sceau de l'archevêque Guillaume (non coté)
Le mois dernier, nous nous penchions sur le cas de cette étrange pyramide qui a abrité, plusieurs siècles durant, dans la chapelle prieurale du prieuré fontevriste d'Orsan, la relique du cœur du bienheureux Robert d'Arbrissel. La description de cet ouvrage nous avait été faite, au XVIIe siècle, par un religieux de Fontevraud venu visiter le petit monastère berrichon. En plus des multiples détails relatifs au réaménagement du reliquaire monumental, ce prêtre livre des informations très intéressantes sur une des deux tombes visibles au sol de la chapelle, tout aussi anciennes que la pyramide.
La première, qui ne semble pas avoir été ouverte, était celle du chevalier Adalard Guillebaud, seigneur de Châteaumeillant, donateur de la terre où fut élevé Orsan. Cet homme, très présent dans les archives régionales, a tenu pour les seigneurs de Déols plusieurs places-fortes importantes, en particulier Saint-Chartier et Le Châtelet. Marié à la veuve d'un des seigneurs de Bourbon, il est connu pour avoir fait appel au roi Louis VI afin de protéger la succession du chevalier défunt contre les prétentions de son cadet, Aymon dit Vaire-Vache. La majorité des chroniqueurs qui ont écrit sur la fondation d'Orsan ne semblent pas s'être préoccupés de lire un minimum les chartes berrichonnes et ont recopié sans aucune lecture critique le nom d' « Alard », et non Adalard Guillebaud, comme donateur initial des terres sur lesquelles le bienheureux Robert établit la communauté de ses disciples. Mes recherches anthroponymiques n'ont trouvé aucune trace de ce prétendu Alard.
Usée par des siècles de piétinements sur le sol de la chapelle, l'épitaphe d'Adalard était certainement devenue presque illisible, raison pour laquelle le visiteur de Fontevraud commet aussi l'erreur dans son compte-rendu des travaux d'embellissement du cénotaphe de dom Robert. Il n'est fait aucune allusion à cette tombe dans le mémoire du religieux fontevriste, ce qui laisse entendre que nul n'a cherché à l'ouvrir ou la déplacer, ce qui n'est pas le cas de celle de son voisin, l'archevêque Léger, inhumé vers 1120.
Jugée « indécente », la -provisoirement- dernière demeure de l'ancien prélat berruyer ne correspond pas aux codes esthétiques dominants en cette année 1635. Ce qui choque le visiteur est sa simplicité et son absence d'ornements. Sur la pierre tombale ne sont visibles que ces quelques mots:
Leodegarii Bituricensis archiepiscopi beati Roberti familaris sepulchrum
presque effacés par le temps.
Décision est alors prise de relever la sépulture pour la replacer en l'exposant aux regards de manière plus favorable et de l'orner selon le goût du temps, plus porté sur le foisonnement baroque que sur l'humilité de l'époque des croisades. Faisant litière de la volonté de Léger de se faire inhumer dans une extrême simplicité -tombe au niveau du sol foulée au pieds par les fidèles, à l'imitation de celle de Robert d'Arbrissel dans la priorale de Fontevraud- le prêtre délégué pour visiter Orsan soustrait quelques ossements -on ignore la raison de ce geste- et retire les objets déposés dans le tombeau, à savoir:
-son anneau d'or garni d'une pierre,
-son cachet ou sceau de cuivre où il est gravé assis tenant d'une main sa crosse et de l'autre un livre et tout autour cette inscription sigillum Leodegarii primatiae Aquitaniae,
-sa crosse de bois avec un cercle d'or ciselé « fort artissement ».
Ces ornements sont encore conservés par le prieuré au début du siècle suivant, mais ont disparu aujourd’hui.
On peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé un personnage aussi important qu’un archevêque primat d’Aquitaine à choisir un modeste prieuré rural comme lieu de sépulture. Les sources contemporaines relatent un lien d’amitié très étroit entre Robert et Léger. Celui-ci aurait lui-même accompagné la dépouille embaumée du vieux moine jusqu’à Fontevraud.
Rappelons qu’un autre prélat berruyer, Richard, repose aussi dans un monastère hors les murs de Bourges : son gisant est visible dans la crypte de l’abbatiale de Plaimpied, dans le Cher.
© Olivier Trotignon 2022
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