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11 septembre 2008 4 11 /09 /septembre /2008 18:22

Un ensemble remarquable, quoique peu connu, de sépultures médiévales fut découvert dans le jardin du prieuré de Drevant dans les années soixante-dix, à l'occasion des travaux d'aménagement de l'ancien bâtiment médiéval en résidence. Cette fouille de sauvetage, opérée sous la direction de Jacques Gourverst, chercheur antiquisant alors en charge de la conservation du musée de Châteaumeillant, ne permit pas à l'époque de conclure sur l'origine des inhumations mises au jour.

De nouvelles données méritent qu'on s'attarde sur ce qui pourrait être une des premières nécropoles seigneuriales du Berry.

Nous savons que le seigneur Ebe de Charenton, seigneur de Saint-Amand au milieu du XIe siècle et probable constructeur des châteaux de Charenton, Saint-Amand et Drevant, offrit au monastère creusois du Moûtier-d'Ahun la terre qui devait voir s'élever le futur prieuré. Considérant que toutes les familles féodales de cette époque eurent soin de se faire enterrer près de monastères pour assurer le salut de leur âme, on trouve des nécropoles seigneuriales à Déols - pour les seigneurs du même nom, Orsan, pour les Culan et les Lignières, la Chapelaude, pour les Huriel et Souvigny, pour les Bourbons. On sait par ailleurs qu'à partir de la fondation de Noirlac, les successeurs du premier Ebe de Charenton se firent enterrer, ou emmurer, dans le cloître cistercien, mais on ignore tout des pratiques de leurs prédécesseurs. Or, le prieuré de Drevant était le seul établissement monastique d'importance suffisante, avec l'abbaye bénédictine de Charenton, de toute la région de Charenton, et plusieurs cas locaux montrent que les bénédictins refusaient - ce fut le cas de Chezal-Benoît - les sépultures laïques parmi celles des moines. Nous retrouvons là une pratique funéraire remontant à l'époque mérovingienne, qui conférait une grande importance au fait de se faire inhumer dans l'espace où s'égouttaient les toits des monastères.

On ne s'est jamais interrogé sur les motivations d'Ebe de Charenton à aller chercher des moines marchois pour les fixer sur son fief, ni sur l'origine de la série de sarcophages exceptionnels pour la région observés au pied du prieuré de Drevant. Nous considérons comme tout à fait probable que les tombeaux découverts à Drevant puissent être ceux non seulement de moines desservants du prieuré mais aussi ceux des premiers Ebe de Charenton avant que Noirlac n'accueille les dépouilles mortelles de ces féodaux.

Un sarcophage particulier, fermé par deux dalles superposées dont la première était sculptée d'une grande croix en haut relief, dépassait en qualité les autres sépultures. On avait même pris soin d'y déposer une stèle funéraire gallo-romaine en grés local représentant un homme barbu. Peut-être est-ce la seule image que le temps aura bien voulu nous livrer du fondateur du prieuré...
 

Cet article voudrait saluer la mémoire de Jacques Gourverst, savant homme aux multiples qualités, et de  Maurice et Yvonne Alabergère, propriétaires du prieuré au moment des fouilles, couple d'une très grande gentillesse, qui supportèrent avec patience nos tranchés et notre remue-ménage dans leur propriété.

 

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21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 11:22


