Cela remonte à quelques décennies. Un de nos instituteurs, éduqué à la vieille école, frappait notre imagination de gamins de primaire en nous racontant le Moyen-âge en s’appuyant sur des images fortes, comme celle de ces guets nocturnes, armés de hallebardes et de flambeaux, clamant leur rassurante vigie dans les rues désertées de nos villes de naguère:
“Il est minuit, braves gens, dormez en paix...”
Les temps ont bien changé. Pour traquer le voleur et l’assassin, notre société moderne s’est équipée de caméras de vidéo surveillance. Leur œil noirâtre scrute sans relâche nos moindres déplacements.
Saint-Amand-Montrond, centre de la France et cité -auto proclamée- de l’Or est, sans conteste, une ville du XXIe siècle qui entend bien vivre avec son temps. Après un meurtre particulièrement ignoble et quelques attaques de bijouteries, elle a décidé de se doter d’un réseau imperméable de caméras censées rendre à la cité sa quiétude légendaire.
L’auteur de ces lignes préfère taire les sentiments que lui inspirent ces cyclopes globuleux juchés aux quatre coins de l’agglomération dans laquelle il n’habite pas, mais qu’il fréquente quotidiennement et est prêt à admettre qu’aux abords des collèges et lycées, lieux de vie d’une population jeune et fragile, le concept sécuritaire peut avoir un sens. Mais comment ne pas fustiger l’inadmissible éclosion de paraboles sur les monuments historiques du cœur historique de la ville de Saint-Amand?
Cette ville possède deux édifices religieux médiévaux classés Monuments Historiques.
Son église paroissiale, datée du XIIe siècle, vient de voir son clocher crevé par une des antennes de transmission des images de vidéo surveillance. Remarquons que les toitures ont été rénovées il y a un an par une entreprise de couverture agréée par les M.H. pour éviter les fautes de goût.
Mais c’est sans aucun doute l’ancien couvent des Carmes, daté du XVe, qui a le plus souffert, même si tout est réversible, de l’offensive électronique contre l’insécurité urbaine. L’élégant clocheton de pierre qui domine l’édifice est défiguré par des paraboles de retransmission qui lui donnent depuis quelques semaines un aspect de mirador nord-coréen.
Le rédacteur de ce blog s’étonne de l’apparente anarchie dont témoigne la prolifération de ces antennes. Comment les Monuments Historiques, pourtant d’une rigueur intraitable pour les simples particuliers dans la gestion du Plan d’Occupation des Sols, ont pu accepter de laisser balafrer un patrimoine historique tel que l’église romane et le couvent des Carmes? Quelle impression ces équipements anachroniques vont-ils laisser aux visiteurs profitant de la saison touristique ou de leur étape sur le chemin moderne de Compostelle pour visiter le vieux quartier de Saint-Amand-Montrond?
J’ignore si ces lignes aideront à faire prendre conscience aux décideurs locaux qu’une solution alternative doit être trouvée sans délai, mais il est clair que le patrimoine historique de la ville mérite beaucoup mieux que ces ornements disgracieux.
© Olivier Trotignon 2010