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21 mars 2023 2 21 /03 /mars /2023 15:07

coquilles de pèlerins (musée de la Romanité, Nîmes)

 

C’est une question qui revient parfois, à l’issue de certaines animations, posée par des auditeurs curieux du passé de leur terroir. Souvent considérée comme une évidence, la présence de pèlerins compostellans sur les chemins qui desservaient les paroisses berrichonnes à l’époque médiévale pose question. Si, aujourd’hui, ces chemins sont cartographiés, balisés, reconnus comme tels et deviennent même une partie de l’identité de certaines localités, leur ancienneté est beaucoup plus difficile à affirmer et surtout à documenter.

Tout d’abord, pourquoi Compostelle, et pas les autres? L’Occident médiéval offre aux dévots un grand nombre de lieux de pèlerinage, du plus célèbre, Rome, aux plus modestes sanctuaires ruraux conservant des reliques. Si beaucoup sont aujourd’hui tombés dans l’oubli, ils offraient aux populations les plus modestes comme les plus aisées, un espace spirituel à portée de chacun. On se souviendra que les Croisades étaient, pour les gens qui se rendaient outre-mer, autant une volonté de sauver leur âme que de ferrailler avec les Infidèles.

Ces chemins, s’ils ont existé, ont-ils laissé une trace dans les archives?

Le pèlerin, par essence, est un voyageur, qui n’a pas vocation à s’arrêter en chemin pour inscrire son nom dans l’histoire, sauf s’il est en difficulté ou en détresse, et qu’un monastère lui prête assistance. S’il est riche, il peut accorder aux religieux qui l’ont secouru une donation à prélever sur ses biens. Grâce aux sources accessibles sur internet, j’ai feuilleté les index de plusieurs cartulaires d’abbayes situées entre le Berry et les Pyrénées, sans jamais y trouver le nom d’un seigneur de la région agissant au profit d’une communauté religieuse étrangère au diocèse. Ceci dit, les chartriers cisterciens rassemblent quelques actes dont les auteurs sont des inconnus, peut-être des voyageurs venus d’autres régions.

tête de statue (musée de l'Hospice saint-Roch, Issoudun)

 

Comment savoir si un éventuel chemin de pèlerinage passait dans ma commune?

Si nous connaissons quelques grands sanctuaires de l’époque médiévale, aucune route n’était spécifiquement prévue pour les atteindre. Les fidèles suivaient les mêmes chemins que les marchands, guerriers et moines gyrovagues. Cherchez donc les voies attestées dans des textes médiévaux et les gués, péages et ponts sur les rivières. Dans mon canton existait un chemin reliant le gué de Meslon, sur le Cher, à la paroisse de Coust. Cet ancêtre de la route départementale 1, qui rejoignait la voie antique reliant Bourges à Néris-les-Bains et passant par le bourg d’Ainay-le-Vieil, a certainement été foulé par des générations de voyageurs.

 

 

© Olivier Trotignon 2023

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2 janvier 2023 1 02 /01 /janvier /2023 14:27

Nous avons profité des congés de fin d’année pour aller visiter l’exposition Berry médiéval, ouverte jusqu’au 31 mars 2023, aux Archives départementales de l’Indre, à Châteauroux.

Disons le d’emblée, cette exposition ne s’adresse pas à un seul public de médiévistes, au contraire. Conçue et réalisée par le personnel des archives de l’Indre, elle illustre, grâce à une riche documentation régionale, une partie des thèmes du programme de collège consacré à l’histoire de la période médiévale. Que ça soit dans l’Indre, le Cher ou la Creuse, notre patrimoine documentaire, architectural et archéologique s’étend essentiellement du premier âge féodal à la Guerre de 100 ans, l’exposition de Châteauroux couvre cette période.

J’ignore s’il se trouve, parmi les lecteurs de ce blog, des enseignants en collège. Dans l ‘enseignement moi-même, mais recruté une année où l’Education nationale n’avait pas besoin de médiévistes, je peine à me représenter l’intérêt que pourraient en tirer mes collègues pour l’illustration de leurs séquences. Qu’on me pardonne donc de me situer dans une prudente position de médiéviste berrichon, probablement convaincu d’avance, mais néanmoins ravi de ce qu’il a vu sur place.