Moins médiatisé que le monde cistercien, l'ordre de Grandmont a possédé quelques celles en Berry dont la plus spectaculaire et mieux conservée se trouve dans la vallée du Cher, sur la rive gauche, à quelques kilomètres au nord de Châteauneuf-sur-Cher. L'ordre de Grandmont, dans ses aspirations très proche de Cîteaux, établit ses prieurés en campagne, et se met sous la protection de la féodalité locale, qui constitue l'essentiel de son temporel par des donations charitables. On connait la charte de fondation du prieuré de Fontguédon, près de Thaumiers, rédigée par Mathilde de Charenton, épouse de Renaud de Montfaucon et dernière héritière de la grande seigneurie de Charenton, qui donne en 1250 aux grandmontains des terres au cœur de ses domaines pour y fixer un couvent. Plus ancienne et beaucoup mieux conservée, la celle de Corquoy, près de Châteauneuf, trahit par la qualité de sa réalisation la richesse de ses fondateurs, inconnus à ce jour, mais probablement à rechercher parmi les seigneurs de Châteauroux ou d'Issoudun, solidement établis dans le périmètre de Châteauneuf au début du XIIIe siècle. Quelques pièces d'archives permettent de connaître de menus détails sur son existence. En 1214, son prieur Ademard traite avec Noirlac au sujet du partage du petit ruisseau de Rousson, certainement limite de leurs possessions respectives. En 1221 et 1227, le correcteur et les frères de Grandmont doivent composer avec les cisterciens de l'abbaye de la Prée à propos de droits sur Châteauneuf. Un dernier acte de 1322 rappelle un échange de terres entre le seigneur de Culan et Châteauneuf et les grandmontains de Corquoy sans plus de détails sur la question. Ces lignes inciteront peut-être certains lecteurs à prendre une carte topographique et à aller visiter les ruines de la celle de Corquoy, objet d'une mesure de protection par une association locale.
intérieur-grantmont

 
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13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 09:14

 

Comme partout ailleurs en Europe occidentale, la lèpre a contaminé une partie de la population du Berry. Il est totalement impossible de chiffrer l'importance de cette contamination, mais on peut on mesurer l'étendue en relevant les mentions faites des léproseries dans la documentation. Il n'est pas toujours facile de retrouver la trace de ces structures hospitalières qui ont disparu ou évolué après la disparition du bacille sous nos latitudes à la Renaissance. Quelques établissements sont cités dans les actes médiévaux, surtout à l'occasion de donations testamentaires. D'autres ont laissé une trace dans la toponymie: des maladreries, champs de lépreux ou Saint-Lazare sont des indices sûrs. Quelques maisons de lépreux ont laissé un souvenir dans les traditions rurales, particulièrement lors de la découverte de petits cimetières isolés du bourg paroissial. Plus généralement, on peut estimer que toutes les villes et agglomérations d'une certaine importance situées sur des axes de communication -routes ou rivières- ont pu faire bâtir des léproseries. Celles-ci se situent hors les murs, mais à faible distance de l'entrée des bourgs -quelques centaines de mètres tout au plus. La liste qui suit est loin d'être close, et pourrait bénéficier d'une étude des micro-toponymes sur cadastres, qui révélerait certainement des lieux de soins méconnus.

Sont explicitement citées dans les actes-sans que ceux-ci n'indiquent le moment de leur fondation- les léproseries de Bourges (1297), Chârost (1236), Châteauneuf-sur-Cher ou plus précisément Venesmes (1220), Fougerolles (1230), Issoudun (1227), La Chapelle d'Angilon (1297), Orval et Saint-Amand (1266) - les deux léproseries sont citées dans le même acte, Sancerre (1251) et Villedieu-sur-Indre (1231). La Celle-Condé, Vierzon et Saint-Satur ont des lieux-dits placés sous le vocable de saint-Lazare (Sancerre et Saint-Satur sont si proches qu'on a peut-être qu'un seul établissement dans ce périmètre). Des Léproseries sont soupçonnées sur Charenton-du-Cher et Vesdun.

Le nombre de dates correspondant au XIIIe siècle n'illustre pas un pic de la contamination en Berry. Cette période est simplement très riche sur le plan documentaire. A plusieurs reprises sont cités les personnels soignants à savoir le maître, le recteur et les frères des maladreries. Les léproseries, comme les hôtels-Dieu (le pauvre et le lépreux sont, ne l'oublions pas, parfois perçus comme des transfigurations du Christ) sont dotés de sommes d'argent, de prés et de vignes par legs testamentaires. Il demeure dans le village de Bruère-Allichamps, rue de la Maladrerie, un mur épais complété de pierres de taille qui pourrait être un vestige de l'ancienne maison des lépreux.




        

 

© olivier Trotignon 2008

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9 août 2008 6 09 /08 /août /2008 09:39


Les chercheurs qui ont eu l'occasion de travailler sur le chartrier de l'abbaye cistercienne de Noirlac ont souvent fait mention d'un acte assez étonnant et unique en son genre dans la région, par lequel l'abbé de Noirlac et le seigneur Renaud de Montfaucon se sont partagé en 1228 les bénéfices d'une mine d'argent. Le texte précise qu'en cas de découverte d'autres filons, les conditions de ce partage seront reconduites. Le lieu de la découverte est même précisément situé au lieu dit "Podio de Haberto" ou "Puy d'Habert". Aucune charte postérieure ne parle plus de cette mine, ce qui laisse penser que son exploitation fut brève.

