Voici un document rare, quasi inconnu du public, dont l’iconographie soignée mérite toute l’attention des historien de l’Art: le cartulaire de l’ancienne abbaye bénédictine Saint-Pierre de Vierzon, conservé à la Bibliothèque nationale.
Le principe du cartulaire repose sur la volonté de recopier les archives d’un monastère, d’une seigneurie, d’un évêché ou d’une communauté urbaine dans un cahier unique, plus facile à consulter que des parchemins épars et parfois rédigés avec des écritures presque oubliées.
On comprend sans peine, en feuilletant le document, comment les copistes (il y a plusieurs écritures) ont organisé leur travail. Les textes ont d’abord été recopiés sur un cahier de parchemin. Les scribes ont laissé vierges des fenêtres destinées à accueillir les lettrines initiales de chaque acte et des représentations des auteurs illustres des chartes ainsi collationnées. Une mise en couleurs des icônes devait achever la composition du cartulaire.
On constate vite que le travail n’a pas été fini, pour une multitude de raisons possibles que je laisse à l’imagination du lecteur. La majorité des lettrines manquent et des fenêtres prévues pour des dessins n’ont jamais été occupées. On ne trouve des couleurs que sur la première page. On note à ce propos une mauvaise maîtrise du pigment vert qui a rongé le parchemin.
Plusieurs thèmes sont illustrés, à commencer par la famille divine et saint Pierre, patron du monastère.
La fondation du couvent est évoquée sous forme du don d’un objet symbolisant le monastère par une famille de laïcs à un abbé et ses moines.
Plusieurs abbés sont représentés, tous tonsurés et munis de la crosse abbatiale.
Il n’y a pas de distinction significative entre les papes et les évêques. Tous portent la mitre et la crosse pastorale. On note que les moines de Vierzon ont pris soin de mettre les papes en couleur, sans doute pour marquer l’importance de leur place dans la hiérarchie de l’Eglise, en regard des simples évêques.
Très intéressant est ce portrait royal accompagnant un acte réputé avoir été souscrit par le roi Louis le Pieux -un faux plus que probable. On relève comme symboles du pouvoir du souverain une couronne et deux signes curieusement anachroniques: les longs cheveux de Louis, marque de noblesse à l’époque mérovingienne et le sceptre à fleur de lys, inconnu chez les Carolingiens, mais parfaitement identifiable à l’époque où le cartulaire a été rédigé, vers la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, si on en juge de la ressemblance des écritures avec celles qu’on peut lire dans les collections des Archives du Cher.
Pour les historiens, nous rappellerons que le texte de ce cartulaire a été publié par Guy Devailly aux Presses Universitaires de France, Rennes, 1963
© Olivier Trotignon 2015