Ce que j’ai particulièrement aimé:

le choix des documents manuscrits. Un chirographe complet, le cartulaire du chapitre Saint-Sylvain de Levroux (que je ne connaissais que sous sa forme éditée), des chartes scellées ou non, des reproductions d’actes dont plusieurs relatifs à des départs en croisade, autant de parchemins rares ou ordinaires qui illustrent le quotidien des chercheurs en histoire médiévale.

L’iconographie, montrant fresques et monuments du département;

les objets exposés, dont un reliquaire émaillé produit par les ateliers limousins et quelques deniers frappés localement;

les panneaux d’expositions, fort bien conçus;

le catalogue de l’exposition et ses soixante pages de photographies et de notices, offert aux visiteurs.

 

Ce qui m’a surpris:

l’importance accordée au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, phénomène quasi-transparent dans les fonds documentaires des archives du Cher et de la Creuse, que je connais désormais assez bien. Ceci répond peut-être à une partie du programme d’histoire en collège.

Ce qui ne m’a pas surpris:

l’accueil par le personnel des Archives, toujours disponible.

Voici donc une exposition que je vous recommande pour sa qualité, mais aussi par l’authenticité de la vision qu’elle offre de la période médiévale. Prévoyez une bonne heure de visite, surtout si vous êtes paléographe!

 

© Olivier Trotignon 2023

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7 décembre 2022 3 07 /12 /décembre /2022 10:30

 

Comme toujours, les Journées du Patrimoine 2022 ont été pour nous l’occasion de découvrir des éléments de patrimoine difficilement accessibles ou peu connus. J’avoue avoir ignoré jusqu’à ces dates l’existence, dans les réserves du Musée de la batellerie du Veurdre, dans l’Allier, de deux pirogues monoxyles, l’une du XIIe, l’autre du XIIIe siècle, trouvées dans les sables de la rivière toute proche.

Sauf erreur de ma part, les deux embarcations ont été façonnées dans des troncs de chênes, mais ce détail est à confirmer.

La première, longue de plusieurs mètres, est loin d’être complète, mais demeure un vestige de très grand intérêt. Sa « coque », assez mince, a été érodée par le travail de la rivière. Elle demeure, pour un regard habitué, bien reconnaissable.

 

La seconde est d’un modèle surprenant. Courte, peu profilée, prévue pour un seul passager, elle aurait, malgré son aspect massif, une bonne capacité de manœuvre, mais on se doute qu’elle n’était pas prévue pour effectuer de longues distances.

 

Ce genre de découverte reste rare. Tous les amateurs et professionnels de l’Archéologie sont attentifs à la présence, dans les sédiments des rivières, de restes de bois travaillés par l’Homme, du Néolithique jusqu’à la Révolution industrielle et même, parfois, au delà.

Ces pirogues nous rappellent que nos rivières, même de faibles débits, étaient à la fois des obstacles et des lieux de passage, mais étaient aussi exploitées pour la circulation de lourdes charges, la flottaison de trains de bois, l’entrainement de moulins, la mise en eau d’écluses à poisson… Toutes ces activités essentielles nécessitaient de multiples interventions humaines dont une partie ne pouvait être réalisée qu’à partir d’embarcations légères, semblables aux pirogues du Veurdre.

Que faire si, au cours d’une promenade, d’une partie de pêche, on découvre des vestiges de pirogue, médiévale ou non? D’abord, ne pas y toucher. Le bois peut être fragile. Ensuite, en faire des photos, et relever avec précision le gisement. En dernier lieu, avertir la DRAC de la région concernée. Une grande discrétion est de rigueur, pour éviter des gestes malheureux de la part de collectionneurs prêts à tout et surtout à n’importe quoi pour faire parler d’eux sur cette plaie que sont les « réseaux sociaux ».

