Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 avril 2009 7 19 /04 /avril /2009 10:41



Assez bien décrite dans la littérature savante régionale, la cloche médiévale de Sidiailles demeure une énigme. N’ayant jamais pu l’approcher physiquement, je dois faire une entorse à mes habitudes et piocher dans la dite littérature la description de cet objet étonnant dont l’origine n’est toujours pas éclaircie.

La cloche de Sidiailles est un objet en tous points remarquable. Conservée dans le clocher de l’église moderne du hameau, elle n’est pas accessible au public pour de légitimes raisons de sécurité. Connue pour être l’une des plus anciennes de France, elle datée par un cartouche de l’an 1239. C’est une cloche d’assez petite dimension, environ 70 cms de hauteur pour un diamètre estimé à 80 cms. D’une réalisation très soignée, elle porte une légende en latin “Mentem Sanctam Spontaneam Honorem Deo Patriae Liberationem” que d’éminents latinistes ont traduit par “La sainteté et l’indépendance pour l’esprit, la gloire à Dieu, la liberté pour la Patrie” ou par “Donne à notre âme la sainteté, à Dieu la gloire, à la Patrie la liberté”.

La cloche a migré au XIXe siècle lors de l’abandon et la démolition de l’ancienne église paroissiale de Sidiailles vers un nouvel édifice néo-gothique dans le clocher duquel elle a été replacée pour assurer sa prime fonction, mais il subsiste un doute sérieux sur sa réelle origine. En effet, Sidiailles se situe dans un secteur de faible activité économique et où la densité de population est une des plus faibles de la région, et ceci depuis la période féodale. On peine donc à imaginer cette belle cloche fondue à l’origine pour être pendue dans un lieu aussi modeste si bien que ses origines ont donné lieu à toutes sortes d’hypothèses.

La première piste, à laquelle bien peu ont prêté attention, est une origine strictement paroissiale. Comme nous venons de l’indiquer, il reste peu de cloches du XIIIe siècle en France, et on ne sait pas exactement à quoi ressemblait toutes celles qui au fil des siècles ont été fondues pour faire des pièces de monnaies, des canons ou des nouvelles cloches. Il n’est pas impossible que le modèle conservé à Sidiailles nous leurre par sa qualité et qu’il soit un objet courant pour l’époque, quelle que soit la richesse du terroir sur lequel le clocher était élevé.

La seconde piste est bien entendu celle d’une ancienne migration de la cloche, déposée dans des circonstances inconnues dans l’église de la paroisse de Sidiailles. Tout naturellement, et c’est l’hypothèse la plus souvent avancée, c’est vers l’abbaye cistercienne des Pierres, voisine de quelques kilomètres, que se tourne le regard. Les Pierres, pillée plusieurs fois à l’époque moderne, a été abandonnée à la Révolution et on peut penser qu’à cette occasion les cloches ont pu être déposées par des paroissiens fidèles aux principes de l’Ancien régime et soustraites aux réquisitions des révolutionnaires. Une autre cloche aurait été cachée à Préveranges, selon une tradition historique que je n’ai pas vérifié. A une date indéterminée, la cloche cistercienne aurait été ressortie de sa cachette et reposée dans le lieu de culte le plus proche, à savoir Sidiailles, ce qui semble assez cohérent. Le seul point discordant dans cette perspective est l’ornementation soignée de l’instrument - anses torsadées, légende, date - qui rime mal avec le dépouillement qu’on prête habituellement aux cisterciens. On objectera qu’une cloche est posée dans un lieu peu accessible et ne risque pas de troubler la méditation des moines, mais le doute est pourtant permis.

Un autre site candidat s’inscrit dans la même logique, et n’a jamais à ma connaissance été évoqué: il s’agit de la chapelle castrale sainte Valérie, dépendant de l’ancienne forteresse de la Roche-Guillebaud, dont l’existence est attestée au XIIIe siècle et aujourd’hui disparue. Une cloche aurait pu y être récupérée dans des circonstances identiques à celles des Pierres et le site est encore plus proche de Sidiailles que ne l’est l’abbaye cistercienne.

Dernière hypothèse qu’on ne doit pas totalement écarter: une origine complètement étrangère à la région. Aucun événement régional particulier, que ça soit autour de l’abbaye des Pierres ou des grandes maisons féodales - Déols, Culan, Roche-Guillebaud - ne se produit en 1239 et peut justifier la fonte de la cloche. La légende est trop évasive - une formule prise dans la légende de sainte Agathe - pour être mise en parallèle avec la société régionale qu’il n’est pas interdit de penser qu’un jour ou l’autre l’exploitation d’une chronique ou d’un registre paroissial moderne porte un éclairage inattendu sur un élément du patrimoine du Berry du sud qui demeure une énigme.


La renaissance de la cloche

Une très belle initiative de restauration a été entreprise en 2000. La cloche a été déposée, confiée à la société Bodet, BP1, 49340 Trementines (à qui j’ai emprunté la photographie illustrant cet article) qui l’a remise en état. Après un séjour de quelques semaines en Anjou, la cloche de Sidiailles a retrouvé sa place dans la le clocher de l’église, invisible, mais bien présente.


Sidiailles medieval bell

Partager cet article
Repost0

commentaires

B
<br /> Bonjour,<br /> <br /> La cloche de Sidiailles de diamètre 80 cm et d'un poids estimé à 370/390 kg ne peut pas être une cloche cistercienne, car le Chapitre  de Citeaux décide en 1157 que les cloches d'une abbaye<br /> soient limitées à deux (une grosse et une petite) de 500 livres maximum, soit 226,592 Kg ce qui correspond à un diamètre inférieur de 70 cm.<br /> <br /> Dommage  à 10 cm ... mais c'est une belle cloche médiévale.<br /> <br /> <br />
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour,<br /> merci pour vos commentaires. Votre remarque donne de la valeur à l'hypothèse d'une origine extérieure aux Pierres (chapelle de la Roche-Guillebaud ou église primitive de Sidiailles). Ce qui<br /> m'"inquiète" un peu, c'est qu'un de mes auditeurs généalogistes connu pour la qualité de ses sources, a affirmé lors d'une mes conférences qu'une cloche "plus petite" avait été retirée des<br /> Pierres pour être déposée dans une paroisse un peu plus au sud de l'abbaye. J'avoue ne pas avoir approfondi la question.<br /> <br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Moyen-âge en Berry
  • : Rédigé et illustré par un chercheur en histoire médiévale, ce blog a pour ambition de mieux faire connaître l'histoire et le patrimoine médiéval du Berry, dans le centre de la France.
  • Contact

géographie des visiteurs




A ce jour, cette espace a été visité
180102 fois.

405350 pages ont été lues.

Merci de l'intérêt que vous portez à l'histoire de la région.




Visitor Map
Create your own visitor map!
" class="CtreTexte" height="150" width="300" />

 

Rechercher

Conférences

conférence

 

Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
- les ordres religieux en Berry au M.A.;
- la femme en Berry au M.A.;
- politique et féodalité en Berry;
- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.