Jean Chaumeau, historien du Berry, fit, au XVIe siècle, de la forteresse du Châtelet-en-Berry, la description suivante:
“un chasteau cloz et fermé de murailles fort hautes et enrichy de tournelles dans lequel il y a une grosse tour quarrée assise sur une haute motte, estant toute faicte de groz cartiers de pierre de taille de la hauteur de soixante et douze piedz (env. 25m.), de largeur quarante sept (soit 15 m.) et de l’espesseur de quinze piedz (5 m.) couverte de tuyle”.
On cherchera aujourd’hui en vain dans le paysage bocager trace de ce grand donjon sur motte qui dominait, il y a quelques siècles, les domaines orientaux de la seigneurie de Déols. Comme tant d’autres, le château du Châtelet a été exploité comme carrière de matériaux de construction et n’est plus que l’ombre de lui-même mais mérite, à défaut d’un détour sur un circuit touristique, toute l’attention de l’historien.
Arrêtons nous un instant sur le toponyme “Châtelet”, qui présente la particularité d’être ici attaché à une forteresse et une ville, alors qu’on le trouve en général associé à des sites fortifiés très rustiques, de taille variable, qui semblent plus correspondre à des habitats ruraux palissadés qu’à des châteaux primitifs. On émettra l’hypothèse que le lieu était occupé par un ouvrage défensif de terre et de bois avant que les Déols ne le fasse évoluer au XIe siècle en aménageant sur le sommet d’une petite colline dominant le Portefeuille une motte castrale servant d’assise à une tour carrée, probablement de bois, remplacée au XIIe siècle par le gros donjon décrit par Chaumeau et visible sur plusieurs documents iconographiques. On supposera que le reste du périmètre accueillait la basse-cour du château.
Cette forteresse s’étend, sur une période qui ne peut être déterminée que par l’archéologie sur l’ensemble de la butte, dont la hauteur très moyenne est soulignée par le creusement de très profonds fossés qui donnent à l’espace défensif un dénivelé respectable. Un rempart garni d’une dizaine de tours délimite une aire assez étendue dans laquelle s’élèvent les espaces résidentiels. Une chapelle est visible à l’emplacement de l’actuelle église moderne, à l’extérieur du complexe fortifié, occupant certainement la fonction de chapelle castrale hors les murs. Sans avoir eu le temps de prendre sur place de mesures précises, il apparaît que l’ancien château du Châtelet était plus étendu, dont potentiellement plus puissant, que ses voisins de Culan ou de Montrond, par exemple.
Qu’est-ce qui justifie la présence d’une telle fortification dans une région qui ne semble pas présenter d’enjeu stratégique ou économique majeur? On serait tenté de répondre: la géopolitique. Le Châtelet-en-Berry est en effet une possession propre des seigneurs de Déols, qui la font garder par leurs officiers, mais qui ne l’accorde jamais en fief à un de leurs vassaux locaux ni en apanage à un des leurs cadets, comme c’était le cas à Châteaumeillant. Cette forteresse se trouve située juste au centre d’un grand territoire carré délimité naturellement à l’Ouest par la vallée de la Sinaise, et au Nord et à l’Est par la vallée de l’Arnon. Aucun autre seigneur important ne possède de biens sur ce territoire, et tous les féodaux qui l’occupent rendent hommage aux Déols. Le Châtelet se trouve donc au centre d’un territoire qui sert de glacis défensif aux terres déoloises. Une première ligne de défense apparaît sur la Sinaise, avec des forteresses comme Châteaumeillant et Rezay. Une seconde ligne fortifiée par des mottes et des maisons-fortes suit le cours de l’Arnon. Le Châtelet est le symbole matériel de l’autorité des seigneurs de Déols sur cette partie du Berry du Sud. Ces seigneurs et leurs vassaux participent à la fondation et protègent le prieuré d’Orsan et le chapitre augustin de Puyferrant.
L’intérêt touristique du Châtelet.
Disons le franchement, le château du Châtelet-en-Berry ne mérite pas à lui seul le détour, mais il peut-être une étape intéressante sur un circuit de découverte des alentours incluant le prieuré d’Orsan, l’abbaye de Puyferrant, les églises de Châteaumeillant et Saint-Jeanvrin et, dans un registre plus artistique, le village de potiers des Archers où œuvrent mes amis Delmotte, céramistes et créateurs d’épis de faîtage.
Comme d’autres ruines, le Châtelet disparaît derrière la végétation du printemps à la chute des feuilles et il est difficile d’en apprécier les proportions. Le fait que le site soit vivant et accueille des jeunes pour des stages à caractère culturel et archéologique ne facilite pas l’accès à l’intérieur des remparts.