L'intérêt pour les métaux précieux et l'originalité du sujet a conduit certains de mes prédécesseurs à enquêter sur cette mine et à chercher à e situer l'emplacement. Deux auxiliaires se proposent à l'historien dans une telle recherche: la toponymie et la géologie. Consultés sur les possibilités métallifères du Berry, les géologues affirment qu'aucune couche géologique particulière ne peut déterminer la formation de matériaux argentifères dans la région. La mine de Puy d'Habert a peu de chances d'être retrouvée avec le concours de la carte géologique de la région. 

La toponymie est plus prometteuse, à condition de savoir ce qu'on cherche. Le terme "puy", de tradition occitane, désigne en général et surtout de nos jours, une élévation du terrain, comme la zone des "Peux" de Vesdun. Le nom d'"Habert" oriente la recherche vers la région de la forêt d'Habert, près de Morlac. Or, l'observation du paysage montre qu'il n'existe pas de colline dans ce secteur et la géopolitique médiévale place le périmètre à l'origine dans les domaines potentiels de la seigneurie de Morlac et au début du XIIIe siècle, dans l'aire d'influence des seigneurs de Châteauroux, rivaux de Montfaucon. Les parages de la forêt d'Habert font de mauvais candidats pour accueillir notre mine.

En se replaçant au plus près des usages des contemporains de Renaud de Montfaucon, on observe un usage assez différent de la toponymie. Les noms sont moins nombreux qu'aujourd'hui, et balaient des surfaces très vastes. Le toponyme Habert peut avoir été employé pour désigner un territoire beaucoup plus large que la superficie de l'actuelle forêt d'Habert. Il suffit, pour illustrer ce principe, d'observer l'étendue actuelle de la forêt dite de Tronçais ou de celle de Meillant.

Le puy, quant à lui, ne désigne pas que les hauteurs au XIIIe siècle, mais aussi les flans de vallée. Les gens de Châteauneuf parlent de "Puy David" pour situer la léproserie locale, sur la rive opposée du Cher. Les travaux de la regrettée Pierrette Dubuisson ont montré que le Saint-Amandois avait conservé deux exemples de cette tradition, le Piot Gré et le Piot Doux, vers Arpheuilles, vraisemblables anciens Puy au Gré et Puy Audoux, dominant la vallée de la Marmande. Dans cette logique, la mine d'argent pourrait être à rechercher près d'une vallée.

C'est ainsi que le cheminement du chercheur recoupe l'observation d'un ancien archiviste ayant trié le chartrier de Noirlac. On lit, au dos de la charte originale, un ajout d'une autre encre et d'une écriture plus récente que celle du scribe médiéval "Bois de la Baume". Ce nom, qui évoque une caverne, est employé pour désigner une petite forêt qui occupe une partie de la rive gauche du Cher entre Noirlac et le Bourg de Bruère-Allichamps, dans lequel on connaît l'existence d'une petite grotte, réputée naturelle, dite grotte de la Loutonière. Sur place, si la caverne peut s'apparenter au premier abord à une perforation naturelle du socle calcaire au point que certains y ont vu un possible abri préhistorique, il est flagrant qu'une surface de travail a été aménagée devant un petit front de carrière à flanc de coteau, et que des coups de pics ont marqué par endroits la paroi de la cavité, qui parait avoir été soudée ou agrandie. Une autre observation, fort peu scientifique car elle n'a pas été recoupée, mais qui peut tout de même être évoquée, est la couleur rosée d'une efflorescence sur la pierre de la carrière, qui ressemble aux oxydes qui altèrent le plomb antique.

On peut donc avec quelque raison avancer l'hypothèse que la petite caverne de la Loutonnière est le fossile d'une ancienne activité minière avortée faute de ressources métalliques qui, par prudence, a été l'objet d'un accord entre ayant-droits dès l'origine des travaux. Le faible volume déblayé, l'absence à la fois d'essor économique autour de l'abbaye de Noirlac et de monnayage significatif frappé par Renaud de Montfaucon à cette époque prouvent que les revenus de la mine ont dû être très décevants pour les cisterciens et leur protecteur laïc.
      

