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29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 08:59

Huriel-général

 

La région de Montluçon possède un des rares témoignages encore presque intact d’une étape essentielle des arts militaires du premier âge féodal: le passage des donjons de bois aux premiers donjons de pierre. Le destin des donjons de bois juchés sur leurs mottes castrales a été très différents d’une seigneurie à l’autre. Rapidement devenues obsolètes face à la solidité éprouvée des constructions de pierre, les tours de bois, élevées par les premières familles dominant la région au XIe siècle, ont laissé la place à de nouvelles forteresses. Dans certains cas, la féodalité a abandonné les anciennes mottes pour construire des châteaux beaucoup plus vastes sur un autre emplacement, comme à Châteaumeillant ou à Bois-Sir-Amé, dans le Cher. Parfois, le terrassement castral a servi de soubassement à un grand donjon circulaire commandant une ville forte ou une forteresse, comme à Cluis dans l’Indre, Bourbon dans l’Allier ou encore Dun-sur-Auron dans le Cher. Dans de plus rares circonstances, dès le XIIe siècle, les chevaliers ont passé commande de grands donjons carrés, imitant la forme des anciennes tours de bois, pour remplacer les fortins hérités de leurs aïeux. La plupart ont été détruits (Le Châtelet, Drevant, Lignières...), ce qui rend encore plus précieuse la fortification d’Huriel. Haute de plusieurs étages, elle présente encore une partie de son aspect primitif, c’est à savoir de hauts murs seulement percés de petites ouvertures destinées à l’archerie.

 

Huriel-façade

 

Plus tard, un propriétaire a fait ouvrir de grandes croisées à meneaux pour faire rentrer le lumière, mais l’ensemble demeure très impressionnant. A la façon des tours de bois, l’accès se faisait par une petite porte ouverte en hauteur. Les seigneurs d’Huriel, nommes Humbaud ou Audebert, selon que ça soit l’aîné ou le cadet qui héritait de son père, sont bien connus grâce aux textes naguère conservés dans le cartulaire du prieuré bénédictin voisin de la Chapelle-Aude, ou Chapelaude. La rareté et l’unité de l’ensemble expliquent ma vive contrariété en découvrant, voici quelques semaines, que des bennes de remblais étaient en train d’être déversées dans ce qui reste des fossés de l’ancienne motte, comme si la municipalité avait décidé de les combler. Il ne s’agissait peut-être que d’un stockage provisoire de matériaux destinés à un autre usage que le remblais, mais ce genre de manœuvre dans un milieu aussi fragile que des restes de défenses du XIe siècle a toujours le don de me faire bondir. Si un lecteur ou une lectrice avait l’occasion de passer voir sur place où en est le chantier et pouvait nous renseigner par le canal de la rubrique “commentaires” au bas de cet article, il ou elle m’aiderait à dissiper mes craintes ou, au contraire, à les confirmer.

 

Huriel-fossés

 


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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 09:48

motte-Epineuil-pancarte

 

La période hivernale étant, avec son soleil bas et sa végétation dégarnie, propice à ce genre de visite, je suis retourné à Epineuil-le-Fleuriel, dans le sud du département du Cher, examiner le résultats des travaux de défrichement de la motte castrale du village.
L’excellente nouvelle était tombée l’été dernier. La motte, complètement délaissée par ses propriétaires, et envahie par une végétation qui rendait son terrassement indiscernable depuis la route, venait d’être acquise par la municipalité d’Epineuil. Dans d’autres lieux, une telle tractation n’aurait rien eu de rassurant, tant certaines équipes municipales restent hermétiques à tout principe de respect des vestiges archéologiques.

motte-Epineuil-fossés

 

A Epineuil, les choses vont autrement. L’achat par la Ville de la parcelle qui abrite l’ancienne forteresse est une étape dans un long processus de valorisation de cet élément patrimonial. Bien que presque invisible faute d’entretien, la motte était signalée depuis longtemps à l’entrée du village. Son acquisition va permettre de la débarrasser de la végétation qui a envahi ses flancs. Cette opération, qui prendrait à peine un ou deux jours de travail en terrain plat à une bonne équipe de bûcherons, va être réalisée en concertation avec les services régionaux d’archéologie afin de ne faire courir aucun risque aux niveaux anciens qui pourraient être encore en place malgré quelques fouilles anciennes assez musclées.
A l’heure actuelle, seuls les fossés et les premiers mètres du terrassement ont été nettoyés. Si des ormes morts ne posent pas de problèmes techniques pour être tronçonnés et éliminés, les gros arbres qui ont envahi la plate-forme vont devoir être traités avec prudence, tant leur abattage peut provoquer de dégâts.

