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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 10:38

Vernais-prieuré

 

Très mal référencée -au grand désespoir des bénévoles qui s’occupent de sa sauvegarde - par le programme officiel des Journées du Patrimoine 2011, la chapelle romane du village de Vernais, dans la région de Charenton-du-Cher, mérite une attention toute particulière.
Située dans un cadre préservé sans affreuse construction normalisée pour miter la perspective sur l’ensemble villageois qu’elle occupe, cette petite église datée du XIIe siècle présente des particularités assez exceptionnelles.
Le visiteur se trouve face à une des prieurales les mieux conservées de la région. Si les prieurés étaient légion dans les campagnes -on en comptait presque un par village- beaucoup ont été complètement effacés du paysage monumental médiéval. Quoique incomplet, celui de Vernais a eu la chance de conserver en bon état plus de la moitié orientale de son ancien espace cultuel. Le calcaire, légèrement ocre, qui a été utilisé pour sa construction, provient des mêmes carrières qui ont été exploitées pour la construction de la celle grandmontaine de Fontguedon et du prieuré de Drevant. Possession de l’abbaye bénédictine Notre-Dame de Charenton, ce monastère témoigne de l’importance des domaines que le moniales possédaient dans cette partie du Boischaut depuis au moins 1147, date du plus ancien acte concernant Vernais conservé par les Archives départementales du Cher.

 

Vernais-fresques

 

L’autre particularité de ce monument est l’existence d’un ensemble de fresques assez surprenant, dont la pièce majeure est un couronnement de la Vierge occupant le plafond de l’abside. Un calendrier, dont l’exécution rappelle celui de Paulnay, dans l’Indre, est encore partiellement visible. Toutes ces peintures sont datées du XIIIe siècle.
Je partage la frustration des membres du groupe qui travaille à la conservation du prieuré, car il est évident que Vernais ne se montre pas sous son meilleur jour. Les peintures murales sont soit envahies de moisissures, soit dissimulées sous un badigeon de chaux. Le calendrier, dont on ne distingue bien que deux mois, pourrait bien être complet sous son enduit. Des réaménagements post-révolutionnaires qui défigurent l’extérieur ne demandent qu’à être réduits pour restaurer l’intégrité de la perspective.
Même si je suis parfaitement conscient que la majeure partie de mes billets sur ce blog n’a qu’une valeur incantatoire, il me semble qu’il n’y aurait rien d’absurde à engager un peu d’argent public, faute de mécène, pour la mise en valeur d’un monument qui s’inscrit à part entière dans un riche patrimoine roman apprécié des visiteurs.

 

Vernais-porte

 

Les habitants de Vernais parlent eux-mêmes de leur patrimoine à l’adresse suivante:


http://vernais.free.fr/

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 14:52

Ainay-st-Roch

 

Invité par la municipalité d’Ainay-le-Château, dans l’Allier, j’aurai le plaisir d’animer une conférence sur un thème inédit:

 

Les premiers Bourbons et les origines d’Ainay-le-Château. Xe-XIIIe siècles

samedi  22 octobre 2011 dans la tranche horaire 17/19 heures.

 

Cette cité au riche patrimoine médiéval est très mal servie par une documentation squelettique, qui plonge ses origines dans une opacité que nous allons essayer de dissiper par l’étude de la situation géopolitique et spirituelle de cette frontière nord de la grande seigneurie de Bourbon. Les seigneurs de Charenton seront aussi largement évoqués lors de cette animation
La mairie d’Ainay-le-Château met à notre disposition un local de caractère, la chapelle Saint-Roch, datée du XVIIe. L’acoustique y est âpre mais le cadre est si beau que les auditeurs sauront pardonner les imperfections sonores inévitables dans ce genre d’endroit.
Venant de Charenton, Sancoins ou Dun, la chapelle se trouve juste à l’entrée de la cité médiévale, sur la route de Braize. Venant de Cérilly ou de la forêt de Tronçais, il faut traverser Ainay en direction de Saint-Amand. L’accès est compliqué pour les personnes à mobilité réduite, et cette bâtisse à vocation religieuse n’est pas pourvue de sanitaires. Le parking est possible sur les bas-côtés mais il est recommandé de se garer sur la place au pied des remparts, une passerelle sur la Sologne permettant un accès presque direct à la chapelle.
Je profite de cette réclame pour remercier l’équipe municipale d’Ainay pour sa confiance, et plus particulièrement mme Nathalie Pasquier, en charge du service culturel.
L’accès à la conférence est, bien entendu, libre et gratuit.