      

 

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2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 19:11


L'abbaye bénédictine de Chezal-Benoît est un des monuments les plus méconnus du Berry. Sa fondation date de la fin du XIe siècle. Avant de devenir monastère à part entière, Chezal (son nom dérive de Casale Benedicti - la maison de (saint) Benoît) fut un prieuré de l'abbaye ligérienne de Fleury, qui lui interdit d'accueillir des sépultures laïques dans son cimetière, ce qui la priva de bénéfices importants. Curieusement éclipsé par Noirlac dans le cœur des berrichons, ce monastère eut un rayonnement considérable, alors que Noirlac stagnait dans une médiocrité bien éloignée de l'image qu'on se fait d'elle aujourd'hui.

 

 

L'abbaye de Chezal-Benoît souffre d'une image négative du fait de la présence d'un hôpital psychiatrique fondé dans son périmètre immédiat, qui doit être traversé pour accéder à l'abbatiale XIIe. L'amateur de patrimoine médiéval y sera conquis par la pureté des lignes du bâtiment, et surtout par d'extraordinaires stalles ornées de miséricordes sculptées en chêne clair datant de la fin du Moyen-âge. Plusieurs thèmes sont communs avec les stalles de Levroux (36). Peuplées de figures animalières ou irrévérencieuses, les stalles de Chezal méritent un détour loin du phare cistercien de Noirlac ou des fastes gothiques de Bourges. A découvrir absolument.

 


© Olivier Trotignon 2008

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2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 18:12


A l’aube de la Chrétienté occidentale, alors que le monde romain fusionnait avec les peuple barbares qui avaient envahi l’Empire quelques décennies auparavant, deux grands courants monastiques rivalisèrent d’initiative pour fonder des monastères dans l’Ouest et le Sud de l’Europe. Le premier, parti du Mont Cassin, en Italie, propagea la pensée de son fondateur, saint Benoît, avec tant de conviction, que quinze siècles plus tard, la règle bénédictine est encore observée par des milliers de moines et moniales dans le monde. Le second, beaucoup plus mal connu, dispersa dans plusieurs régions d’Europe des missionnaires chargés de fonder de nouvelles communautés monastiques selon les préceptes d’un moine irlandais, saint Colomban, père spirituel d’une pratique cœnobitique austère et dépouillée, si exigeante auprès de ses adeptes que l’ordre colombaniste disparut lement. Or, quelques indices laissent croire qu’un tel couvent aurait pu voir le jour au nord du massif de Tronçais (03). Le dossier historique est mince, l’emploi du conditionnel nécessaire dans un cas aussi peu documenté, mais l’affaire mérite qu’on s’y attarde. L’histoire débute avec la découverte, sans doute au XIXe siècle, de la mention de l’existence, au VIIe siècle, d’un monastère colombaniste en Berry dans un lieu nommé par l’antique inventaire “Insula super Murmanda fluvium”, que nous traduirons par “Ile-sur-Marmande”. Très tôt, les érudits Saint-Amandois préemptèrent sur la localisation du site abbatial, pour le situer en plein cœur de la ville ancienne de Saint-Amand, conférant aux anciens irlandais l’honneur d’avoir fondé leur ville. Plus récemment, des historiens bourbonnais firent remarquer avec une certaine pertinence que le toponyme Ile-sur-MarmIle-et-Bardais. L’historien, pour sa part, ne peut que constater que le coté troublant de l’homonymie, qui donne à la thèse “bourbonnaise” une certaine faveur, et se doit de réunir les rares indices disponibles pour étayer l’hypothèse de l’existence d’une abbaye disparue au nord de l’actuel massif forestier de Tronçais. Il serait vain de chercher dans le paysage la moindre trace du monastère disparu. Trop de temps s’est écoulé entre sa fondation et notre époque, et ce genre d’édifice était probablement en bois. Ceci dit, l’archéologie est à même de repérer l’emplacement de constructions en matériaux perrissables, et il serait très intéressant d’être averti de l’imminence de travaux affectant le sous-sol des alentours d’Ile-et-Bardais, afin de veiller à ce qu’aucune destruction irrémédiable ne se produise. L’argument principal en faveur d’une localisation dans la petite paroisse bourbonnaise est fourni par le contenu des prospections archéologiques menées par plusieurs chercheurs régionaux, dont notre confrère Jacques Perchat, qui nous a communiqué amicalement une information qui pourrait se révéler déterminante pour la localisation de l’ancien couvent. Ce chercheur, lors d’une prospection à vue dans les parages de l’étang de Pirot, a identifié un important site d’occupation gallo-romain, livrant de la céramique très tardive. A première vue, ce détail est insignifiant pour l’affaire qui nous intéresse, mais accrédite la thèse de la permanence d’un habitat humain près de Pirot, probablement une grande villa, après la période des Invasions. De plus en plus, la démonstration est faite que, à l’aristocratie romaine propriétaire des grands domaines fonciers s’est substituée une nouvelle classe de possesseurs issus du métissage des deux civilisations, romaine et barbare. Il est donc tot à fait possible qu’il ait existé près de Pirot un grand domaine agricole de fondation gallo-romaine entretenu par des descendants des envahisseurs germaniques. Or, les historiens médiévistes relèvent que le prêche des disciples de saint Colomban s’adressait en priorité à l’aristocratie du haut Moyen-âge. Il n’est pas possible d’aller plus loin dans la démonstration sans basculer dans l’Histoire-fiction, mais la possibilité qu’il y ait eu dans ce terroir, dans l’Antiquité tardive, une forme ou une autre de pouvoir propice à la fondation d’une monastère irlandais, n’est pas démontrée mais existe. Il pourrait être à l’avenir très intéressant de dater avec précision la céramique signalée par M. Perchat et d’essayer de comparer l’environnement archéologique de l’ensemble du site Ile-et-Bardais/Pirot avec d’autres cas d’abbayes irlandaises repérées sur notre continent. L’Histoire de notre région aurait beaucoup à y gagner.
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1 août 2008 5 01 /08 /août /2008 09:11



