Des Champs-Elysées à Allichamps

Publié le par Olivier Trotignon



Que le lecteur veuille bien me pardonner ce titre quelque peu décalé pour initier le premier chapitre d’une série d’invitations à la découverte du patrimoine médiéval autour de la célèbre abbaye de Noirlac. 

Il me semble intéressant de pouvoir conseiller quelques monuments très proches du site cistercien aux visiteurs connaissant peu les ressources patrimoniales de ce secteur de la vallée du Cher. Quittant noirlac, il est possible en quelques minutes d’atteindre trois sites remarquables et à mon sens injustement méconnus des amateurs d’architecture médiévale tant religieuse que civile et militaire. Le premier détour proposé est situé à quelques kilomètres au nord de Noirlac, au prieuré d’Allichamps.

Je ne peux m’empêcher de penser à ce vieil habitant du village de Bruère qui m’expliqua un jour, assez laborieusement, comment un chef arabe du nom d’Ali avait campé dans un champ près de son village; la postérité en ayant gardé le souvenir en baptisant la place le “Champ d’Ali”, devenu Allichamps. Le brave homme aurait certainement été surpris si on lui avait annoncé devoir aller chercher aux Champs-Elysées l’origine du toponyme en question. Plusieurs actes du chartrier de Noirlac montrent sans ambiguïté que le nom “Elyseis Campis” était encore employé pour désigner le lieu aux XIIe et XIIIe siècles.

C’est bien sûr à l’Antiquité que remonte le nom du site, reconnu depuis longtemps comme un vaste périmètre funéraire en bordure de la voie antique qui franchissait certainement le Cher à cet endroit. Des stèles funéraires assez nombreuses (il en reste une scellée dans la façade du prieuré), des vestiges gallo-romains dans les champs alentours, une grande nécropole mérovingienne repérée lors du chantier de l’autoroute A71, des sépultures fouillées dans le sol même du prieuré, démontrent l’importance de la vocation tumulaire de l’endroit, sans qu’on puisse vraiment l’expliquer en absence de toute synthèse sur les découvertes archéologiques faites sur place.

C’est ce lieu que choisirent les moines de l’abbaye de Plaimpied pour y fonder un prieuré dont la qualité des bâtiments reflète soit la générosité des donateurs laïcs soit la prospérité de ce lieu de passage. De cette fondation subsiste une grande partie de la chapelle prieurale, devenue une simple grange après la Révolution, et aujourd’hui encore défigurée par d’affreux hangars agricoles mitoyens. Abstraction faite de ces nuisances visuelles, le visiteur trouve sur place un très beau bâtiment construit en pierre de taille et partiellement couvert de dallettes de calcaire. Si l’abside latérale droite a été éventrée pour laisser passer les charrettes de foin, le chevet est remarquable de par son équilibre et la présence de nombreux modillons. L’intérieur de la chapelle recèle des chapiteaux sculptés de grande qualité, ainsi qu’une crypte.

Il est possible que ce lieu ait perdu de son importance stratégique au moment de l’abandon du passage de la voie ancienne par le gué du Cher au profit d’un nouvel axe se dirigeant vers Saint-Amand, nouveau pôle économique à partir du XIe siècle, passant sous les murs de la cité médiévale de Bruère, sur laquelle nous nous attarderons dans un futur chapitre, et par Noirlac.

Le prieuré d’Allichamps est la propriété de la commune de Bruère-Allichamps. Il est classé Monument Historique. Depuis plusieurs années, des bénévoles ont réalisé une remarquable remise en valeur du site, qui mérite vraiment un détour.

 

 


 

Publié dans patrimoine religieux

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