 

affiche

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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 11:25

Baugy-1

Poursuivant ma visite des monuments funéraires médiévaux de la région, j’ai eu la chance de pouvoir accéder à l’intérieur de l’église de Baugy grâce aux bons soins de bénévoles locaux, et d’y être accueilli avec beaucoup de gentillesse par une dame à qui, si elle venait à parcourir cette page, j’adresse mes plus sincères remerciements.
L’église de Baugy abrite en effet trois dalles funéraires datées du XVe siècle primitivement scellées au ras du sol du sanctuaire et désormais dressées sur un des murs de la chapelle sud de l’édifice.

Baugy-4

Tracées dans un calcaire tendre et à faible profondeur, les gravures ont subi, avec le temps, des dommages irréparables. L’une des dalles est presque lisse, les deux autres conservant juste assez de relief pour qu’on puisse imaginer les tombes dans leur état primitif. Les épitaphes, sans doute produits par un autre artisan, sont beaucoup mieux conservés et restent pour partie bien lisibles. On note dans une partie des lettres la présence d’un mortier de couleur ocre destiné à rehausser le contraste avec la surface claire de la tombe.

Baugy-2

La plus expressive des dalles représente la silhouette d’une femme portant une grande coiffe, en attitude de prière. Sur la seconde, on se contentera d’observer, comme souvent à partir de la fin du Moyen-âge, les seules armoiries du défunt.
Les plates-tombes de Baugy ne peuvent rivaliser avec la qualité des monuments préservés dans plusieurs chapelles de la région -on pense à Venesmes ou Méry-es-Bois, entre autres, mais la rareté générale de cet art funéraire commandé par une petite féodalité rurale leur confère un intérêt évident.

Baugy3

Leur caractère peu spectaculaire les réserve plus à un public de spécialistes qu’aux amateurs d’art médiéval. Toutefois, l’intérieur de l’église de Baugy conserve d’autres vestiges, dont  certains Renaissance, qui devraient intéresser ces derniers.

© Olivier Trotignon 2011

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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 08:13

Grand'Cour

 

J’ai, cette année, le grand plaisir de vous convier dans un lieu exceptionnel pour les Journées européennes du Patrimoine. M. Jean Pierre Berger, propriétaire du château de la Grand’Cour, près de Mornay-Berry, dans le nord-est du Cher, nous fait l’honneur de nous accueillir dans sa splendide forteresse médiévale pour une conférence dédiée aux berrichons du Moyen-âge et du voyage que j’animerai samedi 17 septembre, de 19h à 20h30.
Pèlerinages, croisades, guerres, commerce, santé, affaires religieuses...une foule d’ événements ont mis sur les routes nos prédécesseurs, et je vous propose de venir étudier les cas les plus significatifs pour l’histoire régionale.
M. Berger met à notre disposition un local au sein même de l’enceinte fortifiée de la Grand’Cour, ce qui nous garantit un exposé au sec et, peut-être, au frais. Ce local sera équipé pour l’occasion par la municipalité de Mornay-Berry, que je remercie pour cette aide. Le concours indispensable du Pays Val d’Aubois a permis la concrétisation de ce projet et je tiens à féliciter tout particulièrement Aline Perdereau, animatrice de l’architecture et du patrimoine, pour la préparation minutieuse de cette intervention.
Un rappel de quelques détails pratiques: le château de la Grand’Cour se situe à la sortie du village de Mornay-Berry, au nord de Nérondes (suivre le fléchage permanent). Un parking visiteurs est à disposition du public, mais il est conseillé de venir un peu à l’avance pour être sûr de trouver de la place. La forteresse, en chantier, n’est pas équipée en sanitaires et, sans être inaccessible pour les visiteurs à mobilité réduite, ne dispose pas d’aménagements dédiés. L’horaire, certes un peu tardif, a été voulu pour permettre aux visiteurs de découvrir les autres sites ouverts sans couper leur après-midi. La conférence est en accès libre, aucune connaissance spécifique en histoire médiévale n’est nécessaire pour suivre l’exposé.
Pour découvrir le lieu qui nous accueille:


