La région de Montluçon possède un des rares témoignages encore presque intact d’une étape essentielle des arts militaires du premier âge féodal: le passage des donjons de bois aux premiers donjons de pierre. Le destin des donjons de bois juchés sur leurs mottes castrales a été très différents d’une seigneurie à l’autre. Rapidement devenues obsolètes face à la solidité éprouvée des constructions de pierre, les tours de bois, élevées par les premières familles dominant la région au XIe siècle, ont laissé la place à de nouvelles forteresses. Dans certains cas, la féodalité a abandonné les anciennes mottes pour construire des châteaux beaucoup plus vastes sur un autre emplacement, comme à Châteaumeillant ou à Bois-Sir-Amé, dans le Cher. Parfois, le terrassement castral a servi de soubassement à un grand donjon circulaire commandant une ville forte ou une forteresse, comme à Cluis dans l’Indre, Bourbon dans l’Allier ou encore Dun-sur-Auron dans le Cher. Dans de plus rares circonstances, dès le XIIe siècle, les chevaliers ont passé commande de grands donjons carrés, imitant la forme des anciennes tours de bois, pour remplacer les fortins hérités de leurs aïeux. La plupart ont été détruits (Le Châtelet, Drevant, Lignières...), ce qui rend encore plus précieuse la fortification d’Huriel. Haute de plusieurs étages, elle présente encore une partie de son aspect primitif, c’est à savoir de hauts murs seulement percés de petites ouvertures destinées à l’archerie.
Plus tard, un propriétaire a fait ouvrir de grandes croisées à meneaux pour faire rentrer le lumière, mais l’ensemble demeure très impressionnant. A la façon des tours de bois, l’accès se faisait par une petite porte ouverte en hauteur. Les seigneurs d’Huriel, nommes Humbaud ou Audebert, selon que ça soit l’aîné ou le cadet qui héritait de son père, sont bien connus grâce aux textes naguère conservés dans le cartulaire du prieuré bénédictin voisin de la Chapelle-Aude, ou Chapelaude. La rareté et l’unité de l’ensemble expliquent ma vive contrariété en découvrant, voici quelques semaines, que des bennes de remblais étaient en train d’être déversées dans ce qui reste des fossés de l’ancienne motte, comme si la municipalité avait décidé de les combler. Il ne s’agissait peut-être que d’un stockage provisoire de matériaux destinés à un autre usage que le remblais, mais ce genre de manœuvre dans un milieu aussi fragile que des restes de défenses du XIe siècle a toujours le don de me faire bondir. Si un lecteur ou une lectrice avait l’occasion de passer voir sur place où en est le chantier et pouvait nous renseigner par le canal de la rubrique “commentaires” au bas de cet article, il ou elle m’aiderait à dissiper mes craintes ou, au contraire, à les confirmer.