23 juin 2009
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Les ruines du château de Bois-Sir-Amé, sur la commune de Vorly, dans le Cher, sont exceptionnelles à plus d’un titre et on ne peut s’empêcher de regretter qu’un tel monument ait été gagné par la ruine. Bois-Sir-Amé est en effet l’un des derniers châteaux-forts construit en Berry, bien après la grande vaque d’édification de forteresses féodales du XIIe et XIIIe siècle. Un acte royal situe précisément le début de l’entreprise (ce qui ne signifie pas que le chantier débute cette année là) en 1396, quand la chancellerie royale autorise Jacques Trousseau, maître d’hôtel du duc de Berry, à fortifier une place acquise auprès du chevalier Louis de Vigny. En résulte l’édification d’une puissante place forte, entourée de fossés très profonds, entourant un grand corps de logis dont les murs et pignons sont encore visibles à des kilomètres dans la plaine champenoise. La “petite” histoire en fait un des lieux de villégiature favoris de la belle Agnes Sorel.
![](http://idata.over-blog.com/2/08/06/45//Bois-Sir-2.gif)
Le caractère romantique de l’endroit tient presque autant à la taille des ses tours et murailles émergeant de la végétation qu’au nom très particulier du site, qu’une ancienne légende situait, au prix de quelques contorsions narratives, dans la bouche d’une belle femme du temps jadis portant une coupe de nectar aux lèvres de son bien-aimé chevalier par ces mots: “Bois, sire aimé!”.
L’historien a sur ce sujet une toute autre lecture, qui s’appuie sur l’existence à quelques centaines de mètres du château-fort, en lisière de taillis, d’un complexe défensif du XIIe siècle, formé d’une motte castrale, d’une basse-cour et d’une enceinte, dont la masse considérable des remblais a découragé les agriculteurs de mettre le site en culture, si bien que l’on voit parfaitement sur les photographies aériennes la saille semi-circulaire que la fortification dessine en limite de forêt et de champs de céréales. La motte présente la particularité d’être évidée à son sommet, ce qui laisse imaginer l’existence d’une cave formant le sous-sol de l’ancien donjon. Le nombre de pierres et de morceaux de tuiles visibles au sol permettent de supposer que la tour seigneuriale a pu être construite, au moins partiellement, en dur. Un croisement avec les sources documentaires locales permet de nommer cet endroit, connu pour la première fois en 1150 sous la forme de “nemus Amelii de Charentone” -le bois d’Ameil de Charenton, devenu en 1380 “Bois Sir Amel”, forme originelle du “Bois-Sire-Amé” actuel. Ce seigneur des origines est bien identifié dans la société féodale locale grâce à 17 mentions documentaires. Descendant d’une branche cadette probable de la famille de Charenton, il compose avec les grands féodaux de son temps - comte de Nevers, seigneurs de Graçay, Chârost, Vèvre ou Charenton et possède des domaines jusque vers Menetou-Couture. On note que le château actuel ne réoccupe pas l’emplacement de la motte primitive mais s’en éloigne peu, peut-être parce que celle ci demeurait plusieurs siècles après son édification le symbole de l’autorité féodale à laquelle la noblesse de la fin du Moyen-âge restait très attachée.
![](http://idata.over-blog.com/2/08/06/45//Bois-Sir-a-rien.gif)
![](http://idata.over-blog.com/2/08/06/45//Bois-sir-motte.gif)
Doit-on conseiller à l’amateur de vieilles pierres de prévoir une promenade à Bois-Sir-Amé? Deux obstacles me font hésiter à recommander ce lieu. Tout d’abord, le site est privé et comme autour de tant d’anciennes ruines, la sécurité du visiteur peut être menacée, ce qui justifie les interdictions de pénétrer posées par le propriétaire. L’autre difficulté vient de la topographie particulière de l’endroit, complètement entouré de végétation, au point que de la pousse à la chute des feuilles des arbres qui ceinturent la forteresse, Bois-Sir-Amé est presque invisible de la petite route qui le longe. Nous réserverons donc ce château hors du commun pour nos flâneries hivernales
Published by Olivier Trotignon
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dans
patrimoine militaire