 la Grand'Cour

Enfin, ceux d’entre vous qui s’intéressent au patrimoine vivant noteront que le lendemain 18 septembre, sur France 3, vers 13h, l’émission 30 Millions d’amis présente un reportage sur mon activité d’éleveur d’ânes Grand Noir du Berry. Le site du pont-canal de la Tranchasse, sur le Cher, devrait y apparaître en bonne place.

Au plaisir de vous rencontrer ou de vous retrouver!

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26 août 2011 5 26 /08 /août /2011 09:22

 

eclipse-totale.gif

L'œuvre de l'ancien évêque de Tours Grégoire, mort en 594 est d'une richesse irremplaçable. Outre des récits fondateurs de l'Histoire de France, comme ceux du baptême de Clovis ou du vase de Soissons, son Histoire des Francs abonde en petites anecdotes édifiantes qui rendent le travail du prélat tourangeau passionnant à feuilleter, même pour les novices en sciences humaines. Nous y relevons quelques mentions d'événements intéressant le Berry à l'époque mérovingienne, dont celle de phénomènes astronomiques et sanitaires très instructifs sur la mentalité de ces temps "barbares".
Dans son livre IV-XXXI, l'historien des Gaules relève que vers 570 se seraient produits des faits de nature apocalyptique, même si l'auteur ne les présente pas ainsi de manière explicite. L'ignorance presque totale des sciences naturelles, l'influence encore très marquée de la culture antique très attentive aux signes divins adressés aux hommes, la certitude de l'irruption tôt ou tard de l'Apocalypse conduisaient les anciens à associer des événements sans aucun rapport objectif commun et d'y voir des avertissements, toujours embarrassants à interpréter, du mécontentement de Dieu à leur égard.
Ainsi Grégoire de Tours combine dans un même chapitre trois manifestations exceptionnelles, une comète, une épidémie, et une probable éclipse de soleil ayant marqué le quotidien des habitants des régions centrales de la Gaule, Bourgogne, Auvergne et Berry.
La description de la comète est édifiante: une étoile qui a un rayon lumineux semblable à une épée, apparut une année entière au dessus de ces régions. Ces corps célestes posent un vrai problème aux historiens de l'astronomie, surtout si on ne peut croiser les sources, car les comètes sont, à de rares exceptions observables à l'œil nu, imprévisibles, et leur intensité diminue à chacun de leur passage près du soleil. Les paysans mérovingiens peuvent parfaitement avoir observé dans le ciel nocturne -peut-être même diurne- un astre vagabond n'ayant frôlé la Terre qu'une seule fois dont aucun astronome ne calculera jamais la trajectoire.
Plus obscure est la description d'un autre météore, que Grégoire de Tours affirme s'être produit plusieurs fois: des grandes clartés, trois ou quatre, apparurent autour du soleil. Les paysans appelaient cela des soleils. Au contraire, en octobre, le soleil perdit de son éclat au point qu'il devint sombre et terne, pareil à un sac. Si certaines conditions météorologiques en haute atmosphère peuvent expliquer la diffraction de la lumière solaire au point que se produise, pour les observateurs au sol, une sorte de mirage imprévisible, les astronomes savent parfaitement calculer les anciens (et futurs, d'ailleurs) alignements du Soleil, de la Lune et de la Terre pour dater d'anciennes éclipses et il est assez intéressant de noter que les services de la Nasa en signalent une, annulaire, le 1er septembre 536, dont l'ombre a traversé les régions citées par le chroniqueur. Les 35 années qui séparent l'éclipse réelle de la date annoncée par Grégoire ne sont pas une entrave. L'évêque a rassemblé des événements parfois distincts afin de donner plus de sens à son récit et n'a pas la prétention de l'exactitude. Il évoque même des embrasements d'étoiles -sans doute des étoiles filantes d'une brillance extraordinaire.
L'évêque n'exprime aucune relation directe de cause à effet entre ce que voient les hommes et le mal qui ne tarde pas à les affliger, car c'est inutile. Nul ignore en ces temps que la traîne d'une comète sème la mort sur la Terre et suffit à expliquer le déclenchement de grandes épidémies, et c'est pourquoi les deux thèmes se rejoignent dans une même séquence de la chronique tourangelle.
Grégoire n'est pas médecin, aussi décrit-il les symptômes du fléau en s'aidant de comparaisons. Le mal tue en deux ou trois jours, les malades sont saisis de délire et apparaissent, à l'aine ou à l'aisselle, des blessures telles des morsures de serpent. La mortalité qui oblige à creuser des fosses communes tant les corps des victimes ne peuvent être inhumés par des moyens classiques - sarcophages et cercueils, qui viennent à manquer - rappelle, comme les marques sur le corps des victimes, la terrible Peste noire qui ravage l'Occident jusqu'au début du XVIIIe siècle.