motte-Epineuil-ensemble

 

Une question, à laquelle je suis bien incapable de répondre, se pose et j’aimerais bien avoir l’avis des lecteurs pour produire un avis pertinent. Il existe sur la plate-forme de la motte d’Epineuil un affreux petit cabanon en briques couvert de tuiles mécaniques, verrue qu’un premier réflexe condamnerait à une élimination sans appel. Pour l’instant, la végétation le dissimule à la vue des visiteurs mais tôt ou tard sa silhouette va être révélée. La question ne se poserait pas s’il s’agissait d’un abri de jardin ou d’un rendez-vous de chasse; or, dans le cas présent, la bicoque a une histoire. Sa construction date de 1939 ou 1940 et avait été ordonnée à l’initiative de la Défense passive. Des habitants  de la commune venaient y assurer une sentinelle régulière pour veiller, selon certains récits, à la sécurité des usines de Montluçon et lancer l’alerte en cas de raid aérien. Montluçon a bien été bombardé, mais par les Alliés, la guerre est finie et la masure est toujours là. Qu’en faire? La raser, au risque de faire disparaître un vestige qui intéresse l’Histoire du XXe siècle? La démonter et la reconstruire à coté? Cela n’aurait plus aucun sens. La conserver? Sur une des plus belles mottes castrales du Berry, l’effet visuel va être désastreux. La restaurer et y installer un petit espace d’information pour les futurs visiteurs? Cela donnerait une raison de la garder en état.
La question se pose à Epineuil. Je me pose aussi la question. Vos avis et remarques en la matière seront les bienvenus.

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24 octobre 2010 7 24 /10 /octobre /2010 21:38

grosse-tour-gravure

 

Ajoutée au domaine royal par le roi Philippe Ier à la fin du XIe siècle, Bourges devint, un siècle plus tard, à l’initiative du souverain Philippe Auguste, un immense chantier. En plus des travaux de construction de la cathédrale fut entreprise l’édification d’un énorme donjon, achevé vers 1189, dominant la ville de ses presque quarante mètres. Par cette tour, complétée par un système défensif autonome la distinguant tout en l’incorporant aux remparts défendant la cité, le roi de France affirmait sa suzeraineté sur la plaine de Bourges et surpassait, par l’ampleur de la bâtisse, tous les autres seigneurs berrichons.
Même s’il a presque complètement disparu et qu’on ne peut plus en vérifier l’élévation, le donjon royal de Bourges a longtemps été un élément majeur du paysage urbain et de l’histoire de la capitale du Berry. Plusieurs auteurs ont relevé ses cotes et des dessinateurs l’ont croqué, surtout à partir de la Renaissance et des troubles des Guerres de religion. Nous disposons donc, en plus des traces archéologiques, d’un matériel cohérent sur lequel s’appuyer pour évoquer le souvenir du plus gros monument militaire médiéval de ce type en Berry.

