Deux vestiges médiévaux majeurs sont à découvrir dans le village de Saint-Désiré, dans le nord-ouest de l’Allier: une très belle église romane, sur laquelle nous nous étendrons plus complètement dans un article à venir, et l’une des plus grosses mottes castrales qu’il nous ait été donné d’observer dans les cantons du centre de la France. Accusant un dénivelé presque vertical au nord, le terrassement défensif décline lentement vers le sud jusqu’aux murs de l’église paroissiale, bâtie très certainement à l’emplacement de la chapelle castrale primitive.
Les vues aériennes verticales montrent que la motte était accolée à un vaste espace circulaire délimitant l’ancienne ville, séparée de la campagne par un dispositif défensif quelconque, fossé, palissade ou haie, seule l’archéologie pouvant nous renseigner sur la question.
Ce qui est étonnant, dans le cas de Saint-Désiré, c’est que la bourgade actuelle est moins étendue que l’ancienne ville. En général, on retrouve la forme de l’ancienne cité par la forme circulaire des rues des centre-villes, l’urbanisation ayant progressé bien au delà des anciens remparts. Dans le cas de Saint-Désiré, on distingue des parties libres de toute construction dans le périmètre urbain. Deux explications peuvent être avancées: soit l’enceinte primitive incluait des surfaces agricoles (champs, vignes, lieux de parcage d’animaux), soit Saint-Désiré a connu un déclin depuis l’époque médiévale.
L’hypothèse d’une stagnation de la ville peut s’appuyer sur plusieurs indices. Tout le patrimoine bâti est récent, et on ne trouve à Saint-Désiré aucune maison de tradition médiévale, comme si la place n’avait pas connu d’essort économique. La motte ne semble pas avoir porté les fondations d’un château de pierre et les féodaux qui portent le surnom de Saint-Désiré à partir du milieu du XIIe siècle ne sont parés d’aucun titre chevaleresque dépassant le grade de domicellus, alors que les premières générations de chevaliers connus sur place, à l’époque de la construction du château sur motte, avaient joué un rôle actif dans le redémarrage du prieuré dionysien voisin de la Chapelaude, s’y faisant prieur ou moines en plus des donations pieuses accordées à la communauté monastique.
Comment expliquer que Saint-Désiré, qui possédait les atouts nécessaires pour évoluer comme plusieurs de ses voisines, n’ai pas dépassé les limites de son terroir primitif? Si on se base sur le contexte macro-économique du premier âge féodal, on observe que cette seigneurie s’est trouvée entourée d’entités économiques et politiques prospères comme Culan, Vesdun, la Roche-Guillebaud, Huriel et Montluçon. Dans une région aux sols assez ingrats et aux ressources humaines limitées, il est possible que Saint-Désiré n’ait pas trouvé la substance nécessaire à son expansion, et soit restée plus un lieu porteur de pouvoir spirituel -la ville était le siège d’un archidiaconné- que temporel.
Il demeure que l’étude d’un tel lieu montre qu’il serait imprudent de généraliser certaines situations d’apparence exemplaires, et que l’évolution d’une vaste région comme le Berry et son futur voisin bourbonnais connaissait, déjà à la période médiévale, des contrastes importants.