de Villars, seigneur de Beguin et seigneur de Blancs-fossés, des garnisons de Saint Liénard, fils aîné de noble homme Gilbert de Villars et de damoiselle Claude d’Aigurande, ses père et mère, qui est décédé le lundi 5 avril 1594, fut blessé le mercredi 30 mars au bois de Soussarin d’un coup d’escopette au travers du corps et fut mené (frotefons?) et mort à Grossouvre à l’âge de 25 ans ».

 

Le terme « frotefons » laisse perplexe, n’apparaissant dans aucun lexique de l’époque médiévale ou moderne. Un retour sur le site est indispensable pour restituer l’orthographe exacte de ce mot dont l’empreinte est très usée, ce qui complique sa copie. Quoi qu’il en soit, cette lacune n’altère pas la lecture de l’ensemble.

Le gisant est donc un jeune seigneur du voisinage, Béguin et  Blancs-fossés étant des châteaux proches de Lurcy-Lévis et de Couleuvre, sans doute officier dans une compagnie d’hommes d’armes cantonnée à Corbigny (naguère Saint-Liénard), dans la Nièvre. L’épitaphe ne mentionne pas les circonstances de sa blessure (agression? accident de chasse?) mais précise le lieu où l’homme fut atteint par le projectile d’une arme à feu de l’époque: le bois de Soussarin étant proche des lieux précédemment cités. L’homme est décédé dans son château de Grossouvre, aujourd’hui dans le Cher, sa dépouille inhumée dans la chapelle familiale dans la paroisse de Couleuvre.

Quelques points méritent d’être soulignés.

Cette dalle funéraire présente plusieurs traits qui marquent une évolution par rapport à la période précédente. L’usage du Français, préféré au latin dans l’épigraphie, s’accorde avec ce qu’on observe dans les archives à la même époque. Si les tombes médiévales ne manquent pas, pour certaines, de détails précis, ici, la mort de Jean de Villards est présentée en une courte narration. On remarque que le défunt n’est pas accompagné par un animal, marque de noblesse (chien, ours, lion, bélier…) et qu’aucun signe religieux, à part les mains croisées sur le ventre, n’orne la pierre tombale.

Il est dommage qu’il n’y ait pas plus d’œuvres de même nature, dans la région, auxquelles comparer la tombe de Couleuvre.

Si, parmi vous, quelqu’un avait une idée concernant ce mot dont le sens nous échappe, son aide serait précieuse!

 

© Olivier Trotignon 2023

Partager cet article
Repost0
8 avril 2023 6 08 /04 /avril /2023 11:04

© Titulus

L’église romane de La Celle, proche de la vallée du Cher, est sans conteste un monument qui mérite toute l’attention des amateurs d’art et d’architecture médiévale. Outre le bâti dans son ensemble, ce sanctuaire offre au visiteur une intéressante variété d’expressions artistiques anciennes (gisant-reliquaire, blason sculpté, copies de scènes antiques sur la façade, stèles antiques réemployées) dont une fresque d’une grande rareté sur laquelle j’aimerais attirer votre attention.

A l’intérieur de l’église, peinte à faible hauteur (environ deux mètres) se trouve une composition malheureusement très dégradée découverte par hasard au début du siècle passé, sous un plâtrât informe. Sous un Christ en majesté s’aligne un court texte en latin, lui aussi amputé d’une partie de ses mots, rédigé avec un lettrage soigné d’une longueur réduite par des abréviations.

Incompréhensible pour les non-spécialistes en épigraphie médiévale, catégorie à laquelle j’avoue humblement appartenir, cette inscription a été savamment étudiée par le groupe TITULUS, corpus des inscriptions de la France médiévale, dont les travaux sont accessibles en ligne.