grosse-tour-coté-mairie

En convertissant les anciennes unités de mesure et on se basant sur le reste des fondations observées par les services d’archéologie, on admet en général que la grosse tour mesurait environ trente-huit mètres pour un diamètre de vingt-cinq. D’une construction très soignée, une partie du parement extérieur était garni de blocs de pierre taillés en pointe de diamant. Cet ornement apparaît clairement sur les gravures anciennes. On parvenait à son sommet par un escalier de 164 marches qui permettaient d’atteindre trois étages voûtés qui accueillaient des chambres, réserves et certainement communs. Ces pièces servirent par la suite de logement, prison, poudrière et autres usages permis par la fonction militaire de la place.
Plusieurs historiens se sont attachés à souligner l’importance de cette petite forteresse royale dans la défense d’une ville qui pouvait devenir la proie des adversaires anglais des rois capétiens. Si on élargit le point de vue sur la question, on constate que la grosse tour de Bourges s’inscrit dans un vaste mouvement amorcé au XIIe siècle qui voit la féodalité du Berry, comme celle d’autres régions du royaume, affirmer sa domination sur les campagnes par l’érection de grands donjons châtelains de base rectangulaire pour les premiers puis circulaire pour les plus récents, héritiers de l’époque des châteaux à donjons de bois. Vèvre, Le Châtelet-en-Berry, Lignières, Issoudun, Montrond et quelques autres, presque tous aujourd’hui abattus, dominent la campagne et rappellent l’indépendance dont tant de féodaux font preuve vis-à-vis de l’autorité de leur suzerain francilien. Avec l’édification de sa tour de Bourges et de son homologue, de plus petites dimensions, mais tout aussi symbolique, de Dun-sur-Auron, Philippe Auguste matérialise son pouvoir de seigneur et roi à l’aide de ces éléments architecturaux on ne peut plus concrets.
Le donjon royal demeura intact jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Le Berry subit alors la guerre de la Fronde. En 1651, l’entrée des troupes royales dans la ville de Bourges évacuée par l’armée condéenne précipita la destruction de la tour médiévale. Que la décision de la faire raser fut motivée, ce qui est le plus vraisemblable, par des impératifs stratégiques ou que son éradication fut le gage de la fidélité des berruyers au pouvoir royal, ce qui n’est pas incompatible avec la précédente proposition, ses jours étaient comptés.
En novembre 1651, l’explosion d’une première mine ne put que fendre en deux l’édifice. Les stigmates de la torsion qui s’opéra alors sur les fondations sont encore visibles sur les vestiges du pied de la tour, conservés dans le deuxième sous-sol du parking souterrain situé sous la mairie de Bourges. Les pierres de parement ont été bousculées et arrachées de leur lit de maçonnerie.

grosse-tour-fente

Une nouvelle tentative eut lieu en décembre de la même année. L’artificier provoqua une explosion mieux calculée que la précédente, si forte que la moitié du donjon s’effondra en tuant et blessant plusieurs dizaines de témoins, écrasés par les blocs de pierre propulsés par la mise à feu de la poudre. Les derniers vestiges du donjon furent prudemment laissés en état, et disparurent ultérieurement.
Outre les quelques gravures disponibles sur le sujet, rarement à l’échelle, il est possible de se faire une idée de la masse de la forteresse disparue grâce aux vestiges exhumés lors des fouilles exécutées sur le site au moment de la construction du nouvel hôtel de ville. On soulignera l’intérêt de cet aménagement spécialement dédié à l’ancien donjon: un marquage au sol permet de visualiser l’emplacement de la muraille de l’ancien édifice.

grosse-tour-surface

Le contraste sur le trottoir est suffisant pour que le diamètre soit perceptible sur les photographies aériennes verticales, ce qui donne une bonne mesure des proportions de l’ancien donjon royal de Bourges.

grosse-tour-aerien

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10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 09:57

Mirebeau-1

Après avoir examiné les vastes dispositifs radio concentriques d’Issoudun et de Dun-sur-Auron, revenons à des ensemble de plus petite dimension mais tout aussi remarquables, tel le terroir circulaire du lieu-dit Mirebeau, sur la commune de Verneix, dans la vallée du Cher.
Sur le terrain, sans l’aide de la photographie aérienne, l’ensemble défensif de Mirebeau passerait presque totalement inaperçu s’il ne restait pas quelques menus vestiges des fossés humides qui ont protégé la très probable motte érigée en son centre. Comme dans de multiples endroits, le dôme de terre qui soutenait l’ancien ouvrage défensif en bois a été arasé et on a conservé des fossés que des mares destinées à abreuver les animaux de ferme.

