Constatant un nombre élevé de recherches d’informations sur l’ancienne forteresse de Montrond, sise à Saint-Amand-Montrond, dans le sud du Cher, il m’a semblé intéressant de remonter quelques années en arrière et de publier le contenu du rapport de fouilles que j’avais produit en 1982 à la suite d’une campagne de fouilles menée au pied de la ruine de l’ancien donjon médiéval, et qui reste à ma connaissance le seul écrit permettant d’esquisser l’évolution de cet ouvrage au cours des trois premiers siècles de son existence.
Historique
La campagne de fouilles a été conduite du 01 juillet au 03 août 1982, après l’autorisation délivrée par M. Ferdière, directeur des Antiquités historiques en région Centre. Le périmètre étudié a été choisi suite à un carottage manuel exécuté en avril 1982 grâce au matériel prêté par l’équipe de recherches sur le tracé de la future autoroute A 71. Une couche archéologique prometteuse avait été détectée dans un secteur recouvert au XIXe siècle par un remblais stérile décapé en 1979.
Occupation préhistorique
Le substratum calcaire recelait quelques lambeaux de terre rouge contenant quelques fragments de silex taillés. Il s’agissait probablement des derniers restes d’un habitat préhistorique complètement décapé par les bâtisseurs du XIIIe siècle. Avec quelques découvertes fortuites d’armatures de flèches dans les allées du parc, il s’agit là d’une preuve de l’occupation de la butte de Montrond par les populations préhistoriques, probablement au néolithique.
L’évolution du donjon
Le donjon était la pièce-maîtresse de la première forteresse bâtie sur les ordres de Renaud, seigneur de Montfaucon et Charenton. Comme dans d’autres châteaux de la région (Culan, Huriel, la Roche-Guillebaud...) la construction d’un donjon est entreprise lorsqu’un chevalier passe du grade de miles à celui de dominus. Renaud de Montfaucon, devenu seigneur de Charenton par mariage avec l’héritière de la vieille lignée des Ebe des Charenton, marque peut-être par cette initiative le symbole de son nouveau pouvoir. Après déblaiement du substrat calcaire dont la solidité assure l’inutilité d’une fondation, une couche de sable roux recouverte de gravier et remblais damés est épandue jusqu’à hauteur du premier rang de pierre de la tour. On pense bien entendu à un sol de travail permettant aux ouvriers de circuler sur un plan horizontal et d’y stabiliser leurs échafaudages. Cette couche était presque complètement stérile. Du XIIIe au XVe siècle, la zone fouillée se transforme en dépotoir classique (monnaies, céramiques, os de cuisine, charbons de bois, petits objets métalliques). C’est au dessus de ce dépotoir que se trouvait une couche très intéressante car témoignant d’une rénovation du donjon, probablement contemporaine de l’agrandissement du château primitif par la famille d’Albret. On y a relevé entre autres des fragments d’enduits intérieurs, de foyers ou de cheminées, des moulures brisées et surtout ce niveau se terminait par une forte concentration de clous de charpente ou de bardeaux de bois mélangés à des morceaux de tuile, preuve d’un remaniement de la toiture du donjon à la fin du Moyen-âge, passant du bardeau à la tuile (aucune trace en effet d’un dépotoir de démolition où on aurait pu s’attendre à trouver les tuiles d’un couverture primitive). L’absence de tuile dans les niveaux plus profonds peut confirmer le choix d’un bardage de bois au moment de la construction du donjon.
Conclusion
On se prend à regretter la disparition d’un énorme ouvrage féodal en plein Saint-Amand (certaines sources modernes évaluent la hauteur de la grosse tour à une quarantaine de mètres) dont la valeur symbolique pour Renaud de Montfaucon était au moins égale à la valeur défensive. Transformé en carrière de pierres de taille par la population locale, l’ouvrage a été tellement pillé qu’au moment du déblaiement de son assise, seuls une petite partie du parement intérieur et quelques fragments du parement extérieur étaient encore exploitables pour le calcul des mensurations de l’édifice. Malheureusement, seule la photographie aérienne peut aujourd’hui donner une juste mesure de ce que fut à l’époque féodale l’énorme donjon de Montrond.
Petit clin d’œil à tous les bénévoles qui ont participé à la campagne de fouilles 1982 -qui fut la dernière pour moi sur ce site- et un grand merci pour leur dévouement et leur patience. Venus d’Angleterre, des USA, de Finlande, de Turquie et du Ghana prêter main forte à l’équipe, leur courage et leur bonne humeur reste pour nous un souvenir impérissable.