Depuis quelques mois, la presse régionale a rapporté toutes les incertitudes qui entourent la possible réouverture à la visite de la forteresse médiévale de Culan, fermée depuis des années, et frappée d’un certain nombre de désordres du bâti qui pourraient conduire le site à la ruine.
J’ai été contacté pour émettre un avis sur la façon dont pourrait être organisé le peut-être futur accueil des visiteurs. Après avoir visité la place-forte des combles aux caves, et m’appuyant sur les recherches menées depuis ma Maîtrise sur l’histoire de Culan -recherches non communicables en l’état, pour éviter le pillage intellectuel de mes résultats- j’ai proposé un projet d’aménagement des espaces ouverts au public respectant l’histoire du château et de ses environs, faisant litière des aspects légendaires auréolant le passé de l’endroit.
Je n’ai, à ce jour, reçu aucune réponse à mes propositions. Il me serait pénible que mon temps passé à rassembler les éléments appuyant mon argumentaire soit définitivement perdu et que mon texte réapparaisse plus tard sous une autre signature. Je porte donc à votre connaissance, pour information, mon avis d’historien sur un dossier qui attend encore, en ce début avril 2022, une heureuse conclusion.
"Bonjour monsieur XXXX
vous m’aviez, lors de notre visite, demandé mon avis sur des éléments susceptibles de permettre une réouverture du château de Culan à la visite, dans le cas où le Conseil départemental du Cher deviendrait propriétaire de cet ensemble.
Bien entendu, les réflexions qui suivent n’engagent que moi, et s’appuient sur mon expérience de médiéviste et conférencier indépendant n’ayant jamais été concerné par la moindre aide de la part d’organismes privés ou publics pour la menée de mes recherches. Ma parole est donc complètement libre.
L’histoire proprement dite de la forteresse n’est pas documentée. Seules l’archéologie et la castellologie peuvent permettre d’avancer des hypothèses sur les différentes phases de construction du château. Cette absence de données n’est pas propre à Culan. La plupart des bâtiments médiévaux de la région, militaires, civils ou religieux souffrent des mêmes lacunes documentaires.
Culan, en revanche, est un des rares sites fortifiés médiévaux régionaux a avoir été construit et possédé par une famille qui a laissé d’assez nombreuses traces dans les archives. La plupart des autres châteaux du Moyen-Âge local en état d’être visités n’ont pas cet avantage.
C’est, je pense, un point de départ possible pour réorganiser à partir de connaissances attestées, et non plus de postulats invérifiables, un circuit de visites dans le château.
Les Culan sont présents dans le paysage politique local depuis la fin du XIe siècle jusqu’à la Guerre de 100 ans. Au long de ces plus de trois siècles, nous les voyons doter les abbayes et prieurés locaux, participer à une croisade, à une chevauchée, affranchir Vesdun, battre monnaie, être impliqués dans différents conflits locaux et nationaux et, enfin, participer à la libération d’Orléans.
Il me paraît possible, avec un budget raisonnable, d’organiser à l’intérieur des espaces secs (hors caves) une formule de panneaux d’exposition garnis de textes et de photographies illustrant les diverses activités auxquelles les Culan ont pris part, avec des fac-simile de chartes et sceaux, des maquettes de la forteresse à divers stades de son évolution. L’ensemble gagnerait à être complété par des tenues militaires propres à chaque grande période, de facture moderne, qui garantiraient l’intérêt du public pour des armements souvent méconnus, avec lesquels le bric-à-brac actuellement visible dans les pièces du château n’a qu’un rapport lointain.
N’ayant pas poussé mes recherches au-delà de la fin de la période médiévale, je ne dispose que de très peu de données sur la période allant de la Renaissance à la Révolution, mais il y a très certainement des moments forts, comme la Fronde, à illustrer selon le même principe.
Un tel choix permettrait de fournir au personnel en charge des visites une trame narrative facile à suivre. Cela donnerait à Culan un statut original dans une région où la période médiévale est peu valorisée, hors quelques sites religieux. Un trait d’union est possible avec Noirlac, dotée par les Culan. Des panneaux et des équipements légers (proches de ce que les Archives départementales produisent lors de leurs expositions temporaires, de grande qualité) pourraient être facilement déplacés pour libérer des salles pour des manifestations ponctuelles.
Avec un minimum d’équipements (chaises, vidéo-projecteur, sonorisation ponctuelle), l’intérieur du bâtiment a la capacité d’accueillir des conférences, débats et colloques dans un cadre plus attractif que les ordinaires salles des fêtes souvent retenues pour ce type de prestation.
La cour du château me paraît assez vaste pour accueillir certaines troupes de reconstitution médiévale offrant des prestations de qualité. Culan pourrait se distinguer par des animations estivales offrant au public une vision du passé sans les stéréotypes racoleurs habituels des fêtes dites médiévales.
Dans une perspective plus étendue que le simple cadre de la forteresse, Culan peut offrir au public un point de départ pour des itinéraires culturels dans la moitié Sud du département ouvrant sur les musées, le patrimoine historique et pourquoi pas naturel de la région, favorisant l’économie locale et l’attractivité d’un territoire intermédiaire entre Berry, Auvergne et Limousin."
© Olivier Trotignon 2022