 

Mirebeau-2Les reliefs de cet ensemble défensif médiéval sont perceptibles grâce à une simple carte topographique au 25.000e. Dans cette région de bocage encore épargnée par les ravages paysagers des remembrements, les haies vives qui fossilisent les anciens tracés sont reconnues par les logiciels cartographiques de l’I.G.N.
C’est bien entendu par le survol par avion, hors de mes moyens, du site et par les photographies satellites disponibles sur internet que l’endroit révèle le rigoureux ordonnancement des parcelles qui le composent. Le centre de l’aménagement est occupé par l’emplacement de l’ancien château. Deux cercles concentriques -750 m. de diamètre pour le plus grand - délimitent une surface qui peut correspondre au schéma traditionnel d’exploitation des sols à l’époque féodale, le premier cercle pouvant délimiter la réserve seigneuriale et le deuxième cercle les tenures paysannes, comme nous l’avions déjà suggéré pour le terroir radio concentrique voisin de la Bruyère-l’Aubespin.
Outre ce château de la Bruyère, lui aussi entouré d’une très belle structure en anneaux, je me permet d’attirer l’attention du lecteur sur l’existence d’un parcellaire similaire plus à l’est de la région, autour du bourg de Malicorne, proche de Commentry, dans un contexte plus urbanisé que les deux exemples précédents.

Malicorne-2

Malicorne (03)

 

En l’absence de données archéologiques formelles, nous devons nous limiter à de simples observations pour tenter d’interpréter les raisons qui ont poussé les gens du Moyen-âge à organiser leur environnement sur un mode aussi géométrique. La première question qui se pose concerne la rareté de ces terroirs. S’agit-il d’exceptions, produits de la réflexion avisée de seigneurs plus clairvoyants que leurs voisins, ou s’agit-il de fossiles bien préservés d’un usage universel à l’époque, mais devenu rare à observer du fait des évolutions des paysages? S’agit-il d’une pratique dévolue à un modèle économique reposant sur l’exploitation différenciée des sols - espace cultivé pour les besoins du seigneur, espace cultivé pour les besoins élémentaires des paysans vivant sur place, le tout protégé des agressions extérieures par des grosses haies, forêt et friches alentours utilisées pour la pâture des animaux, la cueillette et la chasse? S’agissait-il de fondations militaires volontairement limitées dès leur création au strict nécessaire pour permettre aux occupants du lieu de survivre et ainsi contrôler les risque de développement de pouvoirs parallèles et forcément un jour concurrents de l’autorité qui les mettait en place?
Indépendamment du caractère relativement esthétique et harmonieux de ces traces au sol photographiées depuis l’espace, ces terroirs radio concentriques mériteraient une étude comparative spécifique qui pourrait aider à répondre aux questions qu’on se pose sur leurs origines.

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29 mai 2010 6 29 /05 /mai /2010 19:44

 

dun-beffroi

 

C’est au milieu de la grande plaine céréalière de la Champagne berrichonne qu’émerge un des plus hauts témoins de l’activité humaine dans le Berry du Moyen-âge. Visible à des kilomètres à la ronde, le toit de l’immense beffroi de Dun-sur-Auron est le vestige emblématique de l’ancienne ville royale et fortifiée qui marqua longtemps la frontière entre le domaine capétien et les terres tenus par les féodaux du sud de la région.

Même si on n’en a pas la preuve formelle, la cité de Dun fit très certainement partie du lot de possessions cédées par le vicomte et futur croisé Eudes Arpin au roi de France Philippe Ier au début du XIIe siècle. Au toponyme originel est accolé le terme “le roi” noté dès 1166 dans une charte de l’abbaye Saint-Sulpice de Bourges. Jusqu’à la Révolution, la ville porte le nom de Dun-le-roi. 

 

dun-rempart

Le roi Philippe Auguste entreprend une vaste campagne de fortification de la petite cité. Une enceinte flanquée de tours garnies d’archères est élevée. Comme dans sa ville voisine de  Bourges, le souverain fait bâtir une “grosse tour”, à savoir un donjon circulaire qui domine les remparts. Cette équipement particulier fait écho aux autres constructions du même modèle entreprises par la féodalité locale: Renaud de Montfaucon à Montrond, les seigneurs de Culan et ceux d’Issoudun dans leurs forteresses respectives, pour ne citer que les plus célèbres, élèvent eux aussi de leur coté de hautes tours rondes qui symbolisent leur statut de grands seigneurs fonciers.

dun-aerien


Autour de la ville de Dun-le-roi, la campagne s’anime. Toute la plaine alentour est conquise par les paysans, qui rejoignent leurs pièces de terre cultivée en suivant les chemins qui rayonnent à partir de la petite cité, encore bien visibles par la photographie satellite qui permet de distinguer un intéressant plan géoconcentrique, comme à Issoudun. On peut supposer que cette gestion de l’espace agricole permet d’anticiper une éventuelle croissance à venir de la population, des besoins de celle-ci, et des terres qui devront être exploitées pour y faire face.

