La pseudo-motte templière de Braize (03)
Il est arrivé, ces dernières années, qu’on me parle d’un lieu curieux, nommé la Commanderie, sur la commune de Braize, dans le département de l’Allier, censé abriter une motte prétendument élevée par les Templiers.
Ma réponse a toujours été la même: une motte, pourquoi pas? Bâtie par les Templiers: un anachronisme.
Il existe bien, en Bourbonnais et plus généralement sur le territoire national -et même au delà- des mottes castrales dans divers états de conservation. Ces mottes, élevées à l’initiative des chevaliers du premier âge féodal, avaient une fonction aussi bien militaire que symbolique. Lieux de pouvoir, elles affirmaient concrètement la puissance de leurs détenteurs. Les Templiers, pas plus que d’autres moines, n’ont jamais érigé de mottes.
Des Templiers à Braize? C’est vrai. Il existait bien dans ce village une petite communauté templière dépendant d’une commanderie de la région de Moulins, la Racherie.
Les quelques actes qui y font allusion dans le fonds des archives départementales du Rhône (cotes 48 H 2547 et 2550) ne donnent pas l’impression qu’il existait là une communauté importante, rien à voir avec une commanderie majeure, comme le suggère le toponyme cité plus haut. Un texte moderne parle d’une vieille chapelle en ruine, d’une maison pour le métayer et d’une rente annuelle de 2400 livres. Le commandeur du lieu administrait à la fois les biens templiers de Braize et de Bourges. La présence d’une chapelle ancienne vient tordre le cou à l’affirmation d’une origine templière de l’église du village.
Ces quelques éléments permettent d’évaluer l’importance de l’ancien domaine des frères du Temple: un domaine bordant un vaste espace forestier, qui n’a pas particulièrement marqué l’histoire locale. Les Templiers possédaient de nombreux sites dispersés sur l’ensemble du territoire et participaient, comme tous les autres ordres monastiques, à l’économie des campagnes et des villes.
Revenons vers notre « motte ». Il existe bien, à quelques dizaines de mètres de la ferme de la Commanderie -probablement située sur la fondation originelle- un grand tertre lenticulaire qui domine les champs et bois alentours. Rien n’indique une origine humaine à ce relief. Au contraire, si on observe les courbes de niveaux et plus généralement la topographie locale, on constate que la bosse se trouve dans le prolongement d’un relief de même altitude, s’étirant sur des centaines de mètres. Un géologue y verrait une butte-témoin d’une structure rocheuse altérée par l’érosion. Le médiéviste n’y voit rien de plus.
© Olivier Trotignon 2025