Conservé dans la mémoire collective par le micro-toponyme "rue de l'hôtel-Dieu", l'hôpital médiéval de Saint-Amand n'a laissé aucun vestige visible. Seules quelques traces de ses fondations primitives ont été fouillées lors de la démolition de l'ancienne caserne de Gendarmerie à l'emplacement de l'actuelle bibliothèque municipale, mais il n'est pas certain que les conclusions de cette fouille de sauvetage aient été publiées. 

Le hasard a voulu qu'au cours de mes recherches de Doctorat, je relève l'existence de quatre actes authentiques de cette fondation hospitalière, tous datés du XIIIe siècle. Leur contenu n'a rien d'exceptionnel mais permet d'entrevoir quelques détails sur le fonctionnement de cet établissement.

L'acte le plus ancien date de 1228. L'hôpital y est nommé "Hôtel-Dieu des pauvres de Saint-Amand" et reçoit une terre dans le quartier de Montrond, qui n'était bien entendu pas urbanisé à l'époque. En 1250, l'hôtel-Dieu possède au moins un serf, qui se marie avec Douce, fille de Raoul Simon, elle même serve du seigneur Henri de Sully. Celui ci accepte leur union et affranchit leur progéniture.

La liste des donateurs est courte mais illustre une tendance générale commune à tous les hôtels-Dieu urbains. On y trouve un des plus puissants nobles du Berry, Henri de Sully, qui a étendu l'influence de sa famille sur le Sud de la région en occupant Bruère, Orval et Vallon ainsi, en 1266, qu'un de ses officiers seigneuriaux, le bailli de Bruère, qui dote aussi les pauvres de Saint-Amand. On rencontre encore un certain Pierre le Morne? (Petrus li Mornes) paroissien de Saint-Amand, qui doit jouir d'un certain statut social car par testament, il désire être enterré à Noirlac - faveur en général réservée à la noblesse locale - et qui dote en outre Noirlac les moniales bénédictines de Charenton, les cisterciennes de Bussière et l'hôtel-Dieu de Saint-Amand. La mention de deux couvents féminins tendrait à prouver que cet homme comptaient peut-être que sa femme ou sa fille y trouve une place après sa mort. On constate surtout l'amorce du déclin de ces petites abbayes rurales qui voient les hôtels-Dieu urbains les concurrencer dans les intentions de donations charitables qui leurs étaient jusqu'alors réservées. Le recentrage de l'activité économique vers les pôles urbains en plein essor en ce début de XIIIe siècle va profiter aux hôpitaux de ville bien plus qu'aux cloîtres isolés dans la campagne.

