Le bénitier de fonte de Lugny-Champagne (XVe siècle)

Publié le par Olivier Trotignon

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Chers lectrices et lecteurs, de tous les horizons que vous soyez, ce blog est écrit pour vous. Comme certains m’en ont fait le reproche, je ne suis pas de plan éditorial bien précis. Le sujet que j’explore est si immense qu’il n’y a pas de semaine où une nouvelle opportunité de rédiger un billet ne se présente. C’est précisément ce qui s’est produit hier. Étant présent à Bourges pour des tâches administratives annoncées de longue date, j’ai profité du soleil pour aller m’informer sur le cas d’un des plus anciens bénitiers en fonte de fer du Berry. Daté par les spécialistes de la fin du XVe siècle, son existence avait provoqué mon intérêt et je décidai de franchir les quelques kilomètres qui me séparaient de l’objet pour tenter de le photographier.
Plusieurs possibilités se présentent en de pareilles circonstances. En général, les églises sont closes, et on repart bredouille. Parfois, l’église est ouverte, et on a un libre accès à ce qu’on souhaite observer. Rarement, le sanctuaire est fermé, mais un paroissien bénévole, ou une association de pays, a laissé ses coordonnées pour permettre les visites.
Je découvrais cet après-midi là une quatrième solution, inouïe au sens littéral du terme: la porte claquée au nez. Me voici arrivé devant l’église de Lugny-Champagne, à une trentaine de kilomètres à l’est de Bourges. Je me heurte à une porte fermée, mais une  gentille dame, de ces paroissiennes qui entretiennent fidèlement les lieux de culte ruraux, m’affirme disposer sur elle de la clé, mais m’annonce devoir demander au maire du lieu, présent par hasard à quelques mètres de là, l’autorisation de me laisser pénétrer dans l’édifice.
La fatigue et la chaleur aidant, je confesse ne pas avoir perçu le signal d’alerte lancé par la dame.
Je me suis fait recevoir comme on devait accueillir naguère les lépreux de passage: m. le maire, dont je n’ai pas perdu mon temps à retenir le nom, m’a proprement envoyé au diable. Traité comme un malpropre, j’ai appris que pour pénétrer  dans l’église de Lugny, il fallait  formuler une requête écrite à la mairie, qu’on avait jamais vu ça etc etc....
Monsieur le maire, même si j’imagine que vous ne lirez jamais ces lignes, sachez au moins qu’il n’est pas dans ma nature de me courber devant des gens comme vous pour pénétrer dans un lieu public, et, avant de traiter les historiens comme des chiens, pensez à vérifier la solidité de leur muselière. Vous avez considéré mes arguments avec mépris, j’ai de même fait litière de votre refus de me laisser accéder à une pièce rare de notre petit patrimoine.
J’ai quitté les lieux, fait juste en voiture le tour du pâté de maison et suis revenu. Comme c’était prévisible, la porte de l’église était...

Lugny-porte

ouverte, la petite dame s’occupant à l’intérieur. Devant un de vos administrés hilare, j’ai pris quelques photos du bénitier, sans dépasser le seuil de l’église, pour ne pas mettre la personne en difficulté.
En revenant dans mon Boischaut natal, je pensais à tous ces élus locaux qui m’ont accueilli à bras ouverts depuis presque un quart de siècle de recherches au service de la région, à ceux qui suivent mes conférences et qui adhèrent à ce blog. J’ai même revu poindre l’inimitable silhouette de Jean, Marie Dumontet, regretté maire de Vesdun qui récompensait tous les gens qui avaient aidé à la promotion culturelle de sa commune par le titre envié de “chevalier de saint-Guerlet”. Tout est une question d’élégance.
Pour revenir au sujet principal, voici les photos d’un objet dont je n’ai eu le loisir de mesurer ni la hauteur, ni le diamètre, qui semble être un des plus anciens bénitiers berrichons coulé en fonte de fer à la fin du XVe siècle. Son diamètre extérieur porte deux décors en bandeau portant une légende, peut-être une dédicace. Un autre modèle contemporain existe à la Chapelle-Hugon, vers Sancoins, et fera, je l’espère, le sujet d’un billet à venir. D’autres bénitiers de fonte plus récents peuvent être observés dans différents villages du département du Cher, comme c’est le cas, par exemple, à Saint-Baudel, entre Mareuil et Châteauneuf-sur-Cher.
Ces produits de forge rappellent que le Berry fut, depuis l’époque des Bituriges, un haut lieu de production sidérurgique en France et que des mines et carrières de fer ont été exploitées dans toute la partie sédimentaire de son territoire. Dommage qu’il faille parfois affronter des situations ubuesques pour les admirer!

 

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Publié dans patrimoine religieux

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B
<br /> <br /> C'est passionnant. Je n'aurais pas imaginé qu'ils avaient de tels vestiges au Japon. Vrai aussi que la fabrication rappelle celle de l'ancienne sonnaille.<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Ce benitier, qui t'a coûté d'affronter cet ignoble personnage qu'est le maire de cette commune, ressemble étonnamment à un mortier géant. Qu'est-ce qui leur a pris de mettre un moche pot dedans ?<br /> Si un jour je passe par là, je ferais le détour exprès pour grogner auprès de cet andouille de maire.<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Je suis sur la piste de deux autres pièces, dont un bénitier du XIIIe siècle qui a été exposé à Tokyo dans les années 80. J'espère être mieux reçu .<br /> <br /> <br /> Ces bénitiers évoquent aussi la méthode de fabrication des cloches, qui devait être très proche.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Je connais bien ce bénitier, dont l'inscription indique qu'il a été "faict" en 1494 aux forges de la Motte-Cochon, à Lugny-Champagne. Sur place, au moulin de la Motte (son nom actuel), on<br /> retrouve de très nombreuses scories de bas-fourneau, preuve que le minerai local y était travaillé.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Il y a quelques années, dans la propriété de Mr Du Fayet De La Tour, qui le Monsieur, à la fois maire et châtelain de Billeron, qui vous a "jeté" de l'église , nous avions reconstitué à<br /> l'occasion d'une fête, un bas-fourneau médiéval.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Construit en argile mêlée de paille, il avait été préchauffé et alimenté en minerai local et charbon de bois. Nous espérions obtenir une "loupe", en portant la température à 1300°. Trop fainéants<br /> pour actionner des soufflets à main, nous avions installé une tuyère alimentée par un ventilateur électrique, ce qui eut pour effet de porter la température bien au-delà des 1536° nécessaires à<br /> la fusion du fer.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le résultat fut la fusion de l'ensemble: minerai, argile et fondant. Pas de loupe, donc, mais de très belles pièces vernissées dont certaines sont toujours à la maison. Si cela vous intéresse, je<br /> peux rechercher les clichés...<br /> <br /> <br /> <br />
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