C’est à nouveau un monument bien peu spectaculaire que je vous convie à redécouvrir, mais qui occupe une position stratégique assez remarquable. Situé au nord-est de Montluçon, le petit château du Thizon n’attire le regard que des spécialistes de la période. Envahies par des constructions récentes implantées sans aucun respect pour l’ancienneté du site, éventrées par une ruelle, les ruines de l’ancienne forteresse sont peu lisibles sans un examen approfondi du site. On reconnaît la base d’une grosse tour, l’assise d’une cour intérieure, et des murs de défense qui témoignent de la qualité militaire de cette ancienne place.
Si les vestiges méritent à peine qu’on s’y arrête, l’environnement général, topographique et historique, est d’une toute autre qualité.
Le château du Thizon est construit au centre d’une vallée encaissée, bien marquée dans le paysage, vaste échancrure dans la muraille presque monolithique du plateau primaire que longe le Cher sur des dizaines de kilomètres. Ses murs dominent le lit du ruisseau éponyme qui assure une défense naturelle de tout le flanc nord du site. Si on cherche à faire abstraction des constructions modernes implantées dans les alentours du Thizon, on devine sans difficulté l’intérêt stratégique et économique que pouvait représenter la vallée qu’occupe le château, lien naturel entre la vallée du Cher, occupée de longue date, et les domaines de la seigneurie de Bourbon. C’est d’ailleurs dans un acte rédigé par la volonté d’Archambaud, dit le Jeune, qu’on trouve vers 1170 la plus ancienne mention connue de l’existence d’un chevalier résidant au Thizon. Par cet acte, le seigneur de Bourbon dote le prieuré de la Chapelaude de terres proches d’Estivareilles, à quelques kilomètres de là. Il n’est pas indifférent que relever que l’acte cite deux féodaux particuliers: le seigneur de Charenton, qui tient tout le nord de la vallée du Cher et le viguier d’Hérisson, forteresse des Bourbon verrouillant la profonde vallée de l’Aumance, autre axe de pénétration vers le cœur de leurs domaines.
Cette comparaison permet de mieux apprécier la vocation stratégique du château du Thizon, pièce isolée d’un vaste système défensif chargé de contrôler la circulation des biens et des hommes, parfois belliqueux, entre une vallée charnière entre plusieurs régions politiques, religieuses et économiques et le grand ensemble territorial sur lequel Bourbon avait assis son influence.
Il est bien dommage que le Temps n’ait pas plus épargné cette petite place-forte dont rien ne semble permettre de stopper la lente dégradation. Le commentaire final reviendra à un habitant, rencontré dans la rue “du château”, au pied des ancien murs et qui concluait en ces termes: “Bof, tout ça, c’est plus qu’un tas de pierres...”.