Voici la transcription:

 

[Ob] se[cr] o sume Pat(er) quid Virgo plac(et) tibi [M] ate[r] ,

[ a] te Nate, peto sis vultu queso, quieto,

his qui p(ro)rsus amant hoc templo meq(ue) rec[la]ma[nt]

cum fueris sceler(um) vindex in fine [seculor]um

FIliu(s) adq(ue) Pater responsum do tibi[ Mater]

quib[(us) e]xoras sedes prebebo decor[as].

 

que les latinistes traduisent, après restitution des parties effacées, et par analogie avec d’autres textes complets contemporains, en:

 

Je te supplie, ô Père suprême, que la Vierge et mère te soit agréable ; à toi Fils, je te demande de montrer un visage paisible, je t’en prie, à ceux qui aiment vraiment beaucoup ce temple et qui ont à se plaindre de moi, lorsque tu seras le vengeur des crimes à la fin des siècles, Fils et Père, je te donne une réponse, Mère, à ceux que tu apaises, j’offrirai des demeures magnifiques.

 

Ajoutons qu’en examinant la totalité du tableau, les spécialistes ont identifié les restes de la silhouette d’un personnage laïc en position de prière figurant très certainement le commanditaire de la fresque.

 

Une incertitude plane sur l’âge exact de ce dessin, car les repères épigraphiques sont communs aux XIe et XIIe siècle.

Se basant sur des données anthroponymiques fantaisistes, Titulus attribue cette prière à un seigneur de Charenton qui n’a jamais existé, mais ne se trompe pas sur l’origine politique du chevalier auteur de la commande. La maison de Charenton domine toute la région pendant presque deux siècles. De plus, un de ses représentants est connu pour un certain nombre de fautes graves qui ont attiré l’ire de la royauté et du clergé.

Plutôt que de reproduire une numérotation anachronique et dénuée de fondements qui impose des degrés généalogiques aux quelques seigneurs de Charenton connus par les textes, je parlerai d’un homme nommé Ebe, fils et successeur du Ebe connu pour avoir été un des principaux fondateurs de l’abbaye de Noirlac.

Ce détenteur du pouvoir féodal local se distingue très vite par une série de mauvaises pratiques à l’encontre des monastères locaux, qui lui valent la colère du jeune roi Philippe Auguste qui mène contre lui la première chevauchée punitive de son long règne. Plus tard, il accueille dans ses ville et château de Charenton des mercenaires pillards d’églises, qu’il trahit sitôt la place évacuée par les hommes d’armes. Ebe est aussi capable de repentir, car on le voit participer à la fondation de l’abbaye cistercienne féminine de Bussière et doter plusieurs autres monastères. Cet homme part en 1189 vers la Terre sainte, croisade dont il ne revient jamais. Son bilan en qualité de bâtisseur d’églises est incertain. Dans les textes d’époque, rien ne permet de le distinguer de son père. L’absence de chronologie de leurs pouvoirs respectifs ne permet pas d’attribuer à l’un ou à l’autre tel ou tel monument religieux, abondants dans cette partie du Berry du Sud. Ces « demeures magnifiques » auxquelles la prière murale fait allusion font certainement partie de cet ensemble et matérialisent la rédemption des « crimes » évoqués dans cette imploration.

© Olivier Trotignon 2023

Partager cet article
Repost0
21 mars 2023 2 21 /03 /mars /2023 15:07

coquilles de pèlerins (musée de la Romanité, Nîmes)

 

C’est une question qui revient parfois, à l’issue de certaines animations, posée par des auditeurs curieux du passé de leur terroir. Souvent considérée comme une évidence, la présence de pèlerins compostellans sur les chemins qui desservaient les paroisses berrichonnes à l’époque médiévale pose question. Si, aujourd’hui, ces chemins sont cartographiés, balisés, reconnus comme tels et deviennent même une partie de l’identité de certaines localités, leur ancienneté est beaucoup plus difficile à affirmer et surtout à documenter.

