Certains d’entre vous se souviennent peut-être encore de mon article présentant, sur ce blog, la cloche médiévale de l’église de Sidiailles, dans le sud du Cher.
Aujourd’hui, c’est une autre cloche, tout aussi intéressante, contemporaine de celle de Sidiailles et peut-être moins connue, que j’aimerais vous présenter.
Deux circonstances favorables m’ont permis d’y avoir accès: l’exposition présentée l’hiver dernier aux Archives départementales de l’Indre, où j’ai appris l’existence de cet objet, et la grande gentillesse et disponibilité de mme la secrétaire de mairie de la commune de Diou, qui m’a confié la clé de l’église du village où est déposée la cloche en question. Je l’en remercie sincèrement.
La cloche de Diou est rare à plus d’un titre. Datée, sans millésime précis, du XIIIe siècle, elle est, si on consulte la base Palissy, unique en son genre dans l’Indre et compte parmi les rares instruments campanaires du diocèse hérités du Moyen-Âge. Elle est en bon état de conservation, sans fente ni fêlure et possède encore son mouton de bois fixé à ses anses par des ferrures d’aspect très ancien, peut-être d’origine?
Elle est en outre locale, sa légende portant la mention de saint Clément, patron de l’église paroissiale, et n’a pas été échangée contre une autre comme ce fut parfois le cas à la Révolution. Sa dernière qualité, et non des moindres pour le médiéviste, est d’être déposée dans la nef de l’église, visible sans avoir à jouer les acrobates dans des clochers poussiéreux.
La légende inscrite sur son cerveau est une simple prière:
« † SANCTE * CLEMENS * ORA * PRO * NOBIS † »
(saint Clément prie/priez pour nous)
adressée au saint patron du sanctuaire. Le début de la phrase et sa fin sont séparées par une croix, chaque mot est isolé par trois points superposés. Les lettres « S » sont curieusement à l’envers. L’harmonie de la légende et la finesse des caractères démontrent le soin avec lequel le fondeur a exécuté la commande.
Devant la cloche de Diou m’est venu une interrogation: une parenté avec sa consœur de Sidiailles serait-elle envisageable? Tous les points de comparaison écartent cette hypothèse. Les deux polices de caractères divergent sensiblement, à Sidiailles, c’est un signe à deux points, trois points à Diou, qui sépare chaque mot. Par contre, dans l'église de Saint-Laurent, à l'est de Vierzon, est conservé un instrument que je n'ai pas vu mais qui, selon les photographies disponibles sur la base Palissy, présente de grandes similitudes avec celui de Diou, trois points de séparation superposés et des "S" inversés. Il est raisonnable de penser que les deux paroisses ont choisi le même atelier pour faire exécuter leurs commandes.
© Olivier Trotignon 2023