Paysannes du Berry au Moyen-Âge

Publié le par Olivier Trotignon

 

Une question se pose: comment nommait-on les filles dans les campagnes du Berry au cours de la longue période qui sépare le règne de Charlemagne de celui de Louis XI?

Bien évidemment, la société a changé au cours des siècles et les usages se sont modifiés avec le temps.  A partir d’une base documentaire de plusieurs centaines d’individus (base non encore publiée) il est possible d’entrevoir plusieurs phases majeures dans la manière de prénommer les filles à plusieurs époques.

Une première remarque, qui peut surprendre: jusqu’au bas-Moyen-Âge (soit à peu près la période de la Guerre de cent ans), je n’observe aucune différence particulière entre les noms des filles de la noblesse régionale et ceux des enfants nées dans les campagnes et les villages.

La plus ancienne mention d’une femme du peuple date (dans ma documentation) de 841, dans la région de Bourges. Son nom est Frodinane, patronyme construit à partir de deux racines germaniques. Toute la société de l’époque, à de très rares exceptions près, utilise le lexique germanique pour créer des noms, tant masculins que féminins.

Grimeldis, Amelda, Ingeldrada, Tedina et Ermesendis (deux sœurs), Adalberga, Euffenria se remarquent, avec beaucoup d’autres, d’avant l’an Mil jusqu’au milieu du XIIe siècle.

A la période féodale, de nouveaux patronymes s’insèrent dans les habitudes des paysans berrichons. Martine, Marie, Bénédicte, Jeanne, Catherine, Isabelle, Laurence côtoient des filles connues sous des presque-surnoms comme Douce, Amoureuse, Belle, Bonne, Brune, Mignerone, Reine ou Rose. Je trouve aussi un diminutif de Guillaume, Guillemette.

La plus curieuse évolution date du milieu du XIIIe siècle où commence à apparaître un usage encore pratiqué au XXIe siècle dans certaines couches de la société: précéder un nom (ou un surnom féminin) de l’article « la ».

La Salemonde, la Ribaude, la Molette, la Blanche, la Chebite, la Rugnone, la Grognete sont un modèle que j’observe jusqu’au milieu du XVe siècle - je n’ai pas cherché au delà.

Très curieux, ce surnom attribué à une paysanne vivant en 1270: Petite vache, que je ne sais comment interpréter.

 

© Olivier Trotignon 2024

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Publié dans vie quotidienne

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S
Je découvre avec étonnement la prépondérance de ces prénoms d'origine germanique, y compris dans le petit peuple, au Moyen-âge. J'avais réalisé une statistique, d'après un terrier de Montigny établi entre 1516 et 1530, des prénoms masculins. Les plus fréquents étaient, par ordre décroissant: Jean (et diminutifs), Guillaume (et Guillemin), Pierre, Etienne, François, Louis, André, Simon. Peu de tenancières, donc pas de représentativité, mais j'ai relevé Jeanne, Estiennette, Françoise, Geoffrine...
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O
Bonsoir,<br /> votre remarque est très intéressante car les 4 premiers sont des noms que je retrouve aussi, comme André, mais les autres sont presque inconnus avant 1400, ce qui montre une évolution des usages dans la région. Le fonds germanique est considérable, mais s'amenuise progressivement avec l'apparition des surnoms, ancêtres de nos noms de famille.