 

© Olivier Trotignon 2011

 

 

 

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19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 10:24

ASorel1

 

J'avais été, en 2006, invité par la Société Française de l'Histoire de la Médecine à présenter, lors de son colloque à Bourges, un court exposé sur les établissements hospitaliers en Berry à la période médiévale. Les participants avaient eu le privilège, lors de cette journée, d'assister à une remarquable présentation du docteur Philippe Charlier, coordinateur de l'équipe pluri-disciplinaire qui résolut, en 2005, l'énigme de la mort d'Agnès Sorelle. Voici un compte-rendu de son article:
Qui a tué la Dame de Beauté? Etude scientifique des restes d'Agnès Sorel (1422-1450), Histoire des Sciences Médicales, tome XL - n°3 - 2006
complété de quelques ajouts personnels.

 

Asorel2

 

Agnes Sorel ou Seurelle, comme on le voit gravé dans son épitaphe, n'est pas à proprement parler une figure du Moyen-âge berrichon. Celle qui porte sur son tombeau le titre de dame de beauté et de coquetterie n'a fait que résider dans la région en compagnie du roi Charles VII, dont elle était la maîtresse "officielle" mais son nom demeure attaché à des lieux prestigieux comme Mehun-sur-Yèvre, Bourges et Bois-Sir-Amé.
A l'occasion du retour de son monument funéraire et de ses cendres dans la collégiale Saint-Ours de Loches, en Touraine, une équipe de chercheur a pu se pencher sur les restes de cette femme morte dans des conditions mystérieuses en 1449, présentant les symptômes d'un empoisonnement. Après avoir confirmé l'identité du cadavre au moyen d'une reconstruction faciale informatique combinant les traits gravés dans le marbre blanc de son gisant et une portion de crâne retrouvée dans l'urne funéraire contenue dans la tombe, l'attention des chercheurs s'est portée sur un faisceau d'indices conduisant à un surdosage d'un traitement à base de fougère et de mercure destinée à combattre un des fléaux de l'époque, le vers intestinal.
L'une des plus belles femmes de son temps était, même si cela peut chagriner les esthètes, comme tous ses contemporains, habitée par toute une faune parasitaire dont l'ascaris était l'hôte privilégié, ce qui n'était pas sans conséquences sur son quotidien, y compris lors de ses transports amoureux avec son royal amant. Pour remédier à ces désagréments, et le lecteur comprendra ma discrétion naturelle à taire les détails, Agnès Sorel suivait un traitement à partir de fougère mâle, destinée à détendre les viscères, et de mercure, prévu pour en déloger les parasites. Les potards de l'époque dosaient au plus juste le remède, afin d'éviter les accidents. Pourtant, quelques jours avant son trépas, la belle Agnès fut prise, d'après une chronique de l'époque, de terribles douleurs abdominales, ce qu'on appelait alors un "flux de ventre". Son haleine se mit à empester si fort qu'elle comprit que la mort serait la seule issue à ses tourments. Après trois jours de souffrances, la belle s'éteignit, avec tous les symptômes d'un empoisonnement aigu.