L'échantillon documentaire est trop réduit pour en savoir plus, mais il est déjà heureux que toutes la documentation primitive ne soit pas perdue.


 




 

 

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22 juillet 2008 2 22 /07 /juillet /2008 08:13


Le thème de l'animal musicien est assez fréquent dans la sculpture médiévale. Chevaux, ânes, chèvres, lapins ou lièvres sont figurés avec des instruments généralement à cordes qui sont autant d'indices pour connaître les pratiques musicales du passé. Le plus célèbre des animaux musiciens est l'âne joueur de harpe, présent dans l'iconographie depuis l'Antiquité égyptienne jusqu'au XVIIe siècle sur des faïences de Marseille. Il est parfois remplacé en Berry par un cheval (Drevant, Chambon, Saint-Amand) ou par un reptile (prieuré de Soye).

Ces modillons ou chapiteaux d'églises font clairement la différence entre la harpe, d'origine insulaire et qui se répand par l'Ouest, et la rote, instrument voisin de la harpe muni de deux séries de cordes parallèles  séparées par une caisse de résonance.

Dans d'autres régions de France et d'Angleterre, la harpe peut-être remplacée par une vieille à archet, plus tardivement par une cornemuse (Mortemart, en Limousin) et encore plus tard par une guitare, comme sur la faïence marseillaise.

Les spécialistes ne sont pas d'accord sur l'inspiration des sculpteurs médiévaux, qui ont pu être influencés par la culture populaire mais aussi par des textes littéraires antiques connus des lettrés de leur époque.

La photographie ci-dessus représente l'un des modillons de la façade du prieuré de Drevant (18).

 
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18 juillet 2008 5 18 /07 /juillet /2008 23:04

 

Il semble que l’abbaye cistercienne de Bellaigue, située en Combrailles, ait possédé une grange à plusieurs dizaines de kilomètres au nord de son cloître, dans la paroisse berrichonne de Saulzais-le-Potier, dans l’actuel département du Cher. Il n’existe plus aujourd’hui aucune trace de cette propriété, sauf dans un acte daté de 1229 du chartrier médiéval de l’abbaye de Noirlac. 
A l’époque où est produit ce document, le témoignage oral garde une valeur particulière dans l’esprit des contemporains, et le passage à l’écrit est plus comptable que testimonial. Lors d’une donation pieuse à un établissement religieux ou hospitalier, les laïcs s’entourent de personnalités éminentes du monde politique ou religieux, comme un seigneur, un abbé ou un évêque pour valider leur don. Un acte est rédigé à l’occasion de la cérémonie de cession du bien foncier ou de la rente qui va compléter le temporel d’un monastère ou d’un hôtel-Dieu. C’est ainsi qu’en 1229 le seigneur de Saulzais se défait d’une de ses possessions pour l’offrir aux cisterciens de Noirlac. Son don est enregistré en présence du prieur de Saulzais, d’Alexandre, abbé de Bellaigue, deux deux moines et d’un convers de la dite abbaye, et de deux moines de Noirlac, dans la maison que Bellaigue possédait à Saulzais.
Si la donation en elle même est très banale, la mention d’une maison (qu’on désigne généralement sous le terme de grange) appartenant à l’abbaye auvergnate en plein Berry du Sud est à ma connaissance inédite. On peut s’étonner que la règle de Cîteaux, qui prescrivait qu’une grange ne devait pas être éloignée de son abbaye-mère de plus d’une journée de marche, ne soit pas suivie dans ce cas précis, mais les cas d’entorses à cette règle abondent dans l’Occident médiéval. On peut regretter que les archives de Bellaigue ne puissent nous renseigner sur l’origine de cette fondation, mais plusieurs indices laissent penser que cette grange n’est pas le seul lien qui unissait les Combrailles et le Boischaut à cette période du Moyen-âge. Bellaigue possédait par exemple une vigne vers Châteauneuf-sur-Cher en 1219. 
 
