Il y a longtemps, un vieil ouvrier m’avait confié le secret du nom d’Allichamps: selon lui, il s’agissait des “champs d’Ali”, chef arabe survivant de la bataille de Poitiers, venu fixer l’Islam en pleine vallée du Cher. Bien plus tard, sa mosquée avait été remplacée par les Chrétiens par la chapelle qu’on peut voir encore aujourd’hui au milieu, ou presque, des champs.
Si mon informateur avait su tout ce que contient le sol de ce périmètre de la basse vallée du Cher, il aurait sans doute jeté Ali aux orties pour me parler de César et Charlemagne: Allichamps est un lieu à la stratigraphie complexe sur lequel aucune somme objective des connaissances le concernant n’a encore été réalisée.
Une des origines les mieux repérées est une petite agglomération gallo-romaine établie près d’un gué permettant à la voie antique Bourges - Néris de franchir le Cher. Une nécropole importante, à l’origine du toponyme -les Champs-Elysées gallo-romains étant devenus Allichamps) prolonge son activité bien au delà de l’Antiquité tardive. Des zones occupées par des sarcophages ont été détectées à plusieurs points du site. Une, actuellement, intéresse de très près les archéologues. Sa localisation précise ne peut être publiée, pour éviter les inévitables pillages.
C’est sur la fine couche de terre recouvrant cette immense cité des morts que les chanoines augustins de l’abbaye de Plaimpied, près de Bourges, ont bâti un prieuré dont on conserve aujourd’hui une bonne partie de l’ancienne chapelle prieurale.
A l’époque où on me racontait les exploits de l’émir Ali, j’ai visité ce qui n’était encore qu’une grange poussiéreuse. En montant sur les bottes de foin, on arrivait au niveau des chapiteaux. Une association de bénévoles s’est saisie de l’endroit et, après des années de travaux, a pu lui rendre une partie de son lustre d’autrefois.
On est tout de suite frappé par la qualité du travail des tailleurs de pierre romans. Des modillons extérieurs aux chapiteaux intérieurs, l’expression artistique est d’une richesse presque égale aux sculptures de l’abbaye de Plaimpied. Entre autres curiosités, on observe des couvertures en lauzes, qui sont peut-être à associer aux bories qu’on voit dans les vignes entre Chavannes et Châteauneuf.
Le prieuré d’Allichamps mérite une visite estivale et il est facile de profiter des expositions artistiques qui s’y tiennent pour découvrir l’intérieur. L’extérieur est accessible en toutes saisons.