La période médiévale a laissé de nombreux vestiges à Dun. Le visiteur y découvre une variété monumentale très complète pour une ville de cette dimension: église romane remaniée à la fin du Moyen-âge, remparts appuyé sur des tours de section circulaire, beffroi monumental assurant la sécurité d’une des portes de la cité, assise lenticulaire de l’ancien donjon ayant probablement succédé à un ouvrage de bois antérieur, maisons à pans de bois. La Renaissance a aussi laissé son empreinte à Dun, en particulier par l’existence d’un très bel hôtel particulier dont la façade rappelle l’architecture de certaines demeures contemporaines visibles dans la vieille ville de Bourges.

dun-maison


La visite de Dun-sur-Auron sera complétée avec beaucoup de profit par une étape dans les villes proches de Bruère-Allichamps et à Ainay-le-Château pour avoir une vue d’ensemble du phénomène des fortifications urbaines dans le sud du Berry à l’époque féodale.


dun-gargouille


 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 10:03

 

Thizon-tour

 

C’est à nouveau un monument bien peu spectaculaire que je vous convie à redécouvrir, mais qui occupe une position stratégique assez remarquable. Situé au nord-est de Montluçon, le petit château du Thizon n’attire le regard que des spécialistes de la période. Envahies par des constructions récentes implantées sans aucun respect pour l’ancienneté du site, éventrées par une ruelle, les ruines de l’ancienne forteresse sont peu lisibles sans un examen approfondi du site. On reconnaît la base d’une grosse tour, l’assise d’une cour intérieure, et des murs de défense qui témoignent de la qualité militaire de cette ancienne place.

 

Thizon-rue

Si les vestiges méritent à peine qu’on s’y arrête, l’environnement général, topographique et historique, est d’une toute autre qualité.

Le château du Thizon est construit au centre d’une vallée encaissée, bien marquée dans le paysage, vaste échancrure dans la muraille presque monolithique du plateau primaire que longe le Cher sur des dizaines de kilomètres. Ses murs dominent le lit du ruisseau éponyme qui assure une défense naturelle de tout le flanc nord du site. Si on cherche à faire abstraction des constructions modernes implantées dans les alentours du Thizon, on devine sans difficulté l’intérêt stratégique et économique que pouvait représenter la vallée qu’occupe le château, lien naturel entre la vallée du Cher, occupée de longue date, et les domaines de la seigneurie de Bourbon. C’est d’ailleurs dans un acte rédigé par la volonté d’Archambaud, dit le Jeune, qu’on trouve vers 1170 la plus ancienne mention connue de l’existence d’un chevalier résidant au Thizon. Par cet acte, le seigneur de Bourbon dote le prieuré de la Chapelaude de terres proches d’Estivareilles, à quelques kilomètres de là. Il n’est pas indifférent que relever que l’acte cite deux féodaux particuliers: le seigneur de Charenton, qui tient tout le nord de la vallée du Cher et le viguier d’Hérisson, forteresse des Bourbon verrouillant la profonde vallée de l’Aumance, autre axe de pénétration vers le cœur de leurs domaines.

Thizon-val


Cette comparaison permet de mieux apprécier la vocation stratégique du château du Thizon, pièce isolée d’un vaste système défensif chargé de contrôler la circulation des biens et des hommes, parfois belliqueux, entre une vallée charnière entre plusieurs régions politiques, religieuses et économiques et le grand ensemble territorial sur lequel Bourbon avait assis son influence.

Il est bien dommage que le Temps n’ait pas plus épargné cette petite place-forte dont rien ne semble permettre de stopper la lente dégradation. Le commentaire final reviendra à un habitant, rencontré dans la rue “du château”, au pied des ancien murs et qui concluait en ces termes: “Bof, tout ça, c’est plus qu’un tas de pierres...”.

