En septembre 2019, le musée de Cluny a prêté pour un an au musée de l’hospice Saint-Roch d’Issoudun, dans l’Indre deux pièces extraites de ses riches collections. Il s’agit d’un ensemble exceptionnel de deux châsses ayant appartenu jusqu’à la Révolution à la grande abbaye cistercienne de la Prée, dans la vallée de l’Arnon. Ces deux reliquaires contenaient les restes aujourd’hui disparus de sainte Fauste, sainte fort peu connue dans la région. Produits par les ateliers limousins qui excellaient en matière d’émaillage sur âme de cuivre, ces objets comptent parmi les plus beaux témoignages de cet art si particulier encore visibles dans les collections publiques nationales.
Exposées côte-à-côte dans un coffre transparent éclairé avec beaucoup de justesse, ces châsses se découvrent sous presque tous les angles, et bénéficient d’un guide très complet offert aux visiteurs qui donne une foule de détails sur leur parcours et l’identité des deux saints dont elles accueillaient les ossements.
Il n’est bien entendu pas question pour moi de piller ce document. J’attirerai en revanche votre attention sur une observation personnelle qui vient compléter plusieurs constatations faites au cours de mes recherches sur les abbayes berrichonnes, cisterciennes ou non.
Ces reliquaires, pourtant authentiques et clairement identifiés, ne cadrent pas avec l’image encore trop souvent promue d’un ordre cistercien détaché de toutes contingences iconographiques. On trouve encore affirmé le dogme d’un ordre religieux voué à la pauvreté, rejetant les couleurs et les images comme distrayantes de la prière et fermé sur lui même. Cette thèse peut-elle être encore soutenue lorsqu’on observe la présence de ces châsses dans le patrimoine de la Prée ? Dès la fin du XIIe siècle, les premiers gisants, dont certains féminins, font leur apparition dans la nef de Noirlac, puis à Fontmorigny, Loroy et probablement au Landais et aux Pierres. A la fin du Moyen-âge, Fontmorigny et Loroy sont des lieux de pèlerinages pour les populations locales.
Ceci signifie t-il que les Cisterciens berrichons ont été une entité déviante ? Nullement, juste que ces religieux ont évolué avec leur temps, et ne sont pas restés figés dans une posture de manuel scolaire.