Les recherches du docteur Charlier et de ses confrères ont mis en lumière la présence de 10.000 à 100.000 fois plus élevée que nécessaire de mercure dans l'organisme de l'infortunée jeune femme. Ce surdosage, peut-être accidentel, ressemble beaucoup aux conséquences d'un geste criminel.
Il ne reste d'elle aujourd'hui que quelques fragments de sa dépouille qui reposent sous un des plus beaux gisants de marbre blanc de toute la région Centre, un monument à ne surtout pas manquer si vous êtes de passage à Loches....

 

ASorel3

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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 12:47

diable-Gargilesse

 

Le diable, inséparable de la réflexion religieuse médiévale, est assez peu représenté dans l’art régional. Presque inexistant à l’époque romane, on en rencontre de belles figures dans la sculpture et le vitrail gothiques, notamment à la cathédrale de Bourges ou sur la collégiale de Levroux, dans l’Indre.
C’est justement de l’Indre que viennent ces deux images, datables de la fin de la période médiévale, qui enrichissent la variété des formes imaginées par les artistes de naguère pour illustrer une des terreur des croyants.
L’église de Paulnay contient, hormis le splendide calendrier médiéval auquel nous avions il y a quelques mois consacré un article, une fresque du Jugement dernier en mauvais état de conservation, dont les photos sont inexploitables, à part ce gros plan de cette silhouette diabolique, velue et au faciès tourmenté, qui mérite toute l’attention du visiteur. La réflexion, incantatoire hélas, que le tableau mériterait une restauration, s’impose quand on voit le piètre état de l’ensemble.

 

diable-Paulnay

Beaucoup mieux conservée et valorisée est la fresque de la crypte de l’église de Gargilesse, qui montre saint Michel et son épée aux prises avec le démon. L’aspect du Malin est plus bestial que celui de Paulnay et traité à l’ocre rouge pour souligner l’environnement infernal.
Un diable, contemporain des deux sujets présentés ici, peut être aperçu sur les murs de l’église de Chateloy, dans la vallée de l’Aumance, dans l’Allier. Isolé sur son aplomb rocheux dans un hameau, ce sanctuaire est la plupart du temps clos pour éviter les dégradations et je n’ai aucune image du démon qui s’y cache à présenter ici.

 

diable-Gargilesse2 

 

Je n’ai pas la prétention de tout connaître du patrimoine de la région et vous avez peut-être, vous même observé d’autres figures du Maufait, comme on l’appelait naguère dans les campagnes, dans un monument que vous avez visité. N’hésitez pas, par l’intermédiaire de la rubrique “commentaires”, à nous faire profiter de vos découvertes.