Thizon-cour

 

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2 mars 2010 2 02 /03 /mars /2010 17:16

aiguemorte1
Voici un document qui ne révolutionnera pas l’histoire de la petite forteresse d’Aiguemorte, proche de Châteauneuf-sur-Cher, à laquelle nous avions consacré un billet voici quelques mois, mais qui éclairera la liste toujours imprécise de ses propriétaires médiévaux.

Un acte recopié dans le cartulaire du prieuré clunisien de la Charité-sur-Loire, dans la Nièvre, indique que Pierre de Beaujeu, alors prieur du lieu, accorda en 1330 à ses propres religieux une rente de soixante sous en monnaie de Tours annuelle en échange de la célébration de son anniversaire, à prendre sur sa propriété d’Aiguemorte. Le titre précise que la maison a été, “ex nostra pecunia acquisitis”, achetée sur les fonds propres du prieur.

Ce texte ne donne pas d’autres précisions sur la localisation du toponyme évoqué dans le cartulaire clunisien, mais, en l’absence d’autres lieux homonymes dans les départements du Cher, de la Nièvre et de l’Yonne dans lesquels les moines de la Charité possédaient la majorité de leurs biens, il n’y a guère d’autre endroit où situer la propriété de Pierre de Beaujeu.

Il est vraisemblable que le prieur, décédé  en 1333, s’est séparé de son bien assez vite car dès 1332, c’est un descendant de la vieille famille de Morlac qui prend possession des lieux et se fait accorder par son seigneur Jean de Culan et de Châteauneuf le droit d’installer des soldats pour assurer la garde d’Aiguemorte, preuve d’une acquisition récente.

Faute de certitudes, on ne peut que spéculer sur les raisons qui conduisirent le prieur de la Charité à investir dans la vallée du Cher. Un lien possible peut être établi entre son “nom de famille” - de Beaujeu et la famille de Sully, fortement implantée dans la région, dont Beaujeu était une branche cadette. 

aiguemorte2 

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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 09:20

Hauterive1

Située à quelques kilomètres de l’ancienne châtellenie de Lignières, la petite forteresse d’Hauterive, sur la commune de la Celle-Condé, est un vestige archéologique curieux. Suivant le cours de l’Arnon par la rive droite, le promeneur découvre un ensemble bâti surprenant quoiqu’en grande partie nivelé, où se distinguent encore des murailles construites avec des parements soignés et un vestige de tour d’angle, d’une forme commune dans la région au XIIIe siècle. Cette minuscule place-forte, bâtie en bord de rivière, accuse une forme carrée. Des fossés secs sont encore apparents du coté opposé à la rivière et conservent un vestige du mur qui servait à faire reposer le pont-levis lorsque celui-ci était baissé. Une construction récente élevée sur la plate-forme abriterait une cave voûtée.

Hauterive2 

Malgré une lecture assez complète de la documentation régionale, je n’ai pu trouver aucun acte datant de la construction de cette petite structure féodale. Soit ses premiers propriétaires étaient trop peu fortunés pour céder une partie de leurs biens à une abbaye locale, soit cette micro-forteresse n’était pas tenue par un seigneur, mais par un officier seigneurial représentant les intérêts d’une puissance politique locale, comme les seigneurs de Lignières, d’Issoudun ou de Châteauneuf. La proximité immédiate de la rivière laisse supposer que cette fortification était en relation avec un lieu de passage, gué ou pont, sur l’Arnon.

Les vestiges d’Hauterive intéresseront les spécialistes d’architecture militaire qui décrypteront, parmi les dernières ruines apparentes, l’organisation d’une petite forteresse qui semble avalée par la végétation, la terre, et l’oubli des hommes. 

Hauterive3

fossé et mur de soutien de l'ancien pont-levis

The old castle called Hauterive, upon Arnon river. 
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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 16:27

chatelus-intérieur

Patrimoine emblématique du massif forestier de Tronçais, dans l’Allier, le Tureau de Chatelus, sur la commune de Meaulne, dans l’Allier, se présente comme une enceinte de terre fossoyée quadrangulaire, avec des renflements aux quatre angles et un évidement dans le rempart Nord qui peut passer pour une entrée. Élevée sur une position topographique stratégique, cette fortification bénéficiait de la protection naturelle assurée par la confluence de deux petits ruisseaux parallèles avec un ruisseau de plus fort débit. Ces trois cours d’eau ont modelé un relief assurant une défense naturelle de l’édifice qui n’a pas échappé aux concepteurs de l’ouvrage.