Tout d’abord, pourquoi Compostelle, et pas les autres? L’Occident médiéval offre aux dévots un grand nombre de lieux de pèlerinage, du plus célèbre, Rome, aux plus modestes sanctuaires ruraux conservant des reliques. Si beaucoup sont aujourd’hui tombés dans l’oubli, ils offraient aux populations les plus modestes comme les plus aisées, un espace spirituel à portée de chacun. On se souviendra que les Croisades étaient, pour les gens qui se rendaient outre-mer, autant une volonté de sauver leur âme que de ferrailler avec les Infidèles.

Ces chemins, s’ils ont existé, ont-ils laissé une trace dans les archives?

Le pèlerin, par essence, est un voyageur, qui n’a pas vocation à s’arrêter en chemin pour inscrire son nom dans l’histoire, sauf s’il est en difficulté ou en détresse, et qu’un monastère lui prête assistance. S’il est riche, il peut accorder aux religieux qui l’ont secouru une donation à prélever sur ses biens. Grâce aux sources accessibles sur internet, j’ai feuilleté les index de plusieurs cartulaires d’abbayes situées entre le Berry et les Pyrénées, sans jamais y trouver le nom d’un seigneur de la région agissant au profit d’une communauté religieuse étrangère au diocèse. Ceci dit, les chartriers cisterciens rassemblent quelques actes dont les auteurs sont des inconnus, peut-être des voyageurs venus d’autres régions.

tête de statue (musée de l'Hospice saint-Roch, Issoudun)

 

Comment savoir si un éventuel chemin de pèlerinage passait dans ma commune?

Si nous connaissons quelques grands sanctuaires de l’époque médiévale, aucune route n’était spécifiquement prévue pour les atteindre. Les fidèles suivaient les mêmes chemins que les marchands, guerriers et moines gyrovagues. Cherchez donc les voies attestées dans des textes médiévaux et les gués, péages et ponts sur les rivières. Dans mon canton existait un chemin reliant le gué de Meslon, sur le Cher, à la paroisse de Coust. Cet ancêtre de la route départementale 1, qui rejoignait la voie antique reliant Bourges à Néris-les-Bains et passant par le bourg d’Ainay-le-Vieil, a certainement été foulé par des générations de voyageurs.

 

 

© Olivier Trotignon 2023

Partager cet article
Repost0
2 janvier 2023 1 02 /01 /janvier /2023 14:27

Nous avons profité des congés de fin d’année pour aller visiter l’exposition Berry médiéval, ouverte jusqu’au 31 mars 2023, aux Archives départementales de l’Indre, à Châteauroux.

Disons le d’emblée, cette exposition ne s’adresse pas à un seul public de médiévistes, au contraire. Conçue et réalisée par le personnel des archives de l’Indre, elle illustre, grâce à une riche documentation régionale, une partie des thèmes du programme de collège consacré à l’histoire de la période médiévale. Que ça soit dans l’Indre, le Cher ou la Creuse, notre patrimoine documentaire, architectural et archéologique s’étend essentiellement du premier âge féodal à la Guerre de 100 ans, l’exposition de Châteauroux couvre cette période.

J’ignore s’il se trouve, parmi les lecteurs de ce blog, des enseignants en collège. Dans l ‘enseignement moi-même, mais recruté une année où l’Education nationale n’avait pas besoin de médiévistes, je peine à me représenter l’intérêt que pourraient en tirer mes collègues pour l’illustration de leurs séquences. Qu’on me pardonne donc de me situer dans une prudente position de médiéviste berrichon, probablement convaincu d’avance, mais néanmoins ravi de ce qu’il a vu sur place.

Ce que j’ai particulièrement aimé:

le choix des documents manuscrits. Un chirographe complet, le cartulaire du chapitre Saint-Sylvain de Levroux (que je ne connaissais que sous sa forme éditée), des chartes scellées ou non, des reproductions d’actes dont plusieurs relatifs à des départs en croisade, autant de parchemins rares ou ordinaires qui illustrent le quotidien des chercheurs en histoire médiévale.

L’iconographie, montrant fresques et monuments du département;

les objets exposés, dont un reliquaire émaillé produit par les ateliers limousins et quelques deniers frappés localement;

les panneaux d’expositions, fort bien conçus;

le catalogue de l’exposition et ses soixante pages de photographies et de notices, offert aux visiteurs.

 

Ce qui m’a surpris:

l’importance accordée au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, phénomène quasi-transparent dans les fonds documentaires des archives du Cher et de la Creuse, que je connais désormais assez bien. Ceci répond peut-être à une partie du programme d’histoire en collège.

Ce qui ne m’a pas surpris:

l’accueil par le personnel des Archives, toujours disponible.

Voici donc une exposition que je vous recommande pour sa qualité, mais aussi par l’authenticité de la vision qu’elle offre de la période médiévale. Prévoyez une bonne heure de visite, surtout si vous êtes paléographe!

 

© Olivier Trotignon 2023

Partager cet article
Repost0
7 décembre 2022 3 07 /12 /décembre /2022 10:30

 

Comme toujours, les Journées du Patrimoine 2022 ont été pour nous l’occasion de découvrir des éléments de patrimoine difficilement accessibles ou peu connus. J’avoue avoir ignoré jusqu’à ces dates l’existence, dans les réserves du Musée de la batellerie du Veurdre, dans l’Allier, de deux pirogues monoxyles, l’une du XIIe, l’autre du XIIIe siècle, trouvées dans les sables de la rivière toute proche.

Sauf erreur de ma part, les deux embarcations ont été façonnées dans des troncs de chênes, mais ce détail est à confirmer.

La première, longue de plusieurs mètres, est loin d’être complète, mais demeure un vestige de très grand intérêt. Sa « coque », assez mince, a été érodée par le travail de la rivière. Elle demeure, pour un regard habitué, bien reconnaissable.

 

La seconde est d’un modèle surprenant. Courte, peu profilée, prévue pour un seul passager, elle aurait, malgré son aspect massif, une bonne capacité de manœuvre, mais on se doute qu’elle n’était pas prévue pour effectuer de longues distances.

 

Ce genre de découverte reste rare. Tous les amateurs et professionnels de l’Archéologie sont attentifs à la présence, dans les sédiments des rivières, de restes de bois travaillés par l’Homme, du Néolithique jusqu’à la Révolution industrielle et même, parfois, au delà.

Ces pirogues nous rappellent que nos rivières, même de faibles débits, étaient à la fois des obstacles et des lieux de passage, mais étaient aussi exploitées pour la circulation de lourdes charges, la flottaison de trains de bois, l’entrainement de moulins, la mise en eau d’écluses à poisson… Toutes ces activités essentielles nécessitaient de multiples interventions humaines dont une partie ne pouvait être réalisée qu’à partir d’embarcations légères, semblables aux pirogues du Veurdre.

Que faire si, au cours d’une promenade, d’une partie de pêche, on découvre des vestiges de pirogue, médiévale ou non? D’abord, ne pas y toucher. Le bois peut être fragile. Ensuite, en faire des photos, et relever avec précision le gisement. En dernier lieu, avertir la DRAC de la région concernée. Une grande discrétion est de rigueur, pour éviter des gestes malheureux de la part de collectionneurs prêts à tout et surtout à n’importe quoi pour faire parler d’eux sur cette plaie que sont les « réseaux sociaux ».

Je ne peux clore ce billet sans vous recommander le très intéressant musée de la batellerie du Veurdre, lieu associatif d’une qualité rare. Certes, le Moyen-âge y est peu évoqué, mais les collections et la richesse des commentaires qui les accompagnent vous séduiront, à coup sûr.

http://lachavannee.com/wp/

 

© Olivier Trotignon 2022

Partager cet article
Repost0
9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 18:36

 

Une dizaine d'années après le siège de la forteresse de Montrond, le prêtre et légat pontifical Jean Bigot arrive au prieuré fontevriste d'Orsan, en Berry, pour y enquêter sur une série de miracles attribués à une précieuse relique conservée par les moniales du lieu: le cœur embaumé du Bienheureux Robert d'Arbrissel, fondateur de l'abbaye et de l'ordre de Fontevraud. 

Conservé par les Archives départementales du Cher, son rapport nous éclaire sur une multitude d'aspects de la vie quotidienne et spirituelle des populations rurales du Berry du Sud.

 

L'exploitation de cette source presque inédite m'a permis de concevoir une conférence à laquelle j'ai le plaisir de vous convier le mercredi 23 novembre 2022, à partir de 20h, salle Galas du Lycée Jean Moulin, de Saint-Amand-Montrond. Je réponds ainsi à la très chaleureuse invitation de l'Amicale des Anciens du Lycée, qui m'avait déjà fait confiance il y a plusieurs années. Du début du XIIe siècle, en passant par les Guerres de religion jusqu'au règne du roi Soleil, seront abordés divers aspects de la vie quotidienne des Berrichons et Bourbonnais sous l'Ancien régime: actes de piété, pèlerinages ruraux, santé des populations et pratiques médicales...

L'entrée est libre, un grand parking est proche de la salle, l'accès aux personnes à mobilité réduite est assuré, vous êtes les bienvenu(e)s.

Pour mes lecteurs du nord du département de Cher, la même animation est programmée à l'automne 2023 à Henrichemont, je vous donnerai les détails dans plusieurs mois.

Au plaisir!

 

© Olivier Trotignon 2022

 

Partager cet article
Repost0
15 octobre 2022 6 15 /10 /octobre /2022 09:51

 

Même si le thème de ma prochaine animation n'a que très peu de choses à voir avec le contenu de ce blog, je vous recommande de noter le dimanche 06 novembre comme date retenue pour une conférence (presque) inédite sur les religions en Gaule pré-romaine et romaine. Partant d'une belle fontaine employée par les Romains pour alimenter les thermes de l'ensemble cultuel de Drevant, l'idée de se pencher sur la spiritualité antique a lentement germé. A partir d'exemples choisis dans la littérature grecque et latine, d'observations archéologiques et d'objets de collections publiques, nous tenterons une approche des rapports que les Anciens entretenaient avec leurs dieux, jusqu'à l'arrivée du Christianisme.

Permettez moi d'insister sur un point: ma démarche est celle d'un historien, pas celle d'un marchand de rêves à des fins sectaires. Une conférence sur un sujet voisin avait attiré, il y a quelques années, l'attention de la mission parlementaire contre les sectes, qui avait détaché un observateur pour s'assurer de la transparence des intentions. Cette vigilance est louable.

Nous nous retrouverons donc le dimanche 06 novembre à la salle des fêtes de Coust (pour les détails, voir l'affiche ci-dessous). L'entrée est libre, la participation "au chapeau" est au bénéfice de l'entretien du patrimoine communal, la conférence commencera à l'heure dite et devrait, comme souvent, durer environ une heure trente.

Au plaisir de vous y retrouver ou rencontrer!

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Moyen-âge en Berry
  • : Rédigé et illustré par un chercheur en histoire médiévale, ce blog a pour ambition de mieux faire connaître l'histoire et le patrimoine médiéval du Berry, dans le centre de la France.
  • Contact

géographie des visiteurs




A ce jour, cette espace a été visité
180102 fois.

405350 pages ont été lues.

Merci de l'intérêt que vous portez à l'histoire de la région.




Visitor Map
Create your own visitor map!
" class="CtreTexte" height="150" width="300" />

 

Rechercher

Conférences

conférence

 

Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
- les ordres religieux en Berry au M.A.;
- la femme en Berry au M.A.;
- politique et féodalité en Berry;
- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.