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13 juillet 2011 3 13 /07 /juillet /2011 10:28

Mery-dalle-general

 

 

Située en Haut-Berry, à une vingtaine de kilomètres au nord de Bourges, la commune de Méry-es-bois peut se flatter de posséder une monument funéraire remarquable datable de la seconde moitié du XIIIe siècle, ayant naguère orné la sépulture d’un chevalier connu de l’histoire régionale: Eude de Sully, seigneur de Beaujeu, qui a laissé plusieurs mentions dans la documentation tant régionale que nationale.
Cette pierre tombale, finement gravée, a connu un destin peu habituel, sans être exceptionnel, qui mérite d’être rapporté. Comme une seconde dalle, plus récente et malheureusement très incomplète, conservée dans la même église, cette pierre provient de l’abbatiale de l’ancienne abbaye cistercienne de Loroy, ou Lorroy, non loin de Méry. Longue et large, parfaitement plate, elle fut soustraite à l’édifice monastique pour devenir pierre d’autel. Dans l’Indre, l’église de Fougerolles conserve, par exemple, un monument similaire pris à l’abbaye cistercienne de Varennes. La plate-tombe de Méry fut donc en partie creusée pour l’accueil des reliques -cette opération mutila l’intéressante partie du blason, du ceinturon et de la garde de l’épée chevaleresques- et fut consacrée comme autel comme l’attestent les petites croix gravées à chaque angle. Peut-être trop encombrante, elle fut à nouveau déplacée pour être fixée, debout, contre un des murs de l’église, dans un emplacement sombre peu propice à sa lecture, mais au moins correctement protégée.
Cette grande dalle de calcaire porte l’ effigie d’un personnage identifié par deux éléments, l’un ornemental et l’autre épigraphique, le nom du gisant ayant été mutilé. Même abîmé par les ciseaux à pierre modernes, le blason, un lion et des molettes, correspond à la description faite de celui de la famille Sully dans l’Armorial Bigot, rédigé en 1254:
Sorli (Sully): lion or sur azur, champ semé de molettes or.

 

Mery-dalle-blason

 

Dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, la grande famille ligérienne de Sully a étendu son influence sur une large partie du Berry, jusqu’aux portes du Montluçonnais. Plusieurs branches cadettes occupent des fiefs, dont celui de Beaujeu.
Si le nom du défunt est lacunaire, l’épitaphe porte une indication majeure: “qui decessit in Appuleia” -mort en Appulie. Or, en 1271, les archives judiciaires du Parlement de Paris consignent que le chevalier Eude de Sully, connu par d’autres textes comme seigneur de Beaujeu et de Sancergues, en partance pour l’Appulie dans l’armée de Charles d’Anjou, roi de Sicile, porte devant la justice royale un conflit avec un autre chevalier. Les archives de l’abbaye de Loroy conservent la trace de plusieurs dons de cet homme à leur établissement.
L’étude de la dalle funéraire de Méry-es-bois fournit une intéressante occasion de croiser les sources médiévales originales, ce qui permet de nommer, presque sans risque d’erreur, le guerrier en position de prière qui orne sa surface.
Qu’il me soit permis de remercier m. Désir, maire de Méry, pour son active collaboration à l’accès au patrimoine de l’église de son village et pour son intérêt pour l’histoire régionale. Au plaisir de pouvoir un jour faire sa connaissance!

 

 

Mery-dalle-2

dalle anonyme - XVe siècle

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 09:09

Souvigny-repas

 

 

