La dalle funéraire du chevalier Eude de Sully, seigneur de Beaujeu (église de Méry-es-bois -18)
Située en Haut-Berry, à une vingtaine de kilomètres au nord de Bourges, la commune de Méry-es-bois peut se flatter de posséder une monument funéraire remarquable datable de la seconde moitié du XIIIe siècle, ayant naguère orné la sépulture d’un chevalier connu de l’histoire régionale: Eude de Sully, seigneur de Beaujeu, qui a laissé plusieurs mentions dans la documentation tant régionale que nationale.
Cette pierre tombale, finement gravée, a connu un destin peu habituel, sans être exceptionnel, qui mérite d’être rapporté. Comme une seconde dalle, plus récente et malheureusement très incomplète, conservée dans la même église, cette pierre provient de l’abbatiale de l’ancienne abbaye cistercienne de Loroy, ou Lorroy, non loin de Méry. Longue et large, parfaitement plate, elle fut soustraite à l’édifice monastique pour devenir pierre d’autel. Dans l’Indre, l’église de Fougerolles conserve, par exemple, un monument similaire pris à l’abbaye cistercienne de Varennes. La plate-tombe de Méry fut donc en partie creusée pour l’accueil des reliques -cette opération mutila l’intéressante partie du blason, du ceinturon et de la garde de l’épée chevaleresques- et fut consacrée comme autel comme l’attestent les petites croix gravées à chaque angle. Peut-être trop encombrante, elle fut à nouveau déplacée pour être fixée, debout, contre un des murs de l’église, dans un emplacement sombre peu propice à sa lecture, mais au moins correctement protégée.
Cette grande dalle de calcaire porte l’ effigie d’un personnage identifié par deux éléments, l’un ornemental et l’autre épigraphique, le nom du gisant ayant été mutilé. Même abîmé par les ciseaux à pierre modernes, le blason, un lion et des molettes, correspond à la description faite de celui de la famille Sully dans l’Armorial Bigot, rédigé en 1254:
Sorli (Sully): lion or sur azur, champ semé de molettes or.
Dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, la grande famille ligérienne de Sully a étendu son influence sur une large partie du Berry, jusqu’aux portes du Montluçonnais. Plusieurs branches cadettes occupent des fiefs, dont celui de Beaujeu.
Si le nom du défunt est lacunaire, l’épitaphe porte une indication majeure: “qui decessit in Appuleia” -mort en Appulie. Or, en 1271, les archives judiciaires du Parlement de Paris consignent que le chevalier Eude de Sully, connu par d’autres textes comme seigneur de Beaujeu et de Sancergues, en partance pour l’Appulie dans l’armée de Charles d’Anjou, roi de Sicile, porte devant la justice royale un conflit avec un autre chevalier. Les archives de l’abbaye de Loroy conservent la trace de plusieurs dons de cet homme à leur établissement.
L’étude de la dalle funéraire de Méry-es-bois fournit une intéressante occasion de croiser les sources médiévales originales, ce qui permet de nommer, presque sans risque d’erreur, le guerrier en position de prière qui orne sa surface.
Qu’il me soit permis de remercier m. Désir, maire de Méry, pour son active collaboration à l’accès au patrimoine de l’église de son village et pour son intérêt pour l’histoire régionale. Au plaisir de pouvoir un jour faire sa connaissance!
dalle anonyme - XVe siècle