Je ne peux clore ce billet sans vous recommander le très intéressant musée de la batellerie du Veurdre, lieu associatif d’une qualité rare. Certes, le Moyen-âge y est peu évoqué, mais les collections et la richesse des commentaires qui les accompagnent vous séduiront, à coup sûr.

http://lachavannee.com/wp/

 

© Olivier Trotignon 2022

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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 18:36

 

Une dizaine d'années après le siège de la forteresse de Montrond, le prêtre et légat pontifical Jean Bigot arrive au prieuré fontevriste d'Orsan, en Berry, pour y enquêter sur une série de miracles attribués à une précieuse relique conservée par les moniales du lieu: le cœur embaumé du Bienheureux Robert d'Arbrissel, fondateur de l'abbaye et de l'ordre de Fontevraud. 

Conservé par les Archives départementales du Cher, son rapport nous éclaire sur une multitude d'aspects de la vie quotidienne et spirituelle des populations rurales du Berry du Sud.

 

L'exploitation de cette source presque inédite m'a permis de concevoir une conférence à laquelle j'ai le plaisir de vous convier le mercredi 23 novembre 2022, à partir de 20h, salle Galas du Lycée Jean Moulin, de Saint-Amand-Montrond. Je réponds ainsi à la très chaleureuse invitation de l'Amicale des Anciens du Lycée, qui m'avait déjà fait confiance il y a plusieurs années. Du début du XIIe siècle, en passant par les Guerres de religion jusqu'au règne du roi Soleil, seront abordés divers aspects de la vie quotidienne des Berrichons et Bourbonnais sous l'Ancien régime: actes de piété, pèlerinages ruraux, santé des populations et pratiques médicales...

L'entrée est libre, un grand parking est proche de la salle, l'accès aux personnes à mobilité réduite est assuré, vous êtes les bienvenu(e)s.

Pour mes lecteurs du nord du département de Cher, la même animation est programmée à l'automne 2023 à Henrichemont, je vous donnerai les détails dans plusieurs mois.

Au plaisir!

 

© Olivier Trotignon 2022

 

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15 octobre 2022 6 15 /10 /octobre /2022 09:51

 

Même si le thème de ma prochaine animation n'a que très peu de choses à voir avec le contenu de ce blog, je vous recommande de noter le dimanche 06 novembre comme date retenue pour une conférence (presque) inédite sur les religions en Gaule pré-romaine et romaine. Partant d'une belle fontaine employée par les Romains pour alimenter les thermes de l'ensemble cultuel de Drevant, l'idée de se pencher sur la spiritualité antique a lentement germé. A partir d'exemples choisis dans la littérature grecque et latine, d'observations archéologiques et d'objets de collections publiques, nous tenterons une approche des rapports que les Anciens entretenaient avec leurs dieux, jusqu'à l'arrivée du Christianisme.

Permettez moi d'insister sur un point: ma démarche est celle d'un historien, pas celle d'un marchand de rêves à des fins sectaires. Une conférence sur un sujet voisin avait attiré, il y a quelques années, l'attention de la mission parlementaire contre les sectes, qui avait détaché un observateur pour s'assurer de la transparence des intentions. Cette vigilance est louable.

Nous nous retrouverons donc le dimanche 06 novembre à la salle des fêtes de Coust (pour les détails, voir l'affiche ci-dessous). L'entrée est libre, la participation "au chapeau" est au bénéfice de l'entretien du patrimoine communal, la conférence commencera à l'heure dite et devrait, comme souvent, durer environ une heure trente.

Au plaisir de vous y retrouver ou rencontrer!

 

 

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2 octobre 2022 7 02 /10 /octobre /2022 19:13

 

J'aurai le plaisir de présenter une partie des résultats de mes recherches de Doctorat lors du colloque de Boussac, dimanche 9 octobre 2022, entre 14h30 et 15h. Deux autres dates de conférences seront annoncées avant la fin de l'année.

Au plaisir de vous y rencontrer ou retrouver.

