Trésors monétaires de la fin du Moyen-âge

En presque trente années de recherches sur le terrain, comme amateur, fouilleur ou historien dans le cadre de mes recherches universitaires, j'ai été à plusieurs reprises confronté à des témoignages de découvertes de trésors. Au milieu de quelques sympathiques histoires plus proches de l'univers des pirates de bande dessinée que de l'archéologie se détachent quelques trouvailles fortuites qui éclairent une partie de l'histoire du Berry à la fin du Moyen-âge.
Une première cache métallique fut mise au jour à Saint-Amand-Montrond lors de la démolition, rue de l'Hôtel-Dieu, dans le quartier ancien de la ville, d'un bâtiment de nature imprécise sur le site de l'entreprise de carrosserie Valette. Cette trouvaille fut étudiée et acquise par le numismate saint-amandois Raymond Soulat, qui dispersa la plus grande partie de la collection. Les trois monnaies illustrant cet article proviennent de ce premier lot.
Un second trésor pourrait avoir été soustrait à l'attention de son légitime propriétaire lors de travaux de maçonnerie réalisés sur une ancienne bâtisse du quartier de la place du marché, toujours à Saint-Amand. Un artisan maçon, décrépissant un mur, aurait trouvé un bouchon de mortier sonnant le creux à la base d'un mur. En piquetant l'endroit, un nombre important de pièces d'argent se serait alors écoulé sur le sol. Flairant la bonne affaire, l'ouvrier -d'après le témoin qui m'a raconté l'histoire- aurait alors laissé tous ses outils sur le chantier, rempli sa caisse à outils avec le produit de son larcin, et regagné son domicile. Les détails tels qu'ils m'ont été rapportés semblent assez précis pour accorder, toujours avec les précautions qui s'imposent, un certain crédit à ce récit. La personne qui m'a conté l'anecdote a en outre reconnu dans les pièces de la rue de l'Hôtel-Dieu les mêmes espèces que celles dérobées par l'artisan.
Dans les deux cas nous nous trouverions donc devant des caches contenant un nombre indéterminé de pièces d'argent de l'époque Charles VII / Louis XI, que les propriétaires n'ont jamais récupérées, signe en général d'événements traumatiques comme des morts violentes, des départs précipités ou des ravages épidémiques. Le trésor de la rue de l'Hôtel-Dieu contenait -c'est peut-être un indice- des monnaies d'excellent métal, bien différent de l'argent appauvri qui a permis de frapper certaines pièces de monnaie à cette période.
Deux pistes doivent être envisagées pour expliquer ces mises à l'abri de sommes d'argent. La peur de dévaluation monétaire: des riches bourgeois soustraient aux appétits des agents royaux des métaux fortement titrés pour éviter leur échange avec des pièces de même valeur faciale, mais plus pauvres en métal noble. La crainte de pillages dans le contexte politique fortement agité de la Guerre de Cent ans, mal étudiée dans la région, peut être aussi une cause suffisante à la constitution de cache numéraires.
On ne trouve aucune trace de pièces d'or, signe peut-être que le commerce local n'était pas assez florissant pour attirer la circulation de monnayages de grande valeur, ou qu'on les conservait dans des cassettes plus facile à emporter avec soi en cas de danger.