La tradition populaire, comme dans tant d’autres lieux, a accordé aux romains la paternité de ce camp retranché. Baignés de culture antique, les anciens érudits y reconnaissaient la signature indiscutable des légions de César au temps de la Guerre des Gaules. Sauf erreur, la carte IGN de la région continue à nommer l’endroit: “le Camp Romain”.

Il y a une quinzaine d’années, les techniciens de l’ONF, soucieux de baliser le patrimoine  de la forêt de Tronçais, m’avaient consulté sur cette question, traitée, entre autres, dans mon mémoire de DEA. Mes arguments les avaient convaincus d’une origine ne devant rien à l’armée romaine, sans qu’on puisse pour autant être affirmatif sur la date de début des travaux de défense du site. Éloigné des routes où circulaient les troupes impériales, Chatelus n’a livré, au cours des anciens sondages entrepris sur place, aucun objet d’époque antique. De plus, l’importance des terrassements montre que ce lieu n’a rien d’un camp de fortune établi pour les besoin d’une troupe en campagne, qui se serait parfaitement contentée d’une simple clôture palissadée. Tout naturellement, c’est vers l’époque médiévale que se tourne le regard grâce à un élément décisif: le toponyme même de l’endroit.

Chatelus l’est pas un nom isolé. En fait, on relève six autres sites offrant une parenté évidente avec le phénomène observé sur la commune de Meaulne.

* Le Châtelet, ou Vieux-Château, sur la commune d’Arpheuilles, dans le Cher. Comme pour son homologue de la forêt de Tronçais, le site d’Arpheuilles se présentait comme une grande enceinte carrée entourée de fossés, avec des renforts aux angles. Superbe vestige, cette forteresse a été très dégradée lors de travaux d’abattage de bois, partiellement écrasée par les engins forestiers qui débardaient les grumes;

* l’enceinte du moulin de Gâteau (parcelle dite “les Chatelais”), commune de Saint-Pierre-les-Etieux (18). Petit ouvrage employant l’eau de la Marmande comme défense;

* l’éperon barré de Chatelux, sur la commune de Vesdun (18), petite plate-forme au dessus de la gorge du Rifoulet, isolée du plateau par un rempart de terre;

* un autre éperon barré, dans la commune voisine de Saint-Désiré (03), nommé “le Châtelet” par le cadastre;

deux grands ensembles de plusieurs hectares, de type éperons barrés:

*les Châtelets (connu comme “camp romain”, sur la commune de Sidiailles (18);

*l’énorme ensemble de Chateloy, près d’Hérisson (03), d’origine gauloise et réoccupé à l’époque médiévale.

Les points communs sont flagrants:

* tous les lieux sont fortifiés en terre avec souvent des fossés. On ne trouve aucune trace de motte, de tour, ou de murailles maçonnées.

* La similitude toponymique -Châtelet/Chatelus/Chateloy est  homogène.

* Il n’existe aucune charte concernant ces lieux. Ceux qui les habitaient échappaient au pouvoir féodal et à la dépendance vis-à-vis des abbayes et sont du fait transparents aux yeux des historiens.

* La grande majorité - seule l’enceinte de la vallée de la Marmande s’écarte du modèle - a été construite dans des endroits très isolés.

chatelus1 

Nous avions donc proposé un schéma de lecture très éloigné de l’interprétation antique habituelle. Ces forteresses de terre, dont le Tureau de Chatelus est la mieux conservée, pourraient avoir accueilli des populations forestières échappant au pouvoir féodal et demeurées libres même après le gain d’influence des grandes maisons chevaleresques comme Bourbon, Charenton ou Culan à partir du milieu XIe siècle. Cette occupation pourrait s’être prolongée jusqu’à une date assez proche (XIIIe siècle, époque où s’achève le maillage féodal du territoire et où disparaissent les derniers alleux), ce qui expliquerait la fraîcheur du toponyme, assez peu déformé.

