Non loin de Bourbon-l’Archambaud et de Souvigny peut être observé un intéressant duo d’animaux musiciens, sculptés sur un chapiteau de colonne à l’entrée de l’église de Meillers, dans le département de l’Allier.
La scène compte en tout trois acteurs. De gauche à droite, un lion, joueur de viole; au centre, et le mieux exposé aux regards, un âne harpiste; à droite, dans le dos de l’âne, un homme, qui paraît poser une main sur l’animal, ou le tenir à la longe.
L’âne est reconnaissable à ses oreilles allongées. Le lion est une sorte d’hybride entre un chat sauvage -sa queue est hérissée- et un félin dont la face tendue émerge de l’amas de la crinière (mais qui avait déjà vu un lion au XIIe siècle à Meillers?). Les pattes des animaux sont exagérément tendues, celles du lion pour tenir l’archet et appuyer sur les cordes de l’instrument, celles de l’âne pour pincer les cordes à gauche, et tenir un pot, ou un tonnelet à musique, à droite. Comme partout dans la région, où la harpe n’était pas l’instrument majoritaire, si tant est qu’elle ait circulé, c’est une rote que tient l’équidé.
Ces figurations ne sont pas inhabituelles, même si le lion à la viole est plus rare que son compagnon. Des représentations d’ânes musiciens sont signalées depuis l’Antiquité - on en voit un d’origine égyptienne dans une des vitrines du musée du Louvre. L’époque romane a fréquemment exploité ce thème, qui se perpétue jusque dans la faïencerie marseillaise au XVIIIe siècle. Tout l’intérêt du chapiteau de Meillers est de donner une place exceptionnelle aux deux animaux dans l’ornementation de la façade de l’église, chaque figuration mesurant plusieurs dizaines de centimètres de haut.
Sachant que cette œuvre est célèbre dans les milieux de la musique ancienne, très documentés sur la question, à qui cet article n’apprendra pas grand chose, je recommande à tous les amateurs d’Art roman qui s’intéresseraient à ce thème de visiter l’église de Bourbon-l’Archambaud et son non moins célèbre chapiteau des musiciens, qui a fait l’objet d’un billet plus ancien sur ce blog, afin de comparer les formes des instruments. Viole et rote y sont également représentées.
Pour l’anecdote, ma première photographie de l’âne musicien, prise il y a presque 30 ans, a été publiée dans l’ouvrage “Anthologie de la harpe - la harpe des Celtes” (éditions de la Tannerie), auquel ont contribué des musiciens illustres comme Alan Stivell et Myrdhin. Un bien beau destin pour ce petit animal bourbonnais!