© Olivier Trotignon 2008
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15 juillet 2008 2 15 /07 /juillet /2008 00:09

L’histoire des origines de Saint-Amand, telle qu’on la trouve habituellement publiée jusqu’à des dates très récentes, est un curieux mélange de récits quasi-légendaires, d’extrapolations romantiques et de rigueur scientifique. L’obscurité qui entoure la fondation de la capitale du Boischaut s’explique par la grande rareté des textes hérités du passé. Étonnés par ce mutisme de l’Histoire, les anciens érudits ont plus raisonné par postulats que cherché à exploiter de manière rigoureuse le peu de traces documentaires que les observations sur le terrain ou la lecture des archives pouvaient permettre de collecter. Si leur passion pour le sujet fut indéniable, leurs conclusions intéressent plus l’Histoire des mentalités que la connaissance du terroir local. Quelques pistes pour une nouvelle dynamique de recherche régionale peuvent être envisagées.
I) Une fondation sous l’Antiquité?
Cette thèse a ses partisans. Vestiges d’occupation gallo-romaine dans le centre-ville et dans les Grands-Villages, trésor monétaire et peut-être éléments d’architecture religieuse sur la butte de Montrond, les indices archéologiques ne manquent pas. La proximité de Drevant et d’une ou plusieurs voies antiques conforte cet avis. Si le sol de la cité n’est pas avare de traces d’activités des premiers siècles de notre ère, il n’existe aucune preuve de la permanence d’un habitat après l’Antiquité tardive. Le statut exact de Drevant n’étant pas, malgré ce qu’on pense généralement, clairement défini, et les relations entre ce complexe religieux et son environnement humain immédiat l’étant encore moins, il est difficile de raisonner sur de simples probabilités mal définies. Ajoutant à cela que la voie antique Bourges-Néris avait peu de chances de passer sur la rive Saint-Amandoise du Cher, et que la région fourmille de vestiges gallo-romains dans des lieux aujourd’hui inhabités, la théorie d’une fondation romaine, ou gauloise, reste à démontrer.
II) L’abbaye colombaniste 
Curieux dossier alimenté par un syllogisme historique tombant à point pour pour redorer le blason d’une société de croyants malmenée par les idéaux révolutionnaires, l’abbaye de l’Île-sur-Marmande est le serpent de mer de l’Histoire locale. Alimentée par un inventaire mérovingien signalant l’existence en Berry d’un monastère fondé par des moines irlandais ou par leurs disciples continentaux dans un lieu insulaire “sur le fleuve” Marmande, cette thèse proposait aux fidèles de Saint-Amand de vénérables Pères Fondateurs à un moment où la querelle entre l’Eglise et l’Etat commençait à provoquer quelques émois dans les consciences. Même si l’équation initiale était acrobatique - une île sur la Marmande près du site du Vieux Château devenant l’Île mérovingienne, les moines creusant leurs cellules dans les flancs de la motte féodale - les promoteurs de cette surprenante théorie réussirent à créer une légende moderne. Outre le peu de cohérence de l’argumentation initiale, quelques indices portent à croire que l’hypothètique couvent médiéval pourrait s’être développé vers Isle-et-Bardais, sans qu’aucune preuve matérielle de son existence ne puisse encore être produite.
III) Les sources médiévales
On peut considérer le soucis des érudits locaux d’argumenter en faveur des coenobites irlandais sous une autre perspective. Le Saint-Amand médiéval n’a laissé presque aucune archive, ce qui pouvait sembler anormal pour une ville ayant atteint une telle importance à l’époque moderne. Repousser la fondation de la cité à l’aube des temps médiévaux pouvait permettre d’expliquer la pénurie de textes anciens. Faute d’un corpus documentaire suffisant pour remonter aux origines de la ville, il devient très instructif d’élargir l’horizon de la recherche à l’ensemble de la région. Ainsi trouve t-on conservée aux Archives Départementales de la Creuse la plus ancienne trace à ce jour d’un seigneur de Saint-Amand. L’acte concerne la donation concédée vers 1050 par Ebraudus de Sancto Amando et Willelmus (Ebe de Saint-Amand et Guillaume, probablement son frère) à l’abbaye du Moûtier-d’Ahun d’une terre située