C’est une question récurrente à laquelle beaucoup de chercheurs en Histoire ont eu tôt ou tard à répondre au cours de leur carrière: le Berry fut-il ou non une terre de sorciers?
La région porte en effet le lourd fardeau de passer pour un lieu où le Diable aurait eu plus de suppôts qu’ailleurs et, le Moyen-âge apparaissant souvent dans les représentations mentales comme une période où les serviteurs des forces démoniaques auraient eu une activité débordante, il serait presque logique d’imaginer les campagnes berrichonnes médiévales comme une antichambre de l’Enfer.
Tordons donc le cou, comme le disait mon maître Jean Tricard, à une idée reçue. Les régions du Centre ne se distinguent en rien des autres territoires français dans les siècles ayant précédé la Renaissance. Même si la documentation ne peut rapporter avec fidélité la complexité et la variété des rapports humains et sociaux pendant un millénaire d’Histoire régionale, je n’ai jamais trouvé trace, ni dans les chroniques ni dans les chartes monastiques d’allusion à une quelconque activité satanique ou magique dans les limites de l’ancien archevêché berruyer. Les seules pratiques pouvant s’apparenter à la magie sont du domaine de la médecine populaire, sous forme d’empoisonnements, comme dans le cas de la dame de Bommiers, dont nous avions disserté il y a quelques semaines, ou d’activité de rebouteux, comme cette femme dénoncée par les chanoines de Saint-Sylvain de Levroux pour avoir soigné des malades atteints du feu de saint-Sylvain.
Le Diable est pourtant bien présent en Berry, mais il n’est pas révélé par des pratiques occultes. Il naît du ciseau des sculpteurs sur les portails des grands sanctuaires urbains ou de la palette des maîtres-verriers dans les vitraux de la cathédrale de Bourges. Il n’est pas séducteur, mais au contraire épouvantail pour les pêcheurs en quête de rédemption. Dans les campagnes ordinaires, la où la foi chrétienne est contrainte de s’accommoder des multiples survivances héritées d’un passé antérieur à l’évangélisation de la Gaule, il n’est même pas sûr que les ruraux aient eu la faculté de distinguer clairement l’opposition manichéenne entre le Bien et le Mal, entre Dieu et le Diable. De là à invoquer ce dernier jusqu’à en finir sur le bûcher, il y a un abîme qui a été généreusement comblé par quelques férus d’occultisme. L’historien, à mon humble avis, n’a pas à les suivre sur ce terrain approximatif.
note: le mariage de raison entre le Berry et la sorcellerie date de la grande mode de la fin des années soixante pour le paranormal quand les pistes de Nazca, le triangle des Bermudes, les Ovnis et la réincarnation des tibétains passionnaient lecteurs et téléspectateurs. La région, en pleine déprise économique, s’est repliée sur une image de terre de sorcellerie prête à consommer, au risque d’y perdre une part de son identité et de son âme.
Les grands procès de sorcellerie, en France datent plus de la Renaissance et de la Réforme que de la période précédant la chute de Constantinople et la découverte du Nouveau-monde;
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