Il est difficile de visiter le site de l’ancienne abbaye de Déols, dans l’Indre, sans se remémorer un des évènements les plus marquants de l’histoire de ce monastère: le miracle de 1187.
Il n’est pas dans mes intentions de recopier les conclusions de mes prédécesseurs qui se sont livrés à un vrai travail de recherche. Le lecteur trouvera en fin d’article une référence bibliographique qui lui permettra d’avoir une vue savante et complète de cette curieuse anecdote qu’il me faut brièvement résumer.
A la fin du mois de mai 1187, en plein conflit entre les royaumes de France et d’Angleterre, un mercenaire à la solde des Anglais commit un acte sacrilège en lapidant une statue de la Vierge portant le Christ. La pierre, lancée par le soldat, brisa le bras de Jésus. De la cassure s’écoula, d’après les témoins, un flot de sang qui stupéfia la foule présente. La Vierge de pierre aurait aussi bougé. L’iconoclaste mourut aussitôt. Ces faits, bien vite connus des deux souverains antagonistes et de leurs troupes, campant non loin de Déols, frappèrent tellement les esprits qu’une trêve fut conclue entre les deux camps. Cet accord de paix provisoire assura la renommée de ce qu’on qualifie de « miracle de Déols »
L’histoire se suffirait à elle-même si elle n’avait trouvé un curieux écho, 382 ans plus tard, toujours en Berry, dans la chapelle du prieuré fontevriste d’Orsan, dans le département du Cher. Alors que le prieuré était mis à sac par des Protestants, un soldat, résolu à dégrader les icônes ornant la prieurale, s’attaqua à coups de pic à une statue virginale. Ne pouvant la briser, car elle protégeait de son bras le Saint Sacrement caché dans la muraille, l’impie, dit le texte, tira son épée et frappa le poignet de la main du petit Jésus (toujours selon le texte), il fit une ouverture de laquelle le sang sortit.
Le Huguenot, frappé par cette vision, abjura derechef sa religion, se convertit au Catholicisme avec sept autres de ses compagnons, puis déserta avec eux.
Ce récit, consigné presque un siècle après le pillage du prieuré, a été porté par une tradition orale jusqu’au jour de sa transcription, ce qui nous invite à la plus grande prudence quant à la nature exacte des faits auquel il fait référence. L’indignation répondant aux actes sacrilèges commis pendant les Guerres de religion n’a pas faibli en presque cent ans mais on peut s’interroger sur les points communs entre les deux histoires. Le miracle de Déols a t-il marqué les esprits médiévaux au point d’influencer, plusieurs siècles après, la mémoire d’une vieille religieuse racontant à une de ses sœurs un évènement dont elle aurait été témoin dans sa jeunesse?
Pour les lecteurs intéressés par l’ensemble du récit du miracle de Déols:
Hubert Jean. Le miracle de Déols et la trêve conclue en 1187 entre les rois de France et d'Angleterre. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1935, tome 96. pp. 285-300
Le témoignage de mère Nicole d’Aubergeon, religieuse d’Orsan, peut être consulté aux Archives départementale du Cher, cote 41 H 4, non paginé.
© Olivier Trotignon 2023