 

O. Trotignon

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25 septembre 2022 7 25 /09 /septembre /2022 13:06

portail d'entrée de l'ancienne abbatiale (aujourd'hui disparue)

 

Arrêtons nous aujourd’hui à Charenton-du-Cher, ancienne ville au riche passé médiéval dans le sud du département du Cher. Outre les vestiges d’une motte féodale et de fortifications urbaines, la petite cité berrichonne est connue pour abriter un patrimoine urbain qui mérite l’attention des amateurs de bâti civil et religieux. Peu visibles car dispersés dans plusieurs propriétés publiques et privées se trouvent les derniers restes d’une intéressante abbaye féminine, affiliée à l’Ordre bénédictin, dont les origines, ou tout au moins les légendes qui s’y attachent, retiennent l’attention.

Il ne demeure des murs médiévaux de ce monastère que le portail d’entrée de l’abbatiale, quelques pierres du parement extérieur du chevet, et des parties du cloître insérées dans des constructions plus tardives. 

Cette abbaye est intéressante à plus d’un titre. Établie dans une région pauvre en établissements religieux, elle est, jusqu’à l’arrivée des Cisterciens et des Grandmontains, seule à accueillir dans son secteur géographique une communauté monastique autonome. Tout autour ne sont que des prieurés peuplés, et encore, seulement de façon saisonnière pour certains, par quelques moines. Le cloître le plus proche rassemblant des Bénédictines en milieu rural se trouve à une cinquantaine de kilomètres plus au sud, à Saint-Menoux (Allier).

Notre-Dame de Charenton, aussi connue sous le nom de « Bellavaux », est invisible dans la documentation écrite avant le milieu du XIIe siècle, le titre le plus ancien de son chartrier datant de 1189. Ceci n’a pas empêché certains auteurs d’élaborer des hypothèses sur ses origines, postulats qui méritent quelques explications.

parement extérieur (propriété privée)

 

Une origine colombaniste ?

L’abbaye colombaniste d’Isle-sur-Marmande est un (petit) serpent de mer qui ressurgit parfois dans mes lectures. Sa connaissance est basée sur une seule source hagiographique, et encore indirecte, faisant état de la fondation, par un disciple du moine irlandais saint Colomban, d’un monastère proche de la forêt de Tronçais. Le toponyme renvoie à l’ancien nom de la paroisse d’Île-sur-Marmande, réunie à celle de Bardais pour former l’actuelle commune d’Île-et-Bardais (voir un des tous premiers articles sur ce blog). La localisation, pourtant limpide, n’a pas empêché d’anciens amateurs d’histoire locale de situer cette abbaye à Charenton et à Saint-Amand-Montrond. Ces torsions de l’Histoire sont sans doute motivées par les tensions entre catholiques et laïcs à l’époque de la séparation de l’Église et de l’État. C’était une autre époque.

Si cette fameuse abbaye colombaniste a bien existé, ce qui n’est pas prouvé, remarquons qu’elle accueillait des moines, alors que Charenton est un couvent de femmes. La lecture du chartrier de l’abbaye nous indique que Charenton ne possédait que très peu de biens fonciers dans les alentours de Bardais, autre contradiction. Un dernier détail : le nom du pseudo-fondateur de l’abbaye « irlandaise », saint Eustase, est aussi celui d’un des premiers évêques de Bourges, source de possibles confusions à une période aussi peu documentée que le haut Moyen-âge.

Une origine mérovingienne ?

Cette thèse s’appuie sur des découvertes archéologiques (boucles de ceinture, dépôt monétaire) et sur la présence d’un sarcophage-reliquaire paléo-chrétien dont la première occurrence historique remonte à l’Ancien régime. Les objets trouvés dans le sous-sol charentonnais prouvent une activité humaine remontant, localement, à une époque très ancienne. Tenter de prouver l’ancienneté d’un monastère par la présence sur place d’un sarcophage importé d’Italie est une contorsion à laquelle je ne m’essaierais pas. 

vestige du cloître (propriété privée)

 

Une origine carolingienne ?

L’hypothèse est plus solide que la précédente. Charenton a été le siège d’une viguerie, et il arrive que des monastères aient été fondés sous la protection du pouvoir carolingien. Ce qui surprend est l’absence complète dans le chartrier d’actes antérieurs au XIIe siècle, même faux. Des abbés ou prieurs, pour compenser la perte d’actes très anciens, les ont parfois fait réécrire (les laïcs étaient incapables de voir la différence). Remarquons que dans une région aussi peu peuplée, l’existence d’une abbaye féminine a de quoi surprendre, les effectifs de moniales étant toujours très inférieurs à ceux des hommes.

