Une expression populaire trouve probablement son origine dans l’histoire du Berry du Sud, ou plus précisément du Bourbonnais, si on est attentif à la chronologie. Le terme « mouron » est l’homonyme du nom d’une plante sauvage qui prospère dans certains potagers. Elle était redoutée par les cuniculiculteurs car réputée être un poison pour les lapins de clapier, qu’on nourrissait de toutes sortes d’herbes glanées dans les jardins. Pour certains, c’est dans cette menace que se trouve l’origine étymologique du mouron, synonyme de menace, de danger sournois.
Une autre piste avait été proposée par un de mes vieux professeurs d’archéologie qui développait une thèse curieuse. Rompu à tout ce qui concernait l’histoire de la vallée du Cher, il affirmait que la plante n’y était pour rien dans l’affaire, mais qu’il fallait aller chercher dans un épisode tourmenté de cette partie de l’ancien Bourbonnais : le siège de la forteresse médiévale de Montrond (1751-1752).
Il est vrai que cette guerre locale vit s’affronter une garnison défendant la très belle et puissante place de Montrond et une armée de siège diligentée par la monarchie, l’objectif étant de réduire cette grande citadelle appartenant au prince de Condé, meneur de la Fronde. Servie par une forte artillerie et des arsenaux bien garnis, la troupe défendant le château parvint à tenir près de onze mois avant de capituler, vaincue par la faim. La durée du siège n’ayant pas tardé à inquiéter les capitaines aux ordres de Louis XIV, ceux-ci auraient commencé à « se faire du Montrond », devenu, à force d’embuches linguistiques, à « se faire du mouron » sur l’issue incertaine de leur entreprise.
La solution est peut-être encore plus simple que le pensait mon regretté maître. En effet, se trouve aux Archives départementales du Cher des comptes de l’abbaye de Noirlac, monastère cistercien proche de Saint-Amand et donc de Montrond. Dans un inventaire de 1724 se trouve la formule suivante : « rente de mouron », en référence à des droits perçus par les religieux sur les seigneuries d’Orval et de Montrond. Cette orthographe légèrement postérieure au siège accréditerait l’origine locale de cette vieille expression.
© Olivier Trotignon 2020