Il resterait à savoir s’il existe un lien entre ces fortifications primitives et les forteresses atypiques des Grands-fossés (une sorte de motte évidée), isolée sur la commune de Saulzais-le-Potier et du bois de la Suchère, sur la commune voisine de La Celette (18), où une petite enceinte joue le rôle de résidence seigneuriale dans le prolongement d’une basse-cour. Aucun nom particulier de parcelle n’est attaché à ces deux lieux.

En conclusion, il semble bien qu’une forme de fortification médiévale assez méconnue soit à ajouter au catalogue déjà bien fourni des forteresses de terre et de bois, comprenant en particulier les mottes castrales et les vestiges de maisons-fortes. La précarité matérielle des populations qu’elles pourraient avoir accueilli,explication plausible à l’absence de vestiges archéologiques significatifs dans les sondages effectués à Meaulnes et à Saulzais-le-Potier, serait un argument supplémentaire au crédit de leur origine médiévale.

chatelus2 

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28 juillet 2009 2 28 /07 /juillet /2009 09:53


Deux vestiges médiévaux majeurs sont à découvrir dans le village de Saint-Désiré, dans le nord-ouest de l’Allier: une très belle église romane, sur laquelle nous nous étendrons plus complètement dans un article à venir, et l’une des plus grosses mottes castrales qu’il nous ait été donné d’observer dans les cantons du centre de la France. Accusant un dénivelé presque vertical au nord, le terrassement défensif décline lentement vers le sud jusqu’aux murs de l’église paroissiale, bâtie très certainement à l’emplacement de la chapelle castrale primitive. 

 

Les vues aériennes verticales montrent que la motte était accolée à un vaste espace circulaire délimitant l’ancienne ville, séparée de la campagne par un dispositif défensif quelconque, fossé, palissade ou haie, seule l’archéologie pouvant nous renseigner sur la question.

Ce qui est étonnant, dans le cas de Saint-Désiré, c’est que la bourgade actuelle est moins étendue que l’ancienne ville. En général, on retrouve la forme de l’ancienne cité par la forme circulaire des rues des centre-villes, l’urbanisation ayant progressé bien au delà des anciens remparts. Dans le cas de Saint-Désiré, on distingue des parties libres de toute construction dans le périmètre urbain. Deux explications peuvent être avancées: soit l’enceinte primitive incluait des surfaces agricoles (champs, vignes, lieux de parcage d’animaux), soit Saint-Désiré a connu un déclin depuis l’époque médiévale.

L’hypothèse d’une stagnation de la ville peut s’appuyer sur plusieurs indices. Tout le patrimoine bâti est récent, et on ne trouve à Saint-Désiré aucune maison de tradition médiévale, comme si la place n’avait pas connu d’essort économique. La motte ne semble pas avoir porté les fondations d’un château de pierre et les féodaux qui portent le surnom de Saint-Désiré à partir du milieu du XIIe siècle ne sont parés d’aucun titre chevaleresque dépassant le grade de domicellus, alors que les premières générations de chevaliers connus sur place, à l’époque de la construction du château sur motte, avaient joué un rôle actif dans le redémarrage du prieuré dionysien voisin de la Chapelaude, s’y faisant prieur ou moines en plus des donations pieuses accordées à la communauté monastique.

 

Comment expliquer que Saint-Désiré, qui possédait les atouts nécessaires pour évoluer comme plusieurs de ses voisines, n’ai pas dépassé les limites de son terroir primitif? Si on se base sur le contexte macro-économique du premier âge féodal, on observe que cette seigneurie s’est trouvée entourée d’entités économiques et politiques prospères comme Culan, Vesdun, la Roche-Guillebaud, Huriel et Montluçon. Dans une région aux sols assez ingrats et aux ressources humaines limitées, il est possible que Saint-Désiré n’ait pas trouvé la substance nécessaire à son expansion, et soit restée plus un lieu porteur de pouvoir spirituel -la ville était le siège d’un archidiaconné- que temporel.

Il demeure que l’étude d’un tel lieu montre qu’il serait imprudent de généraliser certaines situations d’apparence exemplaires, et que l’évolution d’une vaste région comme le Berry et son futur voisin bourbonnais connaissait, déjà à la période médiévale, des contrastes importants.

 

L'église vue du sommet de la motte 

 
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