Et, tout simplement, une origine féodale ?

Moins « exotique », mais beaucoup plus crédible, l’hypothèse d’une fondation datant des débuts de la féodalité s’inscrit dans un contexte régional cohérent. Depuis le XIe siècle, Charenton est devenu le fief d’une famille bourguignonne (voir les articles antérieurs consacrés aux Charenton) qui prospère sur les vestiges de l’ancienne viguerie. L’augmentation de la population, la structuration progressive de la société féodale, l’enrichissement des seigneurs locaux et les besoins spirituels d’un monde en constante évolution génèrent un élan de générosité en faveur du clergé tant séculier que régulier qui se matérialise par la construction d’églises et la dotation en biens et rentes de communautés religieuses. Seule, ou presque, à accueillir des femmes dans un vaste secteur géographique (seuls les monastères d’Orsan, Saint-Hippolyte, Saint-Menoux et bientôt Bussière ouvrent leurs portes aux femmes), Notre-Dame de Charenton trouve aisément sa place dans un paysage monumental, humain et spirituel dynamique que nous laissent entrevoir les archives de l’époque.

blason d'abbesse (propriété privée)

 

© Olivier Trotignon 2022

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29 août 2022 1 29 /08 /août /2022 09:07

sceau de l'archevêque Guillaume (non coté)

Le mois dernier, nous nous penchions sur le cas de cette étrange pyramide qui a abrité, plusieurs siècles durant, dans la chapelle prieurale du prieuré fontevriste d'Orsan, la relique du cœur du bienheureux Robert d'Arbrissel. La description de cet ouvrage nous avait été faite, au XVIIe siècle, par un religieux de Fontevraud venu visiter le petit monastère berrichon. En plus des multiples détails relatifs au réaménagement du reliquaire monumental, ce prêtre livre des informations très intéressantes sur une des deux tombes visibles au sol de la chapelle, tout aussi anciennes que la pyramide.

La première, qui ne semble pas avoir été ouverte, était celle du chevalier Adalard Guillebaud, seigneur de Châteaumeillant, donateur de la terre où fut élevé Orsan. Cet homme, très présent dans les archives régionales, a tenu pour les seigneurs de Déols plusieurs places-fortes importantes, en particulier Saint-Chartier et Le Châtelet. Marié à la veuve d'un des seigneurs de Bourbon, il est connu pour avoir fait appel au roi Louis VI afin de protéger la succession du chevalier défunt contre les prétentions de son cadet, Aymon dit Vaire-Vache. La majorité des chroniqueurs qui ont écrit sur la fondation d'Orsan ne semblent pas s'être préoccupés de lire un minimum les chartes berrichonnes et ont recopié sans aucune lecture critique le nom d' « Alard », et non Adalard Guillebaud, comme donateur initial des terres sur lesquelles le bienheureux Robert établit la communauté de ses disciples. Mes recherches anthroponymiques n'ont trouvé aucune trace de ce prétendu Alard.

Usée par des siècles de piétinements sur le sol de la chapelle, l'épitaphe d'Adalard était certainement devenue presque illisible, raison pour laquelle le visiteur de Fontevraud commet aussi l'erreur dans son compte-rendu des travaux d'embellissement du cénotaphe de dom Robert. Il n'est fait aucune allusion à cette tombe dans le mémoire du religieux fontevriste, ce qui laisse entendre que nul n'a cherché à l'ouvrir ou la déplacer, ce qui n'est pas le cas de celle de son voisin, l'archevêque Léger, inhumé vers 1120.

Jugée « indécente », la -provisoirement- dernière demeure de l'ancien prélat berruyer ne correspond pas aux codes esthétiques dominants en cette année 1635. Ce qui choque le visiteur est sa simplicité et son absence d'ornements. Sur la pierre tombale ne sont visibles que ces quelques mots:

Leodegarii Bituricensis archiepiscopi beati Roberti familaris sepulchrum

presque effacés par le temps.