Dès les premières semaines d’existence de ce blog, nous nous étions penchés sur un monument de la littérature médiévale impliquant des personnages réels ayant été seigneurs dans les régions du Centre, le roman de Flamenca. Écrit vers la fin du XIIIe siècle, ce long récit -lacunaire- des amours de Flamenca, belle et jeune épouse du seigneur de Bourbon, et du chevalier Guillaume de Nevers n’est pas un document historique aussi rigoureux qu’une charte de franchise ou une fondation abbatiale, mais permet toutefois une approche intéressante de la culture chevaleresque de l’époque des cathédrales. Parmi les idéaux des châtelains se trouve en bonne place le culte de la nourriture, décliné dans le roman de Flamenca sous la forme d’un somptueux banquet offert par Archambaud de Bourbon à une multitude d’invités au moment de l’arrivée de sa jeune épouse au château de Bourbon. Si les lieux appartiennent, comme certains personnages du récit, à l’histoire de la région, la trame narrative relève du domaine de la fiction romanesque. Il serait donc douteux que le grand banquet de Bourbon ait eu lieu dans les circonstances décrites par le roman, mais les détails qu’on y trouve sont là pour nous rappeler combien les puissants de l’époque rêvaient d’extravagances culinaires, autant dans l’abondance que dans la variété et la rareté des mets. Ce qui suit ne doit donc pas être lu comme le modèle d’une grande fête médiévale, mais comme l’expression d’un fantasme communément partagé par des lecteurs morts voici plusieurs siècles.
Tout commence par le nettoyage et la décoration des rues qui mènent au château et qu’emprunteront les invités. Sur le sol sont étalés des tapis et partout sont pendues des étoffes et des tentures, qui donnent l’illusion que l’on est déjà dans la forteresse alors qu’on ne fait que traverser la ville. Les bancs, destinés à faire asseoir les convives, sont couverts de housses. Dans les hôtels prévus pour l’accueil des participants au banquet se trouvent en abondance vêtements précieux, armes et chevaux destinés aux chevaliers. Légumes, grain pour les animaux et cire pour s’éclairer à la tombée du jour ont été distribués afin que rien ne manque aux hôtes.
L’auteur du récit donne assez peu de détails sur le banquet, mais on perçoit vite l’absence de menu tel qu’on pourrait l’imaginer aujourd’hui. Tout est servi, sans hiérarchie, sur les tables et chacun peut se servir d’une multitude de mets qu’on renonce à détailler: “tout ce qu’offrent l’air, la terre, la mer et ses profondeurs” est servi, arrosé de “tout ce qui peut se faire à base de blé, de racine, de raisin, de fruits et de pousse”. Au lecteur d’imaginer son repas idéal. En plus des viandes de boucheries et autres chairs cuites que le troubadour ne se donne pas la peine de nommer se trouvent offertes des bêtes à plumes “outardes, cygnes, grues, perdrix, canards, poules, oies, gelines et paons” et des animaux tués à la chasse “lapins, lièvres, chevreuils, cerfs, sangliers” et même “ours grands et féroces”. A sa dignité d’hôte, le sire de Bourbon ajoute la preuve de son courage à affronter des animaux dangereux de ses forêts, mais le plus précieux réside dans la liste des épices rares qu’il a eu soin de faire venir pour l’occasion “ épices, encens, cannelle et poivre” dans un quantité si merveilleuse, et l’auteur nous donne cette comparaison étonnante, qu’”aussi loin que s’étende le bourg, un plein chaudron aurait pu en être brûlé à chaque carrefour”. Ces volumes sont cohérents avec les dix mille chevaliers et les mille cinq cents jongleurs, sans compter les dames, demoiselles et serviteurs tous réunis dans les salles du château de Bourbon. Comme tant d’autres narrateurs de la période médiévale, l’auteur de Flamenca ne cherche pas la vraisemblance, mais l’effet sur ses lecteurs. Tous ces volumes et ces chiffres ne sont pas exagérés dans son esprit, s’ils permettent aux gens qui le lisent de s’imaginer le banquet auquel tout le monde aurait rêvé de participer.

 

château-bourbon-l'Archambaud.gif

 

Que mes lecteurs voient donc ce billet non pas comme une invitation à envoyer aux orties leur tempérance habituelle, mais plutôt à profiter de l’été pour se replonger dans la littérature médiévale, toujours délicieuse pour qui prend le temps de s’y arrêter un moment.

