Les sources narratives régionales conservent la très brève mention d’un événement majeur qui bouleversa le sud du Berry au milieu du XIIe siècle: la guerre entre le roi de France Louis VII et le seigneur Ebbe de Déols.
Les circonstances de ce conflit doivent être brièvement rappelées. La seigneurie de Déols était vassale du duché d’Aquitaine. Mariée avec le roi de France, sa duchesse, Aliénore d’Aquitaine, se sépara de son mari pour se marier au roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt. Respectant la logique féodale, Ebbe de Déols fit allégeance au roi Henri, son nouveau seigneur. L’étendue considérable du fief de Déols mis donc directement sous l’autorité vassalique du souverain anglais toute la partie du Berry occupée par l’essentiel de l’actuel département de l’Indre, le quart sud-ouest du département du Cher, plus quelques cantons de la Creuse et terroirs isolés de l’Allier, et mis au contact direct le domaine capétien de Bourges avec les terres relevant désormais de l’autorité Plantagenêt.
La guerre, dans ces circonstances, devint inévitable.
On ne connaît pas l’origine exacte du conflit -tentative de soumission d’Ebbes de Déols par le roi Louis VII ou expédition punitive au cœur du domaine castelroussin destinée à établir par la force la volonté capétienne sur cette partie du territoire? - mais on est bien renseigné, grâce à la chronique des moines de l’abbaye de Déols, sur les objectifs visés par les belligérants. Le roi de France détruisit par le feu les forteresses de la Châtre et de Châteaumeillant, tandis qu’Ebbe faisait de même à Cluis, allié au roi de France. Louis VII remporta la victoire en incendiant la plus grande partie du château de Déols.
Intéressons nous plus particulièrement au cas de la forteresse de Châteaumeillant, éponyme partiel du nom encore en usage aujourd’hui. Petite mais très vieille cité située sur un axe économique et stratégique majeur, l’ancien Mediolano ne connaît pas de solution de continuité depuis l’époque romaine. Cité par Grégoire de Tours pour y avoir vu se livrer plusieurs batailles à l’époque mérovingienne, le Mediolanum de l’antiquité tardive conserve pendant tout le haut Moyen-âge une activité en rapport avec la voie qui le traverse. Cette position conduit les seigneurs de Déols à y accorder une attention particulière, en ne la confiant pas à un vassal, mais en y plaçant une de ses branches cadettes qui survit plusieurs décennies après la disparition de la souche seigneuriale primitive dans son fief historique de Châteauroux..
Déjà fortifiée à l’époque gauloise, la petite cité de Châteaumeillant est dotée d’un château de bois construit sur une motte castrale de grande taille dont les vestiges sont apparents -quoique malaisés à photographier, ce qui explique la piètre qualité de l’illustration fournie ci dessus- au centre de la ville. C’est ce château, comme ses homologues de la Châtre, Cluis, et Déols, qui brûle -ce qui est confirmé par des sondages sur le site- en 1152. Vieux d’au moins un siècle, ces fortins n’étaient, de toute façon, plus vraiment adaptés aux impératifs architecturaux de ce XIIe siècle qui voit se multiplier les constructions de pierre.
Le raid militaire du roi de France eut un effet dynamisant sur les équipements militaires régionaux car, sitôt éteints les brasiers ayant consumé ses anciennes tours de bois, Ebbe de Déols fit élever, en bordure de plateau, à quelques minutes de la motte castrale, une nouvelle forteresse incomparablement plus solide que l’ancien fortin de bois. Le nouveau château de Châteaumeillant a connu avec le temps beaucoup de modifications et d’amenuisement de sa structure défensive, mais on distingue encore aujourd’hui une poterne portant les traces d’un ancien pont-levis et des élévations de murailles qui démontrent l’importance militaire de la place. La visite de l’édifice est restreinte par son actuel fonction de caserne de la Gendarmerie nationale, ce qui empêche d’explorer plus avant les lieux.
Notons que toutes les autres places-fortes occupant une fonction stratégique majeure dans le dispositif défensif des fiefs de Déols abandonnèrent à la même époque le bois au profit de la pierre (le Châtelet-en-Berry, la Châtre, Culan, pour n’en citer que quelques unes). Les incendies allumés par les osts royaux ou seigneuriaux au sommet des vieilles mottes n’ont fait qu’accélérer un inévitable processus de modernisation des équipements militaires berrichons.