Décision est alors prise de relever la sépulture pour la replacer en l'exposant aux regards de manière plus favorable et de l'orner selon le goût du temps, plus porté sur le foisonnement baroque que sur l'humilité de l'époque des croisades. Faisant litière de la volonté de Léger de se faire inhumer dans une extrême simplicité -tombe au niveau du sol foulée au pieds par les fidèles, à l'imitation de celle de Robert d'Arbrissel dans la priorale de Fontevraud- le prêtre délégué pour visiter Orsan soustrait quelques ossements -on ignore la raison de ce geste- et retire les objets déposés dans le tombeau, à savoir:

-son anneau d'or garni d'une pierre,

-son cachet ou sceau de cuivre où il est gravé assis tenant d'une main sa crosse et de l'autre un livre et tout autour cette inscription sigillum Leodegarii primatiae Aquitaniae,

-sa crosse de bois avec un cercle d'or ciselé « fort artissement ». 

Ces ornements sont encore conservés par le prieuré au début du siècle suivant, mais ont disparu aujourd’hui.

On peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé un personnage aussi important qu’un archevêque primat d’Aquitaine à choisir un modeste prieuré rural comme lieu de sépulture. Les sources contemporaines relatent un lien d’amitié très étroit entre Robert et Léger. Celui-ci aurait lui-même accompagné la dépouille embaumée du vieux moine jusqu’à Fontevraud.

Rappelons qu’un autre prélat berruyer, Richard, repose aussi dans un monastère hors les murs de Bourges : son gisant est visible dans la crypte de l’abbatiale de Plaimpied, dans le Cher.

 

 

© Olivier Trotignon 2022 

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10 juillet 2022 7 10 /07 /juillet /2022 08:40

 

Un de mes anciens maîtres avait coutume de dire qu’en Histoire, certaines choses n’étaient connues qu’au moment de leur disparition. C’est le cas d’un des plus étranges reliquaires qui a, plusieurs siècles durant, abrité le cœur du fondateur de l’abbaye et de l’ordre de Fontevraud.

Elevé dans la petite chapelle du prieuré d’Orsan, dans le sud du Berry, ce monument se présentait sous la forme d’une pyramide, cas vraisemblablement unique dans toute l’architecture romane de nos régions. Voici les sources dont nous disposons à son sujet.

Lors de l’hiver 1116, Robert d’Arbrissel vint mourir à Orsan, petit prieuré qu’il avait lui même fondé quelques années auparavant grâce à la générosité de la noblesse locale. Afin que sa dépouille puisse rejoindre Fontevraud en toute dignité, le moine fut embaumé dans les murs du monastère, avant d’accomplir son dernier voyage. Il fut décidé que son cœur resterait sur place, où il acquit le statut de relique.

Je me permets d’ouvrir une parenthèse pour remarquer que les nombreux biographes qui ont publié une foule de détails qui auraient marqué les derniers jours du Bienheureux Robert à Orsan n’ont jamais relevé la contradiction entre le luxe de précisions hagiographiques qu’ils exposent et leur ignorance totale de la cérémonie d’embaumement dont le corps du moine fut l’objet, ce qui rend à mes yeux plus que suspects les récits, fussent-il médiévaux, qu’ils rapportent.

La première mention de la pyramide qui nous parvient est un témoignage indirect. Un cultivateur rapporte le témoignage de feu son père qui avait vu, enfant, les protestants s’attaquer, en vain, à la dite pyramide, lors du saccage du prieuré en 1569.

Les seuls renseignements précis datent de 1646, alors que le prêtre fontevriste Jean Lardier, inspectant au nom de l’abbesse de Fontevraud la prieurale d’Orsan, décide de bouleverser l’aménagement de celle-ci. Jugeant « indécente » la position de la vieille pyramide par rapport au maître-autel, il ordonne son déplacement à un endroit plus propice et son ornementation selon le goût de l’époque, effaçant la sobriété médiévale sous des atours baroques. Il fait état de l’ouverture du reliquaire en 1634 et de la découverte d’une boite en bois, contenant elle-même une boite en ivoire « ciselée en façon de losanges » et enfin du cœur du bienheureux Robert. Au contact de l’air, tout tombe en poussière et les poudres sont recueillies précieusement et ensachées avant d’être replacées dans la structure pyramidale.