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2 juillet 2011 6 02 /07 /juillet /2011 09:32

 

La-Chapelaude-ensemble

 

Considéré d’un point de vue monumental, le prieuré de La Chapelaude, dans le département de l’Allier, n’a rien de spectaculaire. Une petite église romane bâtie dans ce grès particulier à la région, fortement chargé en oxyde de fer et peu propice à la sculpture fine, se détache dans la partie haute du petit village. Ce sanctuaire, qui peut être ajouté à un itinéraire de découverte du patrimoine régional, mais qui ne présente aucune particularité remarquable, est la dernière partie visible d’une ancienne fondation monastique datée, dans la deuxième étape de son activité, des années 1060. Propriété de la grande abbaye bénédictine de Saint-Denis, aux portes de Paris, La Chapelaude se distingue historiquement des autres prieurés locaux par l’ existence d’un riche cartulaire, aujourd’hui perdu, mais qui fut l’objet de multiples copies par des savants parisiens du XIXe siècle qui ont sauvé l’essentiel de son contenu, complété par quelques rares archives isolées, et qui projette un éclairage variable sur son passé.
La première séquence de la vie de ce monastère se situe bien avant l’an mille, aux temps mérovingiens et carolingiens, et est illustrée par une série de diplômes recomposés au moment de la rédaction du cartulaire, et qui doivent être manipulés avec une prudence extrême. S’il est évident que les frères archivistes franciliens disposaient de sources très anciennes relatives à leur propriété berrichonne, délaissée au moment des dernières invasions, on peine à dresser une chronologie et une carte des possessions des anciens bénédictins dans ces confins du Berry, de la Marche et de l’Auvergne.

 

La-Chapelaude-detail

 

La deuxième époque, qui débute aux environs de 1060, est beaucoup mieux renseignée. Les moines parisiens profitent du dynamisme de la monarchie capétienne, et de la forte personnalité du roi Philippe Ier, qui ajoute le Berry à sa zone d’influence et, plus tard, au domaine royal. Leur retour dans leurs anciennes possessions s’accorde avec la volonté du souverain d’étendre son influence vers le Sud. Spirituellement, la féodalité locale est baignée par l’influence de la réforme grégorienne, et il n’est pas indifférent que le seigneur de Bourbon, très lié aux Clunisiens de Souvigny, appuie l’initiative de ses vassaux de la vallée du Cher de restituer à l’ Église des terres injustement détenues à la suite de la déliquescence du pouvoir carolingien.
La première étape de cette restitution est peut-être initiée par un personnage qui passe presque complètement inaperçu jusqu’au jour où une bande de voleurs vient piller sa maison. C’est suite à sa plainte qu’on apprend que cet homme, nommé Garnier, possédait une maison à Aude, à une dizaine de kilomètres à l’est de La Chapelaude, dans un bourg situé le long de la route qui se dirigeait vers Paris. Garnier était-il sur place mandaté par son abbé pour évaluer la situation patrimoniale des anciennes propriétés franciliennes où avait-il un rôle plus spirituel, de prédication auprès des féodaux? On constate que la situation évolue en faveur de Saint-Denis-en-France, qui récupère ses possessions, bâtit un nouveau prieuré, voit les vocations qu’on suppose locales assurer le recrutement des nouveaux frères et reçoit de multiples dons de la part des chevaliers du secteur. L’excellent état de conservation de beaucoup d’actes recopiés dans le cartulaire permet d’avoir une lecture très fine du maillage politique local, du seigneur de Bourbon jusqu’aux plus petits féodaux en passant par le seigneur d’Huriel, à la fois vassal et associé de Bourbon dans le mouvement initial de restitution des terres du prieuré.
Si La Chapelaude fait figure d’exception dans le paysage monastique régional et qu’il est impossible de généraliser son modèle à la multitude des prieurés détenus par diverses abbayes dans le sud du diocèse de Bourges, son exemple peut nous aider à comprendre les influences spirituelles qui baignaient nos régions à l’époque romane.

 

 

La-Chapelaude-tombepierre tombale sur la place de l'église

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Conférences

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Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
- les ordres religieux en Berry au M.A.;
- la femme en Berry au M.A.;
- politique et féodalité en Berry;
- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.