Un ensemble remarquable, quoique peu connu, de sépultures médiévales fut découvert dans le jardin du prieuré de Drevant dans les années soixante-dix, à l'occasion des travaux d'aménagement de l'ancien bâtiment médiéval en résidence. Cette fouille de sauvetage, opérée sous la direction de Jacques Gourverst, chercheur antiquisant alors en charge de la conservation du musée de Châteaumeillant, ne permit pas à l'époque de conclure sur l'origine des inhumations mises au jour.
De nouvelles données méritent qu'on s'attarde sur ce qui pourrait être une des premières nécropoles seigneuriales du Berry.
Nous savons que le seigneur Ebe de Charenton, seigneur de Saint-Amand au milieu du XIe siècle et probable constructeur des châteaux de Charenton, Saint-Amand et Drevant, offrit au monastère creusois du Moûtier-d'Ahun la terre qui devait voir s'élever le futur prieuré. Considérant que toutes les familles féodales de cette époque eurent soin de se faire enterrer près de monastères pour assurer le salut de leur âme, on trouve des nécropoles seigneuriales à Déols - pour les seigneurs du même nom, Orsan, pour les Culan et les Lignières, la Chapelaude, pour les Huriel et Souvigny, pour les Bourbons. On sait par ailleurs qu'à partir de la fondation de Noirlac, les successeurs du premier Ebe de Charenton se firent enterrer, ou emmurer, dans le cloître cistercien, mais on ignore tout des pratiques de leurs prédécesseurs. Or, le prieuré de Drevant était le seul établissement monastique d'importance suffisante, avec l'abbaye bénédictine de Charenton, de toute la région de Charenton, et plusieurs cas locaux montrent que les bénédictins refusaient - ce fut le cas de Chezal-Benoît - les sépultures laïques parmi celles des moines. Nous retrouvons là une pratique funéraire remontant à l'époque mérovingienne, qui conférait une grande importance au fait de se faire inhumer dans l'espace où s'égouttaient les toits des monastères.
On ne s'est jamais interrogé sur les motivations d'Ebe de Charenton à aller chercher des moines marchois pour les fixer sur son fief, ni sur l'origine de la série de sarcophages exceptionnels pour la région observés au pied du prieuré de Drevant. Nous considérons comme tout à fait probable que les tombeaux découverts à Drevant puissent être ceux non seulement de moines desservants du prieuré mais aussi ceux des premiers Ebe de Charenton avant que Noirlac n'accueille les dépouilles mortelles de ces féodaux.
Un sarcophage particulier, fermé par deux dalles superposées dont la première était sculptée d'une grande croix en haut relief, dépassait en qualité les autres sépultures. On avait même pris soin d'y déposer une stèle funéraire gallo-romaine en grés local représentant un homme barbu. Peut-être est-ce la seule image que le temps aura bien voulu nous livrer du fondateur du prieuré...
Cet article voudrait saluer la mémoire de Jacques Gourverst, savant homme aux multiples qualités, et de Maurice et Yvonne Alabergère, propriétaires du prieuré au moment des fouilles, couple d'une très grande gentillesse, qui supportèrent avec patience nos tranchés et notre remue-ménage dans leur propriété.