à Drevant, qui servit d’assise foncière à l’actuel prieuré bâti près de l’église du village. L’intérêt de cette notice réside dans l’emploi du nom Ebraudus pour identifier le protecteur du prieuré de Drevant. Ebraudus est une variante du nom médiéval Ebo, traduit en Ebe, Ebbe et parfois Ebbes, choisi comme nom lignager par les seigneurs de Charenton. Héritage d’un passé récent où la dénomination des individus ne reposait que sur un nom unique, nous observons là la conservation et l’adaptation de l’ancienne tradition onomastique antérieure à l’An 1000. Les sires de Charenton s’identifiaient personnellement par leur nom, et complétaient le champ de leurs compétences féodales par l’ajout d’un surnom topographique - de Saint-Amand, de Charenton ou de la Guerche - en fonction du lieu où s’exerçait leur pouvoir. Cette observation place Saint-Amand comme fief de Charenton dès le XIe siècle, et explique le silence des textes. Les Charenton n’ont pas confié leur ville de Saint-Amand à un vassal, preuve qu’elle représentait à leurs yeux un élément défensif essentiel à la sécurité de leurs possessions dans la vallée de la Marmande. Le pouvoir était ailleurs et aucune chancellerie locale n’était en état de rédiger des actes susceptibles d’avoir bravé les siècles. L’histoire Saint-Amandoise est éclipsée par celle de Charenton, elle même très mal connue. Une petite cinquantaine de chartes à peine sont recensées, et nous ne connaissons que de rares mentions narratives pour satisfaire notre curiosité sur l’un des phénomènes politiques majeurs du Berry du Sud. Aussi doit-on rester attentif aux rares séquences événementielles étudiables. Saint-Amand connaît probablement une lente évolution de la période carolingienne à la fin du XIIe siècle. La seigneurie de Charenton prospère sur les ruines d’une viguerie carolingienne, dont elle hérite des pouvoirs et du patrimoine foncier. Située dans la même vallée, la cité Saint-Amandoise existe peut-être au Xe siècle. Vers l’an 1000, l’insécurité engendrée par les dernières invasions et la vacance du pouvoir royal pousse les féodaux à ériger des forteresses sur mottes pour contrôler leurs domaines et imposer leur tyrannie au peuple des campagnes. La citadelle de terre et de bois du Vieux-Château est certainement édifiée par les Charenton pour asseoir leur puissance sur un carrefour routier et fluvial stratégiquement et économiquement précieux. A la disparition du dernier Ebe, mort sur les routes de la Croisade entre 1189 et 1199, Saint-Amand échoit par mariage dans le patrimoine de la seigneurie de Montfaucon. Renaud, seigneur de Montfaucon et Charenton, fait édifier la première forteresse de Montrond pour protéger l’aile occidentale de ses domaines menacée par l’expansion de la mouvance de Châteauroux, dont on relève des témoignages à Ids-Saint-Roch et à Marçais au début du XIIIe. Laissée sans défense par la mort sans héritier de Renaud de Montfaucon, la seigneurie est dépecée au profit des grands féodaux berrichons. Saint-Amand change ainsi plusieurs fois de seigneur, sans que le développement de la cité en soit particulièrement affecté. La charte de franchise, accordée à la fin du XIIe siècle par Ebe de Charenton, est confirmée à deux reprises au cours du XIIIe, ce qui est un indice de stabilité des structures urbaines. La présence d’une franchise urbaine, d’un hôtel-Dieu, d’une grange cistercienne, d’une église paroissiale monumentale et d’une ceinture de fortifications complète l’impression générale d’une entité urbaine solide et en plein essor.
En résumé, l’histoire du terroir Saint-Amandois est sans surprise et sans événement propre à exalter l’imagination des amateurs de récits épiques, ce qui a certainement déçu nos prédécesseurs emprunts de culture romantique. Le médiéviste remarquera que l’évolution de cette communauté urbaine est en tout point comparable à celle de milliers d’autres cités dans l’Occident médiéval et que, faute de séduire l’esprit par une architecture originale, cette lente mutation des Carolingiens aux dernières Croisades pourrait bien à elle seule justifier le développement et le succès ultérieur de la capitale du Boischaut.
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