Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 15:23

Les amateurs de patrimoine militaire médiéval connaissent bien le petit château de la Roche-Guillebaud, sur la haute vallée de l’Arnon, au contact entre les départements de l’Allier et du Cher. Cette forteresse doit sa modeste notoriété à sa situation sur un sentier de grande randonnée et à la présence, toute proche, de la base de loisirs de Sidiailles. Que ses murs aient vu se présenter sous leurs archères l’ost du roi Philippe Auguste ajoute une touche épique au charme que dégage le site, baigné par un lac artificiel depuis une bonne quarantaine d’années.

Ce ne sont ni son passé ni les approximations des inconditionnels de George Sand qui y ont situé le cadre du roman « Maupras », déjà détaillés dans des billets plus anciens qui ont, cette fois, attiré mon attention, mais plutôt cette marée végétale qui étouffe le site d’années en années et qui l’englue dans un paysage forestier en le soustrayant à la vue des visiteurs.

 

Pour mesurer le phénomène, il est utile de rechercher quelques anciens clichés de la Roche, telle que les photographes du début du XXe siècle ont pu en fixer l’aspect sur les plaques de verre de leurs appareils. Les sites d’échange et de négoce de cartes postales anciennes nous fournissent un matériel d’étude irremplaçable. Les photographies les plus claires ne sont pas forcément les plus utiles.

 

On est, d’emblée, saisi par ce contraste : avant le premier conflit mondial, le site de la Roche trônait au cœur d’une lande faiblement boisée. Le château apparaît sous des angles de vue aujourd’hui impossibles à reproduire, même lorsque l’étiage du lac, qui noie en temps ordinaires le socle du donjon, est très bas. Un fort dépôt alluvionnaire accumulé depuis la rétention des eaux de l’Arnon par le barrage modifie la topographie de ce segment de la vallée.

 

 

Les ruines ont continué à se dégrader. Un gros massif de maçonnerie, souvenir d’une souche de cheminée, bien visible sur les plus anciennes photographies, est aujourd’hui écroulé. Une carte postale d’assez médiocre qualité, postée en 1933, montre que l’effondrement de cette structure qui permettait d’apprécier la hauteur primitive minimale du donjon date du premier tiers du siècle passé. On note en même temps que la végétation commence à envahir le fossé naturel qui séparait la roche du plateau et à dissimuler les piliers - aujourd’hui presque invisibles - du pont-levis.

 

 

Ce retour d’une nature qui ne doit pas être bien différente de celle que les chevaliers fondateurs de la seigneurie de la Roche-Guillebaud ont eu à réduire pour assurer la sécurité de leur place forte trouve plusieurs explications.

 

 

La première est à aller chercher sur les monuments aux morts des petites communes mitoyennes de la retenue de Sidiailles. Très nombreux sont les hommes qui ne sont pas revenus de la Grande guerre. A quelques kilomètres, la bourgade de Saint-Désiré a même eu le douloureux privilège de se voir doter par la République d’un obusier de 77 allemand, honneur réservé aux villages ayant perdu vraiment beaucoup des leurs. Toute la région a été cruellement impactée par la guerre, et chaque soldat tombé au feu a précipité le déclin d’une petite économie rurale qui avait besoin de bois pour se chauffer, d’écorces pour ses tanneurs, de buissons pour ses chèvres et ses moutons.

Plus proche de nous, le choix du site de Sidiailles pour bâtir une retenue destinée à alimenter en eau une partie du département a accéléré le phénomène de reforestation du site. La végétation est un excellent barrage contre des intrants indésirables générés par l’agriculture. Le bénéfice visuel favorisant les activités de loisirs a fait le reste.

 

 

Je sais que ces lignes ne sont qu’incantatoires et qu’il serait bien étonnant, en cette période de réduction des budgets, que quelqu’un voit dans le château de la Roche-Guillebaud une priorité mais il est toujours triste, pour l’historien que je suis, de suivre d’années en années la lente disparition d’un patrimoine public témoin d’une histoire qu’il s’efforce de mettre en valeur.

 

© Olivier Trotignon 2018

Partager cet article
Repost0

commentaires

J
Merci pour ce nouvel article sur la Roche-Guillebaud. Je confirme que le château se situe sur la rive de l'Arnon côté Allier, sur la commune de St Eloy d'Allier. Effectivement, si le site est mieux mis en valeur depuis quelques années (sentier de randonnée, aménagement d'un point panoramique avec panneau d'explications), l'état des ruines est bien préoccupant. Le manque d'entretien est surtout dû aux difficultés d'accès (soit par bateau, soit en escaladant le rocher côté piles du pont (possible grâce à des racines d'arbres qui permettent l'ascension mais fort dangereux !)). Les deux piles avaient été consolidées par les Amis de Montluçon il y a une quarantaine d'années (peut-être à la suite de la publication d'une étude de Michel Guillemain sur le château dans un bulletin de cette société en 1968 ?) mais il n'y a pas eu d'autres tentatives de restauration (ou de cristallisation) des ruines. Espérons que vos articles et les opérations de découverte du site (ex. visites commentées lors des Journées du Patrimoine) permettront d'envisager un avenir plus radieux pour la Roche-Guillebaud !
Répondre
J
Même impression, très bien exprimée par votre commentaire, triste fin pour ce château, même s'il est en ruine depuis longtemps. Il est dans l'Allier, très proche de la limite, mais appartient peut être au département du Cher ?, si celui-ci est propriétaire de la totalité du plan d'eau. A noter que le site est classé au titre de la loi de 1930, pour le paysage, depuis 1981, peu après la création de la retenue, afin d'éviter des constructions inutiles (pavillon proche du château).
Répondre
O
Il me semble, mais, faute de certitudes, j'ai préféré rester vague sur ce point, que la Roche appartient bien au département du Cher.
S
Un site qui me serait resté inconnu sans cet article! Nombreux sont hélas ce châteaux qui ont disparu, ou sont sur cette voie: Baugy, Cuffy, Montenoison, Hubans (58 Grenois), et j'en passe... A très bientôt à Vesvre pour votre conférence; vous y serez sans nul doute assailli de questions...
Répondre
O
Je saurai me défendre! A bientôt à Vesvre.

Présentation

  • : Moyen-âge en Berry
  • : Rédigé et illustré par un chercheur en histoire médiévale, ce blog a pour ambition de mieux faire connaître l'histoire et le patrimoine médiéval du Berry, dans le centre de la France.
  • Contact

géographie des visiteurs




A ce jour, cette espace a été visité
180102 fois.

405350 pages ont été lues.

Merci de l'intérêt que vous portez à l'histoire de la région.




Visitor Map
Create your own visitor map!
" class="CtreTexte" height="150" width="300" />

 

Rechercher

Conférences

conférence

 

Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
- les ordres religieux en Berry au M.A.;
- la femme en Berry au M.A.;
- politique et féodalité en Berry;
- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.