Reliquaires improvisés?

Vous aurez sans doute remarqué sur de nombreuses églises des régions du Centre des stries plus ou moins profondes dans les pierres des murs extérieurs, souvent près de la porte du sanctuaire. Cette curieuse coutume indatable est souvent interprétée comme le souvenir du temps où les bouchers du village venaient effiler la lame de leurs couteaux et les paysans redonner un tranchant à leurs outils de travail. Si une telle explication pourrait être admise sur des édifices construits dans des grès fins, on comprend bien vite que sur des églises de granite à granulométrie irrégulière, ou de calcaire tendre, la thèse de l'origine utilitaire ne peut être avancée. De plus, on observe des grattages en cupules sur certaines pierres.
Plusieurs observateurs et connaisseurs des traditions populaires ont soumis l'hypothèse d'une pratique liée à la présence, parfois temporaire, de reliques dans les églises concernées. Des pèlerins, de passage dans les parages, auraient pu gratter quelques grains des murs des églises pour les ajouter à d'autres souvenirs pour se constituer un objet de culte, ou un talisman primitif rappelant les enseignes de pèlerinage parfois décrites dans des rapports de fouilles. Une autre thèse, tout aussi intéressante sans être contradictoire, évoque la constitution de petits talismans destinés à protéger les habitations, les récoltes, le cheptel, par des habitants du cru plaçant leurs biens sous la sauvegarde du Saint dont les reliques auraient pu être exposées dans l'église. L'eau bénite placée dans des petites urnes, ou même des haches polies néolithiques perçues comme des pierres de foudre auraient joué le même rôle protecteur.
Préparant ma conférence sur la médecine et les miracles en Berry, j'ai eu la surprise de mesurer combien nous étions mal renseignés sur ce phénomènes des reliques dans les églises rurales. Des auditeurs, souvent généalogistes, m'ont signalé certaines de leurs découvertes pour la période post-médiévale qui laissent supposer une abondance insoupçonnée de reliques si modestes que la littérature les ignore la plupart du temps mais qui ont occupé une place considérable dans le quotidien des anciens paroissiens des campagnes du Centre. Les marques d'usure sur le mur des églises pourrait être l'indice d'une activité spirituelle populaire plus que la trace de la friction des lames des outils des gens d'autrefois.