La petite chapelle gothique de Saint-Sylvain, sur la commune de la Celle-Bruère, dans le département du Cher est peut-être le monument régional sur lequel on m’a posé le plus de questions depuis deux décennies tant sa réputation auprès d’une certaine frange de la population qui raffole d’histoires de messes noires et de monstres nocturnes de diverses natures est solidement établie.
A l’origine, la chapelle de Saint-Sylvain est presque transparente dans la documentation médiévale. Bâtie à la fin du Moyen-âge pour abriter une relique de son saint éponyme, Saint-Sylvain devient un lieu de pèlerinage qui se déroule autour du prétendu tombeau de saint Sylvain. Ce joli tombeau-reliquaire malheureusement dégradé à la Révolution demeure visible sur place jusqu’à la fin du XIXe siècle, époque à laquelle la chapelle, menaçant ruine, interpelle l’historien Buhot de Kersers, qui appelle de ses vœux le sauvetage du monument. La décrépitude de l’endroit incite à déménager le tombeau pour le déposer dans l’église paroissiale de la Celle, où il peut être étudié aujourd’hui.
La restauration partielle de la chapelle, entreprise par son propriétaire, permet, il y a quelques années, de mettre le bâtiment hors d’eau et de ne pas lui faire subir le triste sort du prieuré de Souage, à quelques kilomètres de là.
L’histoire pourrait s’arrêter la simple évocation d’un petit patrimoine religieux pouvant intéresser les érudits et les curieux s’il n’y avait eu ces corps de ferme, délaissés comme tant d’autres, voisins de la chapelle, qui ont été confondus dans l’imaginaire de beaucoup de gens avec un village abandonné. Les rumeurs ont fait leur chemin et Saint-Sylvain est devenu pour nombre de fêtards un lieu où apparaîtraient pêle-mêle la “Dame blanche”, des revenants et autres entités ectoplasmiques. Tout ce salmigondis de superstitions a contribué à la détérioration du site par malveillance ou par ignorance, et les dégradations constatées sur place, de même nature que celles qu’on déplore à Bléron, ont motivé une interdiction d’accès au site, regrettable pour l’historien de l’Art, mais dont on ne peut blâmer le propriétaire. Les photos qui illustrent cet article sont des vieilles diapositives prises lorsque le site était encore accessible, et scannées pour l’occasion.
Il est très difficile d’évaluer depuis la fin du XVe siècle la fréquentation de ce lieu, complémentaire de l’église Saint-Sylvain de Levroux, connu des pèlerins pour procurer un soulagement contre le “feu de saint Sylvain”, sorte d’érysipéle contre lequel la médecine avait alors peu de remèdes à proposer. Depuis, Saint-Sylvain est victime de sa mauvaise réputation désolante pour des esprits cartésiens et c’est à nous tous, curieux du Patrimoine ou historiens confirmés, de contribuer, en combattant ce flot d’inepties, à la sauvegarde de ce petit monument.