Jules César, bienfaiteur du Berry médiéval

Publié le par Olivier Trotignon

Drevant-façade-prieuré

 

Jean Tricard, professeur d’Histoire médiévale à l’Université d’Orléans, et un de mes maîtres en la matière, employait souvent, face à ses étudiants, l’expression “tordre le cou aux idées reçues”.
S’il y en a une qui a la peau dure, c’est bien celle qui donne aux romains et au premier d’entre eux, le grand Jules César, la paternité de tout ce qui peut ressembler  dans nos campagnes à des fortifications primitives, classées d’autorité par la sagesse populaire dans la catégorie des “camps romains”, avec des conséquences parfois amusantes, comme ce comité des fêtes d’un petit village de la région qui prévoit la réalisation d’un char fleuri pour le comice agricole de son canton sur le thème “le camp des légionnaires”, vestige d’une fortification du XIIIe siècle!
De Sancerre à Sidiailles, nombreuses sont les réalisations  que l’on prête aux romains. Dès 1566, l’historien Jean Chaumeau disait du château du Châtelet: “ (...) et une autre tour ronde fort haute et espesse, que les habitans diens avoir este construite et edifiée au temp de Jules Cesar”. La forteresse de Sancerre (Saint-César) aurait été fondée par le vainqueur du peuple biturige. La motte castrale d’Epineuil-le-Fleuriel est baptisée “tumulus” sur les cartes IGN et plusieurs sites fortifiés fossoyés, anciens châtelets ou maisons-fortes sont qualifiés de camps romains (Ineuil, Vitray, Sidiailles, Saint-Augustin...). Le grand éperon barré néolithique et protohistorique de la Groutte, est baptisé “Camp de César”, ce qui est compréhensible vue la proximité des ruines antiques de Drevant.
A quand remonte cette confusion entre les deux époque? Les savants de la Renaissance sont sans doute les premiers à avoir associé les anciennes places-fortes qu’ils découvraient avec une civilisation qu’ils admiraient. Pétris de culture antique, ces intellectuels voyaient la période qui les avait précédé avec une aveuglante subjectivité, attribuant à leurs modèles romains les réalisations des hommes d’un Moyen-âge qui leur semblaient un retour à la barbarie.
Plus récemment, et plus ou moins pour les même raisons, les érudits sont souvent tombés dans le même piège. Mal connu et surtout mal enseigné, le Moyen-âge n’est pas estimé à sa juste mesure. Dans une société d’ordre et de discipline, le général romain et ses légionnaires sont une valeur rassurante. Il n’est pas étonnant qu’on les imagine occupant des camps retranchés entourés de fossés à l’époque de la Guerre des Gaules.
On m’a souvent opposé l’argument suivant: comment se fait-il, si ce n’est pas romain, qu’on trouve des tuiles, céramiques et moellons antiques sur place (Sidiailles, Boiroux)? Deux raisons expliquent cet apparent paradoxe. Comme la ligne de chemin de fer Paris-Montluçon et l’autoroute A71 suivent le tracé de l’ancienne voie antique Bourges-Néris, certains sites offrent les mêmes avantages quelques soient les périodes auxquelles il est occupé. Une position facile à défendre, une grosse fontaine rendent les mêmes services que l’on vive au Bas-empire ou à la période carolingienne.
Les sites antiques, dont très peu conservent aujourd’hui des vestiges hors sols, étaient pour les hommes médiévaux, des lieux d’habitation possibles dans certains cas, et surtout de riches carrières de matériaux faciles à récupérer selon les besoins. Même si cet exemple est assez marginal, la château de Drevant (un donjon carré élevé dans l’amphithéâtre gallo-romain) fut le produit du recyclage des pierres équarries presque un millénaire auparavant.
Il est donc juste de rendre à César ce qui est à César. Archéologues et historiens travaillent pour que la chronologie ne soit plus traitée à la manière de la bande dessinée ou du péplum. Le reste n’est que folklore.



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Publié dans histoire locale

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P
<br /> <br /> Castelneuvien d'origine ,ayant sillonné le Berry depuis ma plus tendre enfance ,je ne savais pas que Sancerre venait de Saint César.Il  me semblait probable que celui -ci eût marqué de son<br /> empreinte les sites Berichons comme un peu partout, mais vos expliquations historiennes me ravient d'autant que je me suis un peu détaché de cette régions si riche en pâtrimoine,si rude par son<br /> peuple et tant désertée par les siens partis comme moi vivre "à la ville".<br /> <br /> <br /> Merci encore.<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Bonjour et merci pour votre visite. En fait, je ne connais pas l'étymologie du toponyme Sancerre, mais les gens du Moyen-âge le traduisait en latin sous la forme Saint (San) César (cerre), ce qui<br /> a pu alimenter des ambiguïtés ultérieures.<br /> <br /> <br /> Bon dimanche,<br /> <br /> <br /> O.T.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Il est à noter que, souvent, cette référence était faite pour complaire au possesseur du fief... Faut-il rapprocher avec l'affreuse mode qui consiste à appeler Berry tout ce qui tombe sous la<br /> main ? Exemple, la communauté de communes de Charenton-du-Cher qui se situe en Bourbonnais !<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Vaste débat insoluble. Pour moi, la seigneurie de Charenton était vassale à l'origine de Bourbon, terre berrichonne, qui ne devient duché que tardivement.`<br /> <br /> <br /> Il est vraiment difficile de partager les choses de façon claire, tant elles ont varié en un millénaire.<br /> <br /> <br /> Bien à vous, et merci pour votre commentaire,<br /> <br /> <br /> O. Trotignon<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Même par les temps qui courrent, la phrase du cher Jules,"de tous les peuples de la Gaule, les belges sont les plus braves", me rempli toujours de fierté.<br /> <br /> <br />  Et j'admets que la Belgique n'est pas "les Belges", ce n'est pas grave.<br /> <br /> <br /> Et je comprends très bien cette péride qui nous fournissaient des routes carrossables, et des batiments "fait pour durer".<br /> <br /> <br /> Que ce soit en Berry ou en Belgique, le cher Jules est toujours aussi ..."César"<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Il y a de quoi. Les Romains ont du éprouver la solidité de leur acier et de leur détermination pour que leur chef honore les Belges d'une telle estimation.<br /> <br /> <br /> Merci de votre commentaire, et au plaisir,<br /> <br /> <br /> O. Trotignon<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Il est encore aujourd'hui-même des "érudits" (pas des piliers de bar) qui, par des démonstrations établies à l'envers en commençant pas la conclusion, qui vous prouvent par A + B que Jules César<br /> est bien passé par Sancerre. J'ai même entendu cela lors de conférences, et la presse locale est très friande de ce genre d'info, histoire d'élargir ses maigres colonnes culturelles! Décidément,<br /> le souterrain doublant la voie romaine de Bourges à Sancerre a encore de beaux jours devant lui!<br /> <br /> <br /> <br />
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