A quoi pouvait bien ressembler le cénotaphe de dom Robert ? La pyramide repose sur une base triangulaire -on parle de trois pierres. Sa hauteur doit être faible, car le Huguenot qui tente de la fracturer utilise une pièce de bois et agit seul (il est aussitôt frappé d’infirmité et abjure sa foi protestante pour retrouver l’usage de son bras). La niche contenant la relique semble de petite dimension. 

Qu’est ce qui a pu inspirer les religieux au moment de choisir la forme du reliquaire ? A ma connaissance, aucune autre pyramide à trois pans n’est signalée dans les pays du Centre, ni ailleurs. Quelqu’un, en pèlerinage à Rome, aurait-il vu le tombeau pyramidal de Cestius, réputé contenir les restes du fondateur de la ville, et suggéré la même disposition, à une échelle très réduite, pour accueillir les cendres du fondateur de Fontevraud ? C’est une hypothèse plaisante mais invérifiable.

L’étrange monument, comme le reste de la chapelle, disparut après qu’Orsan eut été vendu comme bien national. 

Je reste bien entendu à l’écoute de toute information sur des structures similaires, funéraires ou non, observées à l’époque romane. N’hésitez pas à m’en faire part, si l’occasion se présentait.

 

 

© Olivier Trotignon 2022

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4 mai 2022 3 04 /05 /mai /2022 13:48

2020 et 2021 auront été pour vous comme pour moi une période d’annulations et de reports d’une multitude de dates de spectacles, de concerts et, bien sûr, de conférences. Mes rares partenaires qui ont eu le courage de prendre le risque de m’inviter et de voir leurs initiatives ruinées par une exigence sanitaire de dernière minute m’ont permis, et je les en remercie chaleureusement, de conserver un lien avec un auditoire toujours attentif et exigeant.

C’est avec un soulagement certain que nous voyons se dissiper les contraintes engendrées par la pandémie, et qu’il m’est possible de vous annoncer une première conférence, le 21 de ce mois de mai.

Répondant à l’invitation de la municipalité de Dun-sur-Auron, dans le Cher, j’aurai le plaisir de vous proposer une animation inédite que nous avons intitulée :

 

Dun-sur-Auron, une ville royale au temps des croisades

 

La ville de Dun est un paradoxe pour l’historien que je suis : riche d’un patrimoine médiéval dense et de grande qualité, elle a laissé peu de traces dans les archives régionales. A partir de diverses sources toponymiques, archéologiques, littéraires et surtout une lecture des archives de la monarchie capétienne, nous tenterons d’évaluer l’importance de cette cité hors-normes dans le Berry à l’époque des croisades.

 

Je vous donne donc rendez-vous le samedi 21 mai à partir de 18 heures (début de la conférence) jusque vers 19h30 à l’espace Boussard, à Dun-sur-Auron. L’entrée est libre et gratuite. Un parking à grande capacité est à votre disposition. La salle est accessible pour les personnes à mobilité réduite.

Aucune connaissance particulière en Histoire n’est requise, mais le sujet risque d’ennuyer rapidement le jeune public.

Même s’il encore trop tôt pour l’annoncer avec certitude, il est possible que soit exposée à cette occasion, à titre exceptionnel, l’original sur parchemin scellé par le roi Louis VII de la charte de franchises de Dun, document rare et d’une qualité remarquable conservé dans la cité depuis le XIIe siècle.

 

D’autres dates de conférences seront publiées très bientôt.

 

Au plaisir de faire votre rencontre ou de vous revoir,

 

 

© Olivier Trotignon 2022

 

 

 

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  • : Moyen-âge en Berry
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Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
- les ordres religieux en Berry au M.A.;
- la femme en Berry au M.A.;
- politique et féodalité en Berry;
- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.