Voici plusieurs mois, nous avions fait le récit des tragiques événements de Saint-Germain-des-Bois, près de Levet, dans le Cher, lorsque des moines cisterciens de Noirlac avaient, avec leur abbé à leur tête, tué un curé de campagne et agressé un officier du roi.
Les faits relatés ici ne sont pas aussi dramatiques que l’affaire de Saint-Germain, mais s’inscrivent néanmoins dans le registre d’une violence monastique contre laquelle la justice royale a réagit en ordonnant le procès des responsables et leur condamnation à de lourdes sanctions financières.
C’est, d’ailleurs, un problème d’argent qui est au cœur de la querelle qui éclate à la Berthenoux, dans l’actuel département de l’Indre, en 1308 et, comme à Saint-Germain-des-Bois l’année précédente, la perception des dîmes conduit à un affrontement entre deux communautés religieuses. Cet impôt, destiné à la vie du clergé et à l’entretien de son patrimoine, pouvait avoir de multiples bénéficiaires, pas toujours locaux, en fonction de très anciens accords ou restitutions de droits spoliés par des laïcs. Ainsi, à La Berthenoux, les clunisiens de l’abbaye de Massay possédaient un prieuré qui leur donnait droit à au moins une part des dîmes prélevées dans cette paroisse. Des menaces avaient-elles déjà été formulées contre ces religieux qui se firent assister par la justice du roi? On pourrait être tenté de le supposer car étaient présents au moment des faits le procureur de l’abbaye de Massay, le prieur de la Berthenoux, le curé du village et deux sergents royaux. Le renfort des sergents ne suffit pas arrêter une bande moines de la grande abbaye de Déols, qui possédait de nombreux prieurés dans la région, armés d’épées, de massues et de bâtons, qui se ruèrent sur le petit groupe. Le chapelain de la Berthenoux fut roué de coups jusqu’au sang et l’un des sergents fut empoigné par les agresseurs qui lui crachèrent au visage et le forcèrent à s’incliner jusqu’au cou de son cheval. La défiance des religieux de Déols alla jusqu’à prononcer des menaces envers le roi, ce qui, avec le sort réservé au sergent, pouvait être qualifié de crime lèse-majesté.
La justice royale ne tarda pas à se prononcer sur cette agression. Le souverain réclama à l’abbaye de Déols 500 livres pour lui, 50 pour le chapelain et 20 pour le sergent. Cette condamnation n’empêcha pas, quelques temps plus tard, un nouvel incident. Des moines en armes dérobèrent le produit de la dîme récoltée par Massay -sans doute sous forme de céréales- et mise sous la sauvegarde du roi par un des sergents.
Peut-être peut-on voir derrière ces deux affaires, celle de Saint-Germain et celle de La Berthenoux, le symptôme du début de la longue crise du XIVe siècle, qui commença par une succession de mauvaises récoltes et qui évolua vers une épidémie de peste, des révoltes populaires et qui fut aggravée par le début de la Guerre de 100 ans. Une diminution du revenu des abbayes peut expliquer les tensions constatées en Berry